5.5.2.2.2. Les occupations sassanide et islamique attestées

E.F. Schmidt, en 1939, publie des résultats récents dont l’analyse reste encore succincte. Plusieurs points sont cependant à souligner. Tout d’abord la présence dans la plupart des sondages d’une très épaisse couche d’occupation islamique, parfois jusqu’au sol vierge1068. Seul un sondage mis en œuvre à l’ouest de la ville (Fig. 5-70) a livré dans des niveaux proches de la surface un bâtiment sassanide. Plus tard, D. Whitcomb voit cependant dans le changement d’orientation de certaines structures dans les couches profondes du sondage central un indice de la présence de constructions sassanides1069. Les épaisses couches d’occupation islamique ancienne semblent donc largement recouvrir les niveaux sassanides, en tout cas sur une très large moitié orientale du site.

E.F. Schmidt publie également quelques trouvailles remarquables, en particulier des exemples de céramique très caractéristique de couleur claire, décorée par impression, que l’on retrouve régulièrement sur les sites archéologiques de la plaine de Persépolis1070. Ce type représente, d’après l’auteur, la majorité de la céramique mis au jour dans les sondages. Istakhr aurait représenté un centre de production de poterie au début de l’ère islamique1071 ; les fouilles du sondage occidental ont par exemple révélé la présence de fours de potiers1072. La céramique sassanide est rapidement évoquée car seule de la poterie commune a été mise au jour. E.F. Schmidt affirme aussi avoir trouvé des tessons peints dans une tranchée et en déduit, un peu rapidement, la présence d’une éventuelle occupation préhistorique1073. Parmi le matériel retrouvé, un grand nombre de pièce de monnaies a été mis au jour au cours des fouilles : l’étude numismatique offre à peu près le même spectre chronologique que la stratigraphie avec une très forte prédominance des monnaies islamiques, une quasi absence des monnaies sassanides et un petit nombre de monnaies arsacides1074. Enfin, il faut souligner la publication de deux blocs en pierre sculptés retrouvés à Istakhr1075, de style manifestement sassanide, tendant à prouver l’existence sur le site de grands bâtiments richement décorés à l’époque sassanide.

La seconde contribution importante de E.F. Schmidt pour la connaissance d’Istakhr correspond à la publication de photographies aériennes assorties de propositions d’interprétation et de commentaires en 19391076 puis en 19401077. Dans ces deux publications, les essais d’interprétation restent prudents : il se contente d’abord de tirer quelques traits sur certaines traces visibles à l’œil nu ; dans la seconde publication, l’interprétation est plus poussée et il restitue un schéma d’organisation de la ville comportant le tracé de certaines rues. Le commentaire est centré sur la potentialité de la photographie aérienne à une époque où cette dernière est encore balbutiante, il reste cependant très évasif sur l’interprétation précise de la photographie obtenue à Istakhr. Il faut attendre un article de D. Whitcomb en 19791078, pour obtenir une interprétation plus poussée du cliché qui permet de reconstruire les différentes étapes du développement de la ville. Il délimite tout d’abord un secteur carré de 400 m de côté qui englobe l’ancienne mosquée, le bazar et un grand bâtiment qui serait en partie recouvert par les ruines du qaleh très postérieur à la phase d’abandon principale. Cette zone correspondrait aux limites de la fondation du début de l’ère islamique, une ville carrée avec un plan d’urbanisme quadrangulaire. D. Whitcomb publie ce qui semble être un relevé des alignements visibles sur la photographie et qui illustre ce schéma d’organisation respectant une direction nord-nord-ouest/sud-sud-est1079. Au-delà de ces limites, les orientations des constructions sont différentes, d’après lui elles reprennent probablement en partie les orientations de la ville sassanide. Dans la partie occidentale du tepe, la présence islamique se fait moins dense, comme le prouve la découverte d’un bâtiment sassanide à proximité de la surface, et l’interprétation de la photographie révèle une organisation d’orientation complètement différente de direction nord-est/sud-ouest.

L’occupation de la ville aurait donc pu connaître deux phases principales de développement, une ville sassanide dont le plan aurait été conservé à l’ouest et une fondation ex-nihilo islamique ancienne dans la partie orientale1080. Cette hypothèse, qui demanderait évidemment à être prouvée par de nouveaux sondages archéologiques ou par la réalisation de prospections géophysiques1081, démontrerait d’une part l’existence d’une ville sassanide dans la partie ouest, d’autre part une recrudescence du développement de la ville vers l’est au début de la période islamique1082. Le fait que les niveaux sassanides soient proches de la surface à l’ouest pose de plus la question de la topographie naturelle du terrain, l’occupation sassanide s’étant peut-être en partie installée à l’ouest sur une des terrasses supérieures du Pulvar1083.

Notes
1068.

Schmidt 1939 : 109

1069.

Whitcomb 1979 : 366

1070.

Cf. § 4.1.2.2

1071.

Schmidt 1970 : 69 

1072.

Whitcomb 1979 : 366

1073.

Schmidt 1939 : 105 ; dans Schmidt 1940 : 12 il souligne également la présence dans les sondages de fragments de silex taillé.

1074.

Etude réalisée par Miles 1959, résumée et commentée par Whitcomb 1985 : 22 où il s’étonne de l’absence de monnaies sassanides.

1075.

Schmidt 1939 : 119-121 ; Bier 1983

1076.

Schmidt 1939 : 133-136, fig.96

1077.

Schmidt 1940 : 12-14, plate 8, plate 10

1078.

Whitcomb 1979

1079.

ibid. : 367, cette figure est publiée sans indiquer la manière dont elle a été dessinée.

1080.

ibid. : 364

1081.

Il est à noter que le PPRF a lancé à partir de 2008 une prospection magnétique du site d’Istakhr.

1082.

ibid. : 364-366 développe cette thèse d’un renouveau de la ville sous l’impulsion de Ziyad ibn Abihi, gouverneur de la ville entre 659 et 662.

1083.

Cf. § 2.3.2