5.5.3.4. Prospections dans le secteur d’Istakhr Sud-Ouest

5.5.3.4.1. Deux sections rupestres du canal

  • ISO1 : coordonnées UTM 39R : E 683894m ; N 3317673m

Dans les bancs de calcaire affleurants au niveau de la pointe nord de ce relief, une succession de tracés rupestres de canaux a été relevée (Pl. 32). Cette section du canal a été reproduite sur un plan schématique publié par W. Kleiss1135. Il relève le tracé continu d’un seul canal, qui présente une déviation au niveau de ce qu’il interprète comme étant une base rupestre de stèle1136.

Le long de cet affleurement rocheux, cinq tracés rupestres parallèles peuvent être repérés (Fig. 5-73). Le plus au sud, celui qu’a dessiné W. Kleiss, correspond à une tranchée rupestre, de forme courbe s’adaptant à la topographie naturelle. Il est possible de suivre cette tranchée sur plus de 150 m de long. Sa largeur est en moyenne inférieure au mètre, comprise entre 70 cm et 1 m. Cette dimension est parfois impossible à mesurer : par endroit, du fait de l’érosion de la roche ou de la sédimentation, une paroi seulement du canal est conservée. En plusieurs points, la roche est à nu dans la tranchée et des mesures d’élévation ont pu être prises au niveau supposé du fond du canal (Fig. 5-73). La pente mesurée apparaît régulièrement décroissante d’est en ouest. Entre le point le plus à l’est et celui le plus à l’ouest, le calcul de la pente donne une valeur de 2,5‰. Cette valeur n’a qu’un titre indicatif, les deux points sont en effet très rapprochés à l’échelle de l’ensemble du tracé canal du Kuh-e Rahmat. Elle est cependant intéressante à considérer car les mesures ont été prises sur la roche nue au fond du canal rupestre. Souvent la tranchée du canal rupestre est en partie comblée, par exemple au point IS4, le long de la construction en pierre au sud d’Istakhr1137. Dans ce cas les mesures de pentes ne peuvent pas être considérées comme fiables.

Parallèlement au tracé principal, quatre autres tracés parallèles ont été relevés (Fig. 5-73). Leur altitude moyenne est décroissante vers le nord, dans le sens de la pente naturelle. La section parallèle la plus proche du canal principal mesure 25 m de long, elle s’aligne en amont, vers l’est, avec une autre section rupestre plus petite. Ces tracés secondaires présentent une longueur comprise entre 1 et 5 m. Le tracé voisin au nord est composé de trois sections réparties sur 30 m de longueur. Pour les deux sections les plus au nord, les affleurements calcaires voisins situés dans l’axe des tranchées ne présentent aucune trace de taille. Ces sections parallèles doivent correspondre à des ébauches de taille du canal, restées inachevées du fait d’un problème de conception lié aux erreurs d’altitude de creusement ou à une mauvaise qualité de la roche. Notons que les altitudes mesurées de ces différentes sections parallèles sont trop faibles pour concorder avec le tracé du canal. De plus, rien n’indique qu’elles correspondent à des dérivations car elles ne sont pas connectées au tracé principal. Enfin, à l’extrémité occidentale du tracé principal, le canal présente un embranchement en direction du sud-ouest qui pourrait également correspondre à un tracé abandonné. S’il s’agissait d’une dérivation du canal, logiquement elle aurait dû être orientée dans le sens de la pente.

Figure 5‑73 : ISO1, prise de vue verticale sous ballon captif, en haut photographie redressée et en bas schéma des vestiges (cliché BNC, printemps 2007)
Figure 5‑73 : ISO1, prise de vue verticale sous ballon captif, en haut photographie redressée et en bas schéma des vestiges (cliché BNC, printemps 2007)
  • ISO2 : coordonnées UTM 39R : E 683648 m ; N 3317528 m
Figure 5‑74 : ISO2, prise de vue oblique sous ballon captif vers le sud-ouest de la section rupestre du canal (cliché BNC, printemps 2007)
Figure 5‑74 : ISO2, prise de vue oblique sous ballon captif vers le sud-ouest de la section rupestre du canal (cliché BNC, printemps 2007)

A 200 m au sud-ouest de ISO1, une autre section rupestre du canal a été creusée dans la dalle calcaire affleurante (Pl. 32). Elle a également été relevée par W. Kleiss1138. Le vallon situé entre ISO1 et ISO2 est occupé par un vaste hangar.

