5.5.1.2.2. Résultats des prospections magnétiques

L’interprétation de la carte du gradient magnétique obtenue à Dasht-e Gohar (Fig. 5-69) est difficile car l’orientation des bâtiments achéménides est parallèle à celle du parcellaire moderne. Les quelques anomalies visibles peuvent donc tout aussi bien se rapporter aux labours ou aux canaux modernes qu’à la présence d’aménagements anciens. A Persépolis Nord-Ouest, il était possible de distinguer des anomalies, même faibles, probablement reliées à une organisation ancienne du paysage car elles présentaient des orientations différentes de celle du parcellaire actuel1043. La plupart des anomalies visibles sur la carte magnétique de Dasht-e Gohar sont donc probablement liées à l’exploitation agricole moderne qui a pu également provoquer un arasement des vestiges archéologiques. Les conclusions archéologiques à tirer de la carte géophysique sont de ce fait très limitées.

Figure 5‑69 : Carte du gradient magnétique obtenue à Dasht-e Gohar, replacée sur un assemblage de photographies aériennes couleur à haute résolution
Figure 5‑69 : Carte du gradient magnétique obtenue à Dasht-e Gohar, replacée sur un assemblage de photographies aériennes couleur à haute résolution

La carte magnétique fait apparaître plusieurs anomalies, de forme et de valeurs différentes, entre les deux monuments. Les petites anomalies ponctuelles, marquées par une forte amplitude du gradient, correspondent certainement à la présence d’objets métalliques disséminés dans les champs. Elles doivent correspondent à des fragments de métal disséminés dans les champs. Certaines, par exemple à l’ouest et au sud de la plateforme, sont de plus grande taille et pourraient correspondre à de plus gros morceaux de ferraille enfouis dans le sol. Au sud-ouest du bâtiment à colonnes, il faut souligner la présence d’une concentration de très fortes anomalies. Ce regroupement pourrait correspondre à l’emplacement d’une ancienne installation agricole, une pompe à eau par exemple. Une longue anomalie rectiligne, de gradient moins élevé, longe la limite sud-ouest de cet amas et pourrait correspondre à un canal alimenté depuis cette possible pompe.

Sur l’ensemble de la surface prospectée, on remarque également la présence d’anomalies linéaires de plus ou moins forte amplitude. La plupart, très resserrées, parallèles et de très faible amplitude, sont provoquées par les sillons des labours. D’autres présentent des réponses plus fortes et correspondent à des canaux d’irrigation de forme légèrement sinueuse ; deux sont bien visibles sur la carte magnétique, au sud-ouest de Takht-e Rustam. Enfin, des anomalies dessinent des formes géométriques, par exemple des rectangles de surface irrégulière à proximité de l’angle sud de la surface prospectée, il pourrait s’agir des traces d’aménagements agricoles récents, par exemple des casiers d’irrigation.

Les résultats obtenus aux abords de la plateforme ou à l’emplacement du bâtiment à colonnes s’avèrent assez décevants d’un point de vue archéologique. Vers l’angle sud de Takht-e Rustam, les prospections au pied de la plateforme montrent clairement une anomalie liée à la dépression qui entoure le monument. Pour le reste, les perturbations sont trop nombreuses et il est impossible de détecter d’éventuels aménagements périphériques à la tombe. Il est possible que les fouilles entreprises par E. Herzfeld aient provoqué un remaniement important des couches superficielles du sol.

Les prospections magnétiques entreprises à l’emplacement du bâtiment hypostyle donnent des résultats assez peu lisibles. Les contours d’un espace rectangulaire se dessinent mais la lisibilité de la carte à cet endroit est fortement diminuée par de nombreuses perturbations métalliques. Les fouilles des années 1970 ont également provoqué d’importants terrassements et probablement une perturbation du proche sous-sol, diminuant par conséquence la qualité des résultats. Cette espace rectangulaire pourrait correspondre aux contours du bâtiment à colonnes. La superposition des limites de l’édifice, dessinées à partir du plan restitué par W. Kleiss (Fig. 5-66), et de la carte du gradient (Fig. 5-69) montre une assez bonne corrélation entre la limite nord-est de l’édifice et celle de l’espace rectangulaire qui apparaît sur la carte magnétique. A l’inverse, au sud-ouest, la limite restituée du bâtiment ne correspond à aucune anomalie particulière. Cette observation pourrait étayer l’hypothèse de l’inachèvement du bâtiment, ici au sud-ouest. Toutefois, les différents plans publiés du bâtiment à colonnes n’étant pas géoréférencés, leur recalage a dû être effectué par rapport à la plateforme, point de repère commun entre les plans anciens et les documents cartographiques actuels ; le positionnement des limites de la construction monumentale présente donc peut-être des erreurs.

Les résultats de la prospection géophysique, associés aux descriptions de A.B. Tilia, permettent de constater l’arasement probable des vestiges du bâtiment à colonnes. En effet, au cours de sa description des fouilles, l’archéologue nous livre plusieurs indices du médiocre état de conservation des vestiges. Premièrement, la découverte du site est due au déchaussement d’un tore par un tracteur. Par la suite, les archéologues constateront que la plupart des tores ont disparus ou sont très abimés1044 et que seuls quelques blocs de fondation des colonnes sont restés en place. A ces observations s’ajoute l’absence de mur sur le plan publié, absence qui pourrait être liée à l’arasement des maçonneries en brique crue1045. De ce fait, les labours auraient été profonds, puisqu’ils ont atteint les assises de fondation des colonnes, et ont probablement arasé les structures en brique crue, les vestiges en pierre ayant mieux résisté. Ainsi l’absence d’anomalies organisées constatée sur la carte du gradient magnétique, à l’emplacement du bâtiment à colonnes, peut être reliée à la disparition probable des vestiges affleurants.

Comme pour le bâtiment hypostyle, il est possible que les niveaux d’occupation achéménide affleuraient sur l’ensemble du site de Dasht-e Gohar. Du fait des remaniements des couches superficielles du sol sous l’effet des labours mécanisés, les vestiges archéologiques ont pu disparaître. Il est donc impossible à travers les résultats géophysiques de statuer sur l’absence ou l’existence de la mise en œuvre d’un projet d’ensemble d’aménagement à Dasht-e Gohar.

Notes
1043.

Cf. § 5.3.5.2.1

1044.

Tilia 1978 : 78

1045.

Cf. § 5.5.1.1.1