5.4.5.1.3. Le secteur de Bagh-e Firuzi Est

D’après les données publiées par A.B. Tilia et W. Sumner, la morphologie et la nature des sites du secteur de Bagh-e Firuzi Est présentent a priori des différences importantes par rapport à ceux situés dans le secteur de Bagh-e Firuzi Ouest. Dans ce dernier, mis à part Tol-e Jangi A, l’occupation achéménide se caractérise par la présence d’un groupe de tepes peu élevés présentant de vestiges architecturaux en pierre. Les trois sites de Bagh-e Firuzi Est correspondent pour leur part à de plus vastes tepes s’élevant chacun à plus de 2 m au-dessus de la plaine et ne présentant pas, mis à part la construction en galerie rattachée à Firuzi 5, de structures en pierre.

Nos recherches dans la région de Firuzi se sont concentrées sur le secteur de Bagh-e Firuzi Est. Outre des prospections à vues et une étude cartographique, des prospections magnétiques ont été entreprises sur et entre les sites. Elles ont permis de couvrir une longue bande de terrain de 600 m de long à travers Bagh-e Firuzi Est. Les résultats obtenus permettent de proposer de nouvelles hypothèses concernant l’occupation ancienne dans ce secteur.

Au sud-est de Bagh-e Firuzi Est, il semble que l’emprise de Firuzi 5 est beaucoup plus vaste que le seul tepe de forme rectangulaire encore en partie préservé994. W. Sumner suggère l’existence d’une grande enceinte tout autour du site. La présence d’aménagements périphériques, délimitant une surface de 20 ha, a pu être confirmée à la fois par l’étude des images satellites de type CORONA et par les prospections géophysiques entreprises dans les champs au nord-est du tepe. La nature de ces installations reste toutefois à préciser, il pourrait peut-être s’agir d’une enceinte, couplée à un fossé. La prospection magnétique entre le tepe central et les aménagements périphériques n’a pas permis de révéler de vestiges archéologiques. Dans cet espace, une structure en galerie construite en gros blocs de pierre constitue le seul indice d’occupation attestée. Elle a été datée par A.B. Tilia de la période achéménide. Cependant, la fonction de cette construction reste énigmatique et pour l’instant rien ne permet de la relier aux autres vestiges de Firuzi 5. Pour l’instant, mis à part à l’emplacement du tepe central, la plus grande partie de la surface délimitée par les aménagements périphériques paraît vide de constructions. La datation de l’occupation à Firuzi 5 pose également problème. La présence de constructions en pierre, en particulier une série de plateformes en gros blocs sur le tepe central, permet a priori de comparer Firuzi 5 aux sites achéménides Bagh-e Firuzi Ouest. Toutefois les techniques de construction de ces plateformes et la qualité de la taille des blocs paraissent différentes. De plus, à l’inverse de W. Sumner, nous n’avons pour notre part pas pu retrouver de céramiques achéménide/LPW à la surface du tepe central. Malgré les quelques données nouvelles, la nature de l’occupation à Firuzi 5 reste donc largement à préciser. Il faut cependant retenir l’importance de la surface du site qui devait s’étendre sur près de 20 ha.

Au nord-ouest, nos prospections magnétiques à Tol-e Ajori ont révélé le plan d’un édifice de forme carrée construit en brique cuite995. Certaines de ces briques sont glaçurées et témoignent de la présence de panneaux ornementaux. L’identification du site à un atelier de fabrication de briques cuites, proposée par A.B. Tilia et W. Sumner, peut être écartée car aucun four n’a pu être détecté. La taille des briques, comparables à certaines utilisées sur la terrasse de Persépolis, et surtout la présence de briques ornementales ne laissent aucun doute sur la datation achéménide de l’édifice. Cette construction devait certainement correspondre à un édifice de prestige, son plan composé d’une seule pièce centrale exclue une fonction résidentielle. Donc, comme à Bagh-e Firuzi Ouest, un édifice luxueux s’élevait à Tol-e Ajori. Néanmoins, il est possible de souligner plusieurs différences. Les matériaux de construction sont de toute autre nature, la pierre ne semble pas avoir été utilisée et l’utilisation de la brique cuite a été privilégiée. En-dehors du quartier royal et de Naqsh-e Rustam, il s’agit du seul site qui a fourni des preuves de l’utilisation massive de ce matériau. Par rapport aux sites de Bagh-e Firuzi Ouest, la morphologie de Tol-e Ajori est également tout à fait différente. Il mesure 2 m de haut alors qu’à l’ouest l’élévation des tepes ne dépasse pas le mètre. Le bâtiment en brique cuite de Tol-e Ajori a probablement été construit sur un promontoire.

