La source de Cheshmeh Ali est la seule source encore en activité dans cette partie nord-ouest du massif du Kuh-e Rahmat1156 (Pl. 8). Actuellement, elle est captée et alimente un réseau de canaux qui irrigue les champs à l’ouest de la terrasse de Persépolis (Pl. 35). Sans une étude géomorphologique, il est difficile de déterminer depuis quand cette source est active. En 1939, E.F. Schmidt précise qu’elle fournissait de l’eau potable à tout le voisinage1157.
La construction du canal le long du Kuh-e Rahmat pose toutefois problème quant à la période d’activité de cette source : elle signifie que l’apport d’eau était nécessaire, que ce soit pour la zone d’occupation de Persépolis ou d’autres sites en amont ou en aval. Une explication serait que la source de Cheshmeh Ali ne fonctionnait pas à l’époque de la construction du canal ce qui a rendu l’apport d’eau indispensable. D’autres hypothèses peuvent toutefois être émises. La quantité d’eau fournit par la source n’était peut-être pas suffisante pour satisfaire les besoins, surtout si l’on considère qu’elle devait alimenter tout le secteur englobant le quartier royal et ses environs proches. Autre hypothèse, l’eau pouvait sourdre au niveau de la plaine, soit à peu près à 1614 m à proximité de Cheshmeh Ali. Le canal s’élevant d’après les mesures effectuées sur les sections CA3 en amont et CA8 en aval à 1620 m environ, l’apport d’eau par le canal permettait non seulement d’alimenter les terrains situés le long du Kuh-e Rahmat en amont de la source mais également ceux en aval localisés sur le piedmont entre 1620 m et 1614 m.
Nous avons relevé des indices d’occupations archéologiques à proximité de la source. Dans les déblais issus du creusement récent d’un canal de 2 m de profondeur, dont les parois ont ensuite été bétonnées, plusieurs tessons de céramiques ont été retrouvés. Il s’agit de céramiques communes à pâte à dégraissant sableux grossier. La présence d’un fragment d’anse, ainsi que de plusieurs bords épaissis et aplatis, permet de proposer une datation sassanide/islamique ancien. Une prospection à vue aux alentours n’a pas révélé de concentrations de céramiques. Il est donc possible que ces tessons, provenant des déblais de creusement d’un canal, proviennent de couches archéologiques profondément enfouies. Cette observation témoignerait de l’accumulation importante de sédiments liée aux circulations d’eau depuis la source. Dans ce cas, la source serait en fonction au moins depuis les débuts de l’ère islamique.
Il faut également noter en aval de la source, à 500 m au sud, la présence du tepe de Tol-e Jalyan, qui a fait l’objet de prospections magnétiques menées par le P.P.R.F. 1158 et dont l’occupation au début de l’ère islamique semble attestée. Les environs de Cheshmeh Ali correspondent donc à une zone d’occupation islamique, la source devant dès cette époque alimenter les installations proches.
Ce point correspond à l’emplacement supposé du Persepolis Spring Cemetery découvert lors de la construction de la route et fouillé en 1939 par E.F. Schmidt1159. La localisation précise de la nécropole n’est pas connue mais nous l’avons restituée d’après des documents publiés par l’inventeur : une photographie aérienne du secteur où est situé le site1160 et la carte des environs de Persépolis1161. En effet, à la surface du vallon où est situé le Persepolis Spring Cemetery aucune trace ne permet de restituer l’emplacement de la fouille si ce n’est peut-être plusieurs petites dépressions situées au sud-est de Cheshmeh Ali.
