5.6.1.1. Les fouilles de E.F. Schmidt à Naqsh-e Rustam

Naqsh-e Rustam, situé à 6 km au nord de la terrasse de Persépolis, fait partie intégrante, selon nous, de la zone d’occupation de Persépolis, en tant que nécropole des souverains achéménides de Darius Ier (521 – 486 av. J.-C.) à Darius II (423 – 404 av. J.-C.). L’ensemble des vestiges a fait l’objet de descriptions détaillées1257. Le site royal achéménide est constitué de quatre tombes rupestres monumentales et de la tour, Ka’ba-ye Zardosht, dont la fonction, probablement rituelle, reste énigmatique. Le lieu n’a pas été choisi au hasard : ces falaises à l’extrémité sud-ouest du massif du Kuh-e Hussein devaient déjà posséder une importance symbolique aux périodes pré-achéménides comme l’atteste la présence d’un bas-relief médio-élamite et d’un autre néo-élamite à l’ouest des tombes, peut-être lié à l’existence d’une ancienne source d’après E.F. Schmidt1258. L’importance symbolique de Naqsh-e Rustam perdure ensuite après la période achéménide. Au cours de la période sassanide, le site est protégé par un rempart en brique crue et les souverains du IIIe siècle font graver des bas-reliefs au pied des tombes royales achéménides. Shapur Ier a également fait graver sur les murs de la Ka’ba-ye Zardosht une inscription trilingue commémorant ses victoires1259. Outre une évidente volonté de marquer une continuité dynastique avec les rois perses achéménides devenus légendaires, la présence de ces bas-reliefs témoigne que Naqsh-e Rustam, avec Naqsh-e Rajab et Istakhr, constituent un important sanctuaire dynastique sassanide.

Trois chantiers de fouille ont été ouverts par E.F. Schmidt à Naqsh-e Rustam : le premier destiné à dégager la tour, le second à l’ouest sur le tracé des fortifications et le dernier au pied de la tombe de Darius Ier. Les deux derniers sondages ont révélé trois niveaux d’occupation successifs et plusieurs bâtiments dont les plus anciens dateraient de l’époque achéménide.

Les fouilles de l’enceinte à l’ouest de la tour Ka’ba-ye Zardosht (Pl. 39) ont mis en évidence deux états de constructions de l’enceinte1260. L’état final correspond au mur d’enceinte sassanide composé de tours pleines semi-circulaires reliées par des courtines. Au-dessous, ont été dégagés les vestiges d’un mur de brique crue de 2,4 m de large reposant sur un radier de blocs de pierre. L’élévation préservée du mur peut atteindre 5 m. A peu près au centre de la section dégagée, le mur repose sur un dalot vouté en pierre sèche. Vers l’ouest, les vestiges de deux bâtiments ont été dégagés ainsi que les restes d’un long corridor. L’absence de matériel datable rend difficile le phasage chronologique de l’ensemble. Toutefois, sur la base de l’orientation générale des constructions de ce second niveau, à peu près parallèle à celle de la tour, et de détails techniques tels que la taille des briques crues ou l’absence de mortier pour la construction du dalot, E.F. Schmidt pense que l’ensemble correspond à une phase d’occupation homogène d’époque achéménide. Le large mur pourrait correspondre aux restes d’une première enceinte protégeant l’ensemble de la nécropole. Enfin, au nord-ouest du sondage ouvert à travers l’enceinte, donc à l’extérieur de l’espace enclos, une citerne polygonale a été dégagée au pied de la falaise1261.

La fouille centrale, face à la tombe de Darius Ier, a fourni une stratigraphie archéologique de 5 m pour les sondages les plus profonds1262. Au moins trois couches d’occupation se succèdent, la première et la dernière fournissant des vestiges complets de bâtiments, la couche intermédiaire ne renfermant que des lambeaux de murs ou de sols. Ici aussi, les couches archéologiques sont presque stériles, mise à part la présence de vestiges architecturaux ; la chronologie est donc difficile à établir. Toutefois, à la base du sondage, l’altitude est presque équivalente à celle relevée au niveau de la couche d’occupation supposée du sondage de l’enceinte et le substrat stérile a été atteint. Le bâtiment dégagé au niveau de la première couche est donc probablement contemporain de ceux dégagés à l’ouest de celui daté de la période achéménide. Quant aux bâtiments de la couche supérieure, ils devaient obstruer la vision des reliefs sassanides et de ce fait être datés post-sassanides. E.F. Schmidt suppose donc, avec raison, que la couche intermédiaire doit être séleucide/sassanide.

Malgré de fortes incertitudes concernant la chronologie, les résultats des fouilles permettent de mettre en évidence une occupation longue et de nature variée autour de la nécropole : outre la tour, des bâtiments de structure plus légère ont été construits à l’intérieur et à l’extérieur de l’enceinte. La question de leur fonction n’est pas abordée par E.F. Schmidt, à cause du manque de matériel archéologique. A l’ouest, les fouilles témoignent d’une occupation plus commune, peut-être des habitats pour le clergé ou les gardes, aux alentours du sanctuaire1263. L’existence possible d’une enceinte achéménide témoignerait du souci de protéger les monuments royaux, comme à Persépolis. Devant la tombe de Darius, la couche d’occupation que l’on suppose achéménide montre que des bâtiments ont également été construits à proximité des sépultures royales et témoignent de l’activité qui pouvait exister dans et autour de la nécropole1264.

Notes
1257.

ibid.

1258.

ibid. : 10

1259.

Frye 1962 : 212

1260.

Description des résultats du sondage à l’ouest : Schmidt 1970 : 54-58

1261.

ibid. : 65

1262.

Description des résultats du sondage à l’est : ibid. : 62-64

1263.

Schippmann 1971 a voulu voir dans les vestiges mis au jour par E.F. Schmidt une traduction sur le terrain de l’hypothèse de faire correspondre Naqsh-e Rustam à la Nupishtash des tablettes de Persépolis identifiées comme un partetash. D’après les textes, Nupishtash aurait abrité un temple, une trésorerie et un palais. A Naqsh-e Rustam, toujours d’après Schippmann 1971, la tour correspondrait au temple et les bâtiments découverts dans le sondage de l’enceinte à une partie du palais et de la trésorerie. Naqsh-e Rustam serait ainsi un des rares exemples archéologiques de partetash. Néanmoins Henkelman 2008 : 435-n.1002 fait le point sur les hypothèses d’identification de Nupishtash qui serait plutôt à situer en Carmanie, à l’est du Fars actuel, de plus rien ne prouve dans les tablettes des Fortifications que ce lieu ait abrité un temple.

1264.

Henkelman 2008 : 287-289 note quelques rares mentions d’offrandes en l’honneur des souverains défunts, elles ne sont pas spécifiquement attestées dans les textes pour la nécropole de Naqsh-e Rustam mais devaient certainement avoir lieu.