Un autre type, déjà connu, pose des problèmes d’interprétation : il s’agit de plusieurs orifices circulaires, sans bourrelet (pour la fixation d’un couvercle pense-t-on généralement), repérés le long du versant nord du Kuh-e Rahmat. Ainsi, dans un vallon au sud-ouest d’Istakhr (IS13 – Pl. 31), la surface supérieure d’un fût de colonne en cours de taille est percée d’un trou circulaire d’une quarantaine de centimètres de diamètre et une dizaine en profondeur. Plus à l’ouest, au bord d’une section rupestre du canal au sud-ouest d’Istakhr (ISO1), une petite fosse circulaire d’une vingtaine de centimètres de diamètre et quelques centimètres de profondeur, dont le bord et le fond sont taillés de manière irrégulière, a été creusée sur une petite plateforme aménagée dans les affleurements rocheux (Pl. 32). Enfin, à l’extrémité nord du versant occidental du Kuh-e Rahmat (ISO9), nous avons repéré une fosse parfaitement circulaire de 30 cm de diamètre et 5 cm de profondeur, dont le fond est régulier (Pl. 32). Longtemps ce type d’aménagement rupestre, ainsi que les petites fosses rectangulaires ou carrées, était interprété comme des trous à feu destinés aux rites zoroastriens1226. Il paraît toutefois difficile d’entretenir un feu dans des orifices aussi réduits.
D. Huff1227 a prêté avec raison à ces aménagements une fonction funéraire, la plupart correspondant très probablement à des ostothèques. En ce qui concerne les fosses circulaires au nord du Kuh-e Rahmat, c’est très certainement le cas de celle aménagée dans un fût de colonne qui porte de plus sur un des côtés une épitaphe funéraire1228. Pour les deux autres, leur faible profondeur rend toutefois difficile cette identification. Pour L. Trümplemann, il s’agirait de support pour de grands pithoi amovibles destinés à recueillir les ossements car le diamètre des trous est trop petit pour accueillir un squelette1229. En l’absence d’exemples attestés archéologiquement, cette hypothèse paraît peu probable ; la taille des fosses circulaires est de plus comparable à celle de petites fosses ou niches pour lesquelles la fonction funéraire ne semble pas contestable. D. Huff préfère y voir des calages de colonnes destinées à accueillir au sommet des ostothèques en pierre1230, sur le modèle de celle de Pengan située à 40 km au nord-est de Pasargades1231. La colonne isolée, située à Naqsh-e Rustam au-dessus des tombes royales, constituerait, pour lui, un des exemples encore en place dans la plaine de Persépolis de ce type de monument funéraire. Une colonne cannelée portant une épitaphe funéraire en moyen-perse a également été retrouvée fortuitement au cours de travaux agricoles à mi-chemin entre Persépolis et le Tang-e Sivand au nord-est de la plaine1232 (Pl. 2). Si la colonne isolée de Naqsh-e Rustam n’est pas attestée comme constituant le support d’une ostothèque, la seconde ne laisse aucun doute du fait de la présence de l’épitaphe. Le diamètre de la colonne cannelée n’est pas connu, par contre celle de Naqsh-e Rustam mesure 50 cm de diamètre1233 et celle de Pengan 70 cm1234. Les diamètres permettent effectivement d’envisager de coiffer les colonnes d’une ostothèque. Dans le cas des deux fosses circulaires au nord du Kuh-e Rahmat, le diamètre est toutefois beaucoup plus petit, elles ont donc pu servir à enchâsser une colonne mais beaucoup plus fine, ce qui rend peut-être plus difficile le fait de les coiffer d’une ostothèque.
Ces possibles colonnes, situées au bord de ce qui devait être le tracé d’une route ancienne qui longeait le massif, peut également servir de borne routière, sur le modèle des bornes milliaires qui sont connues en grand nombre dans le monde antique. Une borne routière inscrite en grecque a été retrouvée dans la plaine de Persépolis ; elle réutilise toutefois un merlon de la terrasse de Persépolis1235. S’il ne s’agit donc pas d’une borne en forme de colonne, elle atteste toutefois d’un bornage des routes au moins à l’époque séleucide. En l’absence d’épitaphe funéraire et de système visible d’emboîtement d’une ostothèque, cette fonction est également concevable pour la colonne de Naqsh-e Rustam1236.
Lorsque les fosses circulaires sont regroupées, comme c’est le cas d’un ensemble publié par D. Huff et probablement situé à proximité de Naqsh-e Rustam1237, elles pourraient assurer une autre fonction que celle de base de colonne. L’étude récente de J.C. Bessac à Qadamgah a montré par ailleurs que les différents trous circulaires qui entourent le monument servaient à installer des chèvres ou mâts de levage destinés à soulever les blocs nécessaires à la construction des parois et des plateformes1238. Ces trous circulaires, que l’on rencontre assez fréquemment dans la plaine, pouvaient donc avoir aussi cette fonction. Dans le cas des piedmonts du Kuh-e Rahmat, ils pourraient alors être liés aux nombreuses traces d’exploitation de la pierre, des engins de levage étant probablement nécessaires pour soulever les blocs sur des chariots de transport.
Vanden Berghe 1953 ; Stronach 1966 Boucharlat 1978 : 522-534 discute de manière critique la fonction des ces fosses comme autel du feu tout en la conservant comme hypothèse de base.
Huff 1995
Trümpelmann 1984 : 323 et 324, fig.7 ; Huff 1992 : 216-217
Trümpelmann 1984 : 323-326, cette hypothèse a également été émise par l’auteur pour le trou circulaire sur le fût de colonne inachevé. Dans le même article p.323 il estime également que certaines de ces fosses circulaires, les plus grandes, peuvent être des mortiers, hypothèse hautement improbable car elle rendrait la matière broyée très difficile à récupérer.
Huff 2004 : 613-614
Huff 1992
Sprengling 1953 : 70-71 propose une première traduction de l’épitaphe inscrite sur cette colonne. La localisation précise de la trouvaille, signalée par des paysans, ne lui est pas connue ; Menasce 1956 : 428-430 proposera par la suite une nouvelle traduction de l’épitaphe, cette colonne devient alors une « colonne trouvée à Persépolis ». Une recherche dans les archives photographiques en ligne de l’Oriental Institute de Chicago a permis de retrouver une photographie de cette colonne à l’adresse suivante, http://oi.uchicago.edu/gallery/pa_iran_paai_per_mf/index.php/7B4_72dpi.png?action=big&size=resize&fromthumbnail=true. La colonne reproduite est identique à celle de la photographie publiée par Sprengling 1953 : pl.38-fig.A, dont la légende indique qu’elle a été trouvée aux alentours à 15 km au nord-est de Persépolis, à mi-distance de Sivand.
Schippmann 1971 : 189
Huff 1992 : 210
Callieri 1995
Boucharlat 1978 : 525 envisage également pour cette dernière une fonction commémorative.
Huff 2004 : 613 et figVII-5
Bessac 2007 : 193-194, dimensions des trous : entre 20 et 30 cm de diamètre et entre 10 et 25 cm de profondeur.