A la limite nord-ouest du secteur de Bagh-e Firuzi Est, Tol-e Jangi B n’a livré que très peu d’artefacts en surface et aucun ne permet pas de démontrer avec certitude une occupation d’époque achéménide996. Les prospections magnétiques ont peut-être détecté la présence d’un bâtiment et d’une enceinte autour Tol-e Jangi B mais ne permettent pas de restituer le plan précis des vestiges sur le tepe lui-même. Il paraît intéressant de comparer les sites de Tol-e Jangi A et B. D’un point de vue morphologique, il s’agit de tepes circulaires qui dominent le secteur de Bagh-e Firuzi, tous deux mesurant plus de 3 m de haut. Dans les deux cas, les densités de matériel archéologique en surface sont faibles et il n’y pas de traces avérées de constructions en pierre. S’ils sont contemporains de l’occupation achéménide de Bagh-e Firuzi, la nature des occupations sur ces deux sites doit être tout à fait différente des autres sites. La datation, le plan et la fonction de ces deux sites restent donc à préciser.

Figure 5‑62 : Vue générale des résultats des prospections magnétiques à l’est de Bagh-e Firuzi
Figure 5‑62 : Vue générale des résultats des prospections magnétiques à l’est de Bagh-e Firuzi Les échelles en niveau de gris utilisées pour éditer les différentes cartes du gradient magnétique sont différentes suivant les secteurs. Pour les connaitre, il faut donc se reporter aux résultats détaillés par site.

A l’échelle du secteur de Bagh-e Firuzi Est, la prospection magnétique (Fig. 5-62) n’a pas permis de révéler d’indices d’occupation entre les différents sites. Cette absence de résultats laisse largement en suspend la question de l’existence de l’intégration des différents sites de Firuzi au sein d’un même schéma d’organisation. Aucun nouveau bâtiment n’a pu être détecté entre les différents tepes et seule la longue anomalie située au sud de Tol-e Ajori pourrait correspondre à un aménagement ancien de grande envergure. Notons toutefois que les prospections magnétiques ont peut-être révélé des éléments de murs ou de fossés qui entoureraient les sites de Tol-e Ajori et Tol-e Jangi B, l’existence de grands aménagements périphériques autour du tepe central de Firuzi 5 paraissant mieux attestés. L’emprise actuelle des tepes ne reflète donc probablement que très imparfaitement les surfaces réelles d’occupation. Toutefois, même en considérant ces installations périphériques aux différents sites, les zones entre les différents tepes de Bagh-e Firuzi Ouest apparaissent peu construites. Dans les champs prospectés l’absence de concentrations d’artefacts en surface et le faible magnétisme du terrain empêchent de restituer l’existence de zones densément bâties. Comme dans le secteur de Persépolis Nord-Ouest998, il est possible que les labours profonds aient fait disparaître les vestiges archéologiques.

Notes
994.

Cf. § 5.4.4.2

995.

Cf. § 5.4.4.3

996.

Cf. § 5.4.4.4

997.

Les échelles en niveau de gris utilisées pour éditer les différentes cartes du gradient magnétique sont différentes suivant les secteurs. Pour les connaitre, il faut donc se reporter aux résultats détaillés par site.

998.

Cf. § 5.3.5.1.1