Cette seconde section rupestre du canal, comme la première, adopte la forme courbe du relief naturel et mesure 120 m de long (Fig. 5-74). Le tracé est particulièrement bien conservé sur toute la longueur de cette section. La largeur du canal est en moyenne de 80 cm. Les mesures d’altitude ont permis de dessiner un profil des élévations du canal le long de la partie rupestre principale (Fig. 5-75). La tranchée étant partiellement comblée par endroit, nous avons différencié les points pris sur la roche nue, donc au niveau supposé du fond du canal, de ceux levés sur des parties comblées. Toutefois, l’épaisseur du comblement reste limité, la roche affleure généralement sous quelques centimètres de sédiments.

Les valeurs d’altitude relevées et le profil du canal posent plusieurs problèmes. Tout d’abord, les altitudes à l’est sont plus élevées que celles mesurées à l’extrémité ouest de la section rupestre ISO1. Concernant le profil (Fig. 5-75), les altitudes mesurées à l’est de ISO2 diminuent et dessinent une pente très faible qui devient presque nulle au niveau du sommet de la courbe ; plus à l’ouest, la pente remonte légèrement. Le long de la section principale de ISO2, les altitudes des points les plus à l’ouest sont ainsi presque équivalentes à celles des points les plus à l’est. Même en ne considérant que les points pris sur la roche nue, le profil de cette section est donc irrégulier et dessine une légère dépression. La pente générale est nulle, alors que pour la section rupestre précédente, ISO1, elle était régulière d’est en ouest. La pente irrégulière, ainsi que l’altitude moyenne de ISO2 égale voire plus élevée que celle de ISO1, montrerait a priori que la section rupestre ISO2 n’a pas pu constituer le tracé du canal principal.

Figure 5‑75 : ISO2, profil des altitudes prises le long de la section rupestre du canal
Figure 5‑75 : ISO2, profil des altitudes prises le long de la section rupestre du canal

Sur le versant occidental de l’affleurement rocheux, une tranchée rupestre parallèle au tracé décrit auparavant a été relevée. Sur une trentaine de mètres, elle se compose de quatre sections rupestres distinctes de 2 à 8 m de longueur. La question est de savoir si cette section parallèle aurait pu correspondre au tracé principal du canal. L’altitude de la section la plus à l’est est proche de 1629 m. Elle est donc située en dessous de l’altitude moyenne de ISO1. Les points suivants, pris sur les trois autres sections du tracé parallèle, témoignent cependant de l’existence d’une pente nulle, qui remonte ensuite légèrement vers l’ouest. Enfin, vers l’ouest, dans le prolongement de ce tracé secondaire, on note une absence de tranchée rupestre dans les affleurements rocheux. Ces différentes observations prouvent que ce second tracé de canal est resté inachevé.

Finalement, pour ISO2, se pose la question de l’emplacement du canal. En effet, les deux sections rupestres parallèles, décrites précédemment, ne paraissent pas pouvoir correspondre au tracé du canal. La première, constituée d’une tranchée continue de plus de 120 m le long du versant, pourrait a priori convenir mais sa topographie irrégulière et son altitude permettent de douter de son utilisation effective. La seconde section, en contrebas, est quant à elle clairement inachevée. Il est donc possible qu’au niveau de ISO2 le projet d’aménager une section rupestre du canal ait été abandonné. A la place, les concepteurs ont peut-être préféré élever une section construite, aujourd’hui disparue. Le long des deux sections rupestres ISO1 et ISO2, le calcaire est en effet très fracturé, l’étanchéité du canal devait donc être difficile à assurer. Cet état de la roche pourrait expliquer le supposé inachèvement de ISO2 ainsi que la présence des différents tracé parallèle au niveau de ISO1. Il est toutefois envisageable que ces tranchées rupestres aient servi de bases et d’accroches pour une superstructure, aujourd’hui disparue, dans laquelle circulait l’eau. De ce fait, les irrégularités observées le long de ISO2 pourraient être compensées par cette construction et de ce fait le fond de la tranchée rupestre ne correspondrait pas au fond du canal.

Notes
1135.

Kleiss 1994 : 171-Abb.5

1136.

ibid. : 172 ; Boucharlat 1978 : 499 classe cet aménagement dans les autels de plein-air à bassin quadrangulaire inachevés du fait de la faible profondeur de la cavité centrale.

1137.

Cf § 5.5.3.3.2

1138.

ibid. : 171-Abb.5