5.5.1.3. Dasht-e Gohar : une seconde « capitale jardin » ?

Les vestiges de bâtiments à Dasht-e Gohar et à Bagh-e Firuzi1046 correspondraient, selon plusieurs auteurs, à une architecture monumentale dont la construction serait à dater d’avant le règne de Darius. L’ensemble de ces édifices constituerait le témoin de la volonté de Cambyse de construire une nouvelle résidence royale en reprenant le modèle appliqué à Pasargades par Cyrus1047. Cette thèse a surtout été argumentée par D. Stronach, le fouilleur de Pasargades, qui voit dans la fondation de Dasht-e Gohar l’amorce d’une seconde « capitale jardin » 1048 . La plaine de Persépolis aurait alors été choisie du fait de son emplacement plus central et pour ses terres plus fertiles.

Cette hypothèse se fonde surtout sur l’identification de Takht-e Rustam comme étant la tombe de Cambyse. Or, comme nous l’avons évoqué, cette tombe serait plutôt à dater du début du règne de Darius et était peut-être destiné à son père. Le caractère supposé inachevé des deux édifices de Dasht-e Gohar a également permis de renforcer l’hypothèse de la création d’une nouvelle capitale par Cambyse. La construction de cette capitale aurait en effet été abandonnée au profit de Persépolis au moment de l’accession au trône de Darius. Or, nous avons vu que les deux édifices de Dasht-e Gohar auraient pu être achevés et donc utilisés1049.

Sur la base de considérations architecturales, les vestiges de Bagh-e Firuzi et de Dasht-e Gohar ont été considérés comme étant contemporains. Toutefois, la datation des constructions dans les deux secteurs manque de précision pour suggérer une contemporanéité des deux chantiers. Ils se trouvent de plus séparés d’une distance de plus de 4,5 km à vol d’oiseau. A Pasargades, 3 km séparent l’extrémité nord de l’enceinte située derrière le Tal-e Takht de la tombe de Cyrus, ce qui représente donc la longueur maximum du site. Cette distance de 3 km pourrait ne pas être si éloignée de celle qui sépare Dasht-e Gohar de Bagh-e Firuzi. Néanmoins le bâtiment royal à Pasargades, mise à part la tombe de Cyrus, sont regroupés dans un ensemble cohérent, concentré autour des jardins. Du fait de cette dispersion, et de l’absence de preuves archéologiques, il paraît plus prudent de considérer chacun des deux ensembles comme un site, deux blocs d’occupations royaux et/ou aristocratiques1050, fonctionnant séparément.

Dasht-e Gohar peut donc être considéré comme un projet voulu par Darius, au début de son règne. Comme le note R. Boucharlat, il a peut-être souhaité pour son père construire un ensemble monumental s’inscrivant dans la continuité des réalisations de Cyrus à Pasargades1051. Dasht-e Gohar pourrait donc être pleinement intégré au projet d’aménagement de la zone d’occupation de Persépolis et constituerait une partie des aménagements royaux, périphériques de la terrasse de Persépolis. Nos propres investigations géophysiques n’ont malheureusement pas permis de retrouver le plan d’organisation de Dasht-e Gohar ; les aménagements (enceinte, jardin…) des environs immédiats de Takht-e Rustam et du bâtiment à colonnes restent de ce fait largement inconnus.

Notes
1046.

Cf. § 5.4.5.1.2

1047.

Thèse émise dès 1980 par Kleiss 1980 : 205 ; Briant 1996 : 99 associe également les deux régions pour faire de l’ensemble, non pas la capitale de Cambyse, mais l’ancienne Matezzish.

1048.

Stronach 1990 : 176 ; Stronach 2001

1049.

Cf § 5.5.1.1.1 et 5.5.1.1.2

1050.

Cf. § 5.7.1.1

1051.

Bessac & Boucharlat 2010 : 30-36