Les fouilles ont permis de dégager 31 tombes : 24 d’entre elles correspondent à des sarcophages en terre cuite bipartites, de sorte qu’ils sont ajustables à la taille du défunt. E.F. Schmidt prend soin de souligner, qu’à son avis, la nécropole est plus étendue et qu’une partie seulement a pu être dégagée. Dans le cadre de nos prospections, l’intérêt du site tient surtout aux propositions de datations publiées par l’archéologue. E.F. Schmidt estime que les sépultures remontent à une période incluant la fin de la période achéménide et le début du post-achéménide1162. Cette datation est depuis généralement acceptée1163. Néanmoins, comme le souligne R. Boucharlat1164, cette datation intermédiaire traduit la difficulté de distinguer à travers le matériel archéologique les différences entre les périodes achéménide et séleucide1165. La conclusion de E.F. Schmidt illustre parfaitement ce problème : après avoir passé en revue les connaissances de l’époque sur les modes d’inhumation, il dresse un parallèle convaincant avec les exemples connus pour l’époque séleucide en-dehors du Fars. Donc dans un premier temps, il date la nécropole entre le IVe s. av. J.-C. et le début du Ier s. av. J.-C. Toutefois cette hypothèse rentre en contradiction avec la découverte au cours des fouilles de céramiques, et en particulier de bols carénés, identiques à ceux retrouvés au cours des fouilles sur la terrasse royale. De ce fait, E.F. Schmidt suppose que la nécropole pourrait dater de la fin de la période achéménide. Depuis E.F. Schmidt, on sait toutefois que les bols carénés ne sont pas réduits à la seule période achéménide1166.
La datation de cette nécropole permet en tout cas de poser un nouveau jalon dans la recherche des limites de l’occupation de la seconde moitié du premier millénaire autour de la terrasse de Persépolis et les repoussent au nord. La présence de cette nécropole est à relier aux résultats de la prospection géophysique obtenus par le P.P.R.F. à l’ouest du vallon, au sud de Tol-e Jalyan, suite à la découverte d’éléments d’architecture monumentale en pierre1167. Les cartes magnétiques révèlent la présence de traces d’occupation ancienne, s’intégrant dans un schéma d’occupation détecté à l’échelle du secteur de Persépolis Nord-Ouest1168. Enfin cette nécropole enrichit le paysage funéraire de la partie nord-ouest du Kuh-e Rahmat, par ailleurs assez pauvre en tombe du Ier millénaire av. J.-C. de date assurée.
Au nord du vallon où a été découverte la nécropole, subsistent plusieurs indices d’exploitation des blocs détachés des bancs de calcaire qui délimitent le vallon (Pl. 35). L’ensemble a été publié par W. Kleiss1169. La partie nord d’un gros bloc erratique de 8,5 m sur 7 m situé au pied des affleurements rocheux a été taillé de manière à dégager un bloc en forme de U de 2,5 m de long pour 1,5 m de large et 1,7 m de haut.
La forme du bloc en cours de dégagement pourrait correspondre à une préforme d’un chapiteau à protomé zoomorphe destiné aux chantiers de la terrasse de Persépolis. Néanmoins une comparaison des dimensions du bloc avec celle d’un chapiteau de l’Apadana1170 fait apparaître que l’espace entre les deux barres du U est trop profondément creusé, l’épaisseur de la base du bloc ne serait pas suffisante pour tailler le bas du chapiteau. Ce bloc aurait pu servir à façonner un chapiteau plus petit du type de ceux des colonnes du portique sud de l’Apadana1171 ; les dimensions de cette préforme , hypothétique il est vrai, sont cependant beaucoup plus importantes.
Ce front de taille aurait également pu être engagé de manière à dégager des blocs parallélépipédiques. Le creusement au centre du bloc pose cependant problème, il semble plus facile de dégager des blocs en creusant des tranchées plus étroites et en utilisant des coins que de ménager un espace de plus de 1 m de large, à moins de chercher à obtenir deux blocs de dimensions identiques, correspondant aux deux barres verticales du U.
Autour de cet endroit, trois blocs épars présentent des emboîtures de coin témoignant d’une activité d’extraction qui s’étendait probablement à l’ensemble du versant nord du vallon.
Cf. § 2.2.4.3
Schmidt 1957 : 117
Cf. § 5.3.4.3
ibid. : 117-123
ibid. : plate 85
Schmidt 1953 : 47- fig.13
Schmidt 1957 : 120-123
Callieri 2008 : 37 pour le plus récent
Boucharlat 2006 : 454 - 455
Cf. § 4.2.2
cf. § 4.2.2 et 4.2.3
Cf. § 5.3.4.3
Cf. § 5.3.5.2
Kleiss 1993a : 99-100
Schmidt 1953 : 100-Fig.44d
ibid. : 104-Fig.48b