5.5.4.2. Les carrières au nord-ouest du Kuh-e Rahmat

Les indices d’extraction et d’activité de taille de la pierre sont nombreux tout au long du piedmont du versant nord et nord-ouest du Kuh-e Rahmat (Pl. 37). Les carrières représentent donc un aspect fondamental du paysage archéologique entre Istakhr et Persépolis.

5.5.4.2.1. Deux types d’exploitation des ressources en pierre

L’exploitation de la pierre peut se faire de deux manières. Une première, la plus répandue au nord du Kuh-e Rahmat, peut être qualifiée d’exploitation de blocs erratiques1210. Le développement des réseaux de diaclases dans les bancs de calcaire peu épais, de l’ordre du mètre, implique l’existence de blocs naturellement exploitables. Ces blocs, sous l’effet de l’érosion, se détachent peu à peu de leur substrat rocheux Le pendage des couches calcaires étant le plus souvent parallèle à la pente topographique, ces blocs glissent jusqu’au bas du versant. Ils peuvent ensuite être retaillés et dégauchis sur place pour être utilisés sur divers chantiers de constructions. A certains endroits, la présence de blocs cylindriques ou en forme de U témoigne que le travail de taille au pied des versants peut aller jusqu’à la fabrication de préformes d’éléments architecturaux qui seront achevées sur le chantier de construction. Enfin, comme en témoignent deux blocs relevés au nord de Persépolis (CA8 et CA9 – Pl. 35 et 37), la pierre pouvait être extraite à même les affleurements en profitant des fissures naturelles qui permettent de s’affranchir du difficile travail de creusement de tranchées pour libérer les blocs. Le problème de cette exploitation à caractère opportuniste est qu’elle ne laisse que très peu de traces visibles, les blocs se détachant presque sans intervention humaine. Il est donc difficile de restituer l’importance du développement de cette exploitation. Le long du Kuh-e Rahmat, elle a pu être mise en évidence uniquement grâce à l’abandon au pied de la montagne de certains blocs dégauchis ou de la présence de séries d’emboîtures de coin sur des blocs épars.

Des fronts de taille n’ont pu être repérés qu’en un point (IS13), auquel il faut rajouter les carrières dans le vallon au nord de la terrasse1211 (Pl. 37). Le front de taille IS13 ne mesure que quelques mètres carrés et donc correspond à un volume limité de pierre extraite. La carrière la plus grande est celle située à l’angle nord-ouest de la terrasse de Persépolis. Les autres carrières du vallon nord, entre autres celles où ont été repérés des chapiteaux inachevés, présentent une typologie mixte. La présence de ligne d’emboîtures sur les bancs de calcaire témoigne de l’existence de fronts de taille, l’extraction se fait néanmoins en suivant le niveau des couches calcaires de manière à profiter des fissurations naturelles pour extraire les blocs. Dans le vallon au nord de Persépolis, les indices d’exploitation s’étendent sur plusieurs dizaines de mètres de long. L’exploitation se faisait au gré des facilités de taille offerte par la roche sans pour autant procéder à l’ouverture d’un large front de taille unique comme à l’angle nord-ouest de la terrasse.

La prédominance de cette exploitation de blocs erratiques est surtout liée à la nature géologique des affleurements calcaires et ne doit pas être considérée comme caractéristique d’un mode d’exploitation utilisé à une époque particulière. Dans des affleurements de bancs de calcaire plus massifs et plus épais, autour de Naqsh-e Rustam1212, à Sivand1213 ou Madjabad1214 par exemple, l’ouverture de fronts de taille et l’extraction de blocs de grande taille par le creusement d’enjarrots représentent le modèle d’extraction dominant. La présence de blocs naturellement disponibles le long du Kuh-e Rahmat a su être judicieusement exploitée par les populations qui ont occupé la région à différentes périodes.

Notes
1210.

Telle que définit par Abdul Massih & Bessac 2009 : 64

1211.

Cf. § 5.2.3.5.1

1212.

Cf. § 5.6.4.2

1213.

Sami 1954 : 116 évoque cette carrière pour l’origine des colonnes des palais de Pasargades ; Krefter 1967 : 431 estime qu’elle a également pu fournir le chantier de la terrasse de Persépolis ; Huff 1994 : 32 pense que la carrière est bien achéménide mais déplore quant à lui le manque d’études comparatives précises entre le calcaire de Sivand et celui des monuments achéménides de Pasargades. L’équipe irano-italienne sous direction conjointe de A. Askari-Chaverdi et P. Callieri mène actuellement une étude pétrographique comparative de la pierre utilisée dans les constructions de la terrasse de Persépolis et de la roche des différentes carrières achéménides connues, cf. Askari Chaverdi et al. 2008, 2009 (inédit).

1214.

Cf. § 6.2.4.1