5.6.1.3. Les vestiges de constructions sur les pentes du Kuh-e Hussein, au-dessus de la nécropole royale

W. Kleiss s’est intéressé aux vestiges non-funéraires présents sur le versant nord du Kuh-e Hussein à travers deux articles : l’un concernant les vestiges de constructions au-dessus de la nécropole royale1276 et l’autre dédié aux traces de carrières sur l’ensemble du piedmont1277.

Au-dessus des falaises de la nécropole royale, W. Kleiss distingue trois phases d’occupations du versant. La plus récente serait islamique et correspondrait à un ensemble de murs affleurants repérés, vers l’est, au sommet de la pente, le long des falaises qui bordent la rive droite du talweg (Pl. 39). Aujourd’hui, le tracé des fondations n’apparaît pas aussi clairement que sur le plan le plan d’ensemble proposé par W. Kleiss1278. Il est possible qu’une partie des alignements reportés ait été restitué par W. Kleiss. Ces vestiges sont associés à de la céramique en surface1279 parmi laquelle les quelques tessons identifiables publiés par W. Kleiss remontent très probablement à la période islamique1280.

Pour la période sassanide, W. Kleiss publie un barrage, en amont du talweg, situé à peu près à 450 m en amont des falaises de la nécropole royale1281 (Pl. 39). Il est toujours en place aujourd’hui bien qu’en partie détruit par des pillages. La datation sassanide de l’ouvrage est supposée du fait de la présence à proximité du barrage d’un bloc isolé portant sur ses parois deux inscriptions en moyen-perse associées à des gravures en forme de quadrillage1282. L’une des inscriptions est illisible, la seconde ne l’est qu’en partie : une traduction a été tentée mais la signification des mots n’a pas pu être reconnue. La graphie ferait toutefois remonter l’inscription à la fin de la période sassanide1283. Si la présence de ces inscriptions constitue effectivement un bon indice d’occupation sassanide à proximité du barrage, il est possible que l’association des deux soit fortuite. W. Kleiss estime, à raison, que le barrage a été construit pour protéger les terrains en aval, le secteur de la nécropole royale et le système de fortification, des crues du talweg liées aux fortes pluies hivernales. L’occupation au pied de la nécropole royale s’étendant toutefois de la période achéménide aux périodes islamiques, le barrage aurait pu être construit à n’importe quelle période au cours de ce long intervalle de temps.

Enfin pour la période achéménide, W. Kleiss suggère que la présence des niches, des fosses circulaires et des carrières1284 à l’ouest, en bas de la pente (Pl. 39), démontre l’existence d’un site achéménide à proximité1285. Compte tenu des incertitudes concernant la datation de ces différents vestiges rupestres, cette occupation achéménide ne peut pas être attestée.

Au-dessus de la nécropole royale, il reste à souligner la présence d’un ensemble de petits reliefs correspondant à des monticules d’argile rougeâtre, bien visibles sur les prises des vues aériennes de Naqsh-e Rustam (Pl. 39). Sur l’ensemble des pentes du massif du Kuh-e Hussein, la roche est mise à nue par l’érosion fluviatile, les sols ont été lessivés en partie du fait de la dévégétalisation des versants1286. La présence d’accumulations de sédiments, dans un contexte géomorphologique peu propice, ne peut donc s’expliquer que par l’existence de constructions en brique crue dont l’érosion aurait induit la création de ces petits reliefs artificiels. Ils sont de forme plutôt oblongue et se situent le long de la ligne de crête, au sommet des affleurements calcaire qui délimitent le plateau au nord (Pl. 39). W. Kleiss relie ces reliefs à l’existence d’un possible ancien rempart1287. Dans l’axe de ces reliefs, au pied du versant, la présence d’un aménagement rupestre en escalier constituerait pour lui la preuve irréfutable de la construction d’un rempart1288, il aurait pu servir d’accroche à un large mur. Compte tenu de la présence de nombreuses carrières aux alentours, ces traces pourraient tout à fait être lié à l’exploitation de la pierre. Toutefois la nature défensive de ces vestiges paraît possible si l’on considère les dimensions, plus de 150 m de long pour la section la plus au nord, et la situation de ces monticules, tous localisés le long de la ligne de crête nord. La construction de tels remparts permettrait de plus de compléter la défense de la nécropole assurée, peut-être dès l’époque achéménide, par les remparts au-devant des tombes royales. Une fortification complète du plateau nécessiterait cependant de restituer une ligne de défense de près de 2 km de long, dont il ne resterait aucun vestige vers l’est. Dans cette direction, les différentes rangées de falaises forment des lignes de défense naturelle. Enfin, l’intérêt de défendre un tel espace paraît assez faible, l’occupation en étant assez réduite, même pour l’occupation islamique attestée. Néanmoins, la comparaison peut-être faite avec la terrasse de Persépolis qui, du côté du massif du Kuh-e Rahmat, est protégée par un long rempart qui englobe une vaste portion de versant à peu près vide de toute occupation1289. La construction de ces deux remparts doit avant tout répondre aux contraintes topographiques du terrain et à la nécessité de fortifier les lignes de crête pour assurer non seulement la protection du versant mais aussi des installations situées au pied.

Concernant la datation de cette possible fortification, W. Kleiss aurait observé au nord des constructions islamiques construites sur l’un des petits reliefs de terre, ce qui suggèrerait une datation pré-islamique du système défensif. Nous n’avons pour notre part pas été en mesure de retrouver ces structures. Toutefois, si ces remparts étaient en lien avec ceux situés au pied de la nécropole, datés sassanides et peut-être achéménides, la datation de W. Kleiss pourrait être confirmée. La comparaison avec le rempart de Persépolis pourrait également conduire à restituer un projet global d’époque achéménide de fortification des sites royaux de la zone d’occupation de Persépolis. En l’absence de données plus précises, nous sommes obligés d’en rester au stade des hypothèses. Seuls des sondages pourraient apporter des informations certaines sur la fonction, le plan et la datation de ces vestiges.

Notes
1276.

Kleiss 1976

1277.

Kleiss 1993a, cf. § 5.6.3

1278.

Kleiss 1976 : 142-Abb.13

1279.

Kleiss 1976 : 143

1280.

ibid. : 147-Abb.20 et 150. Au cours de nos récentes visites, nous avons constaté la présence de tessons de céramique, généralement très érodés, sur l’ensemble du plateau ; comme W. Kleiss, nous aurions tendance à dater cette céramique des périodes islamiques, un ramassage plus systématique de la céramique pourrait toutefois offrir une chronologie plus précise.

1281.

ibid. : 142, Abb.13 ; Kleiss 1992b : 141-142, Abb.14-16

1282.

ibid. : 143-144, Abb.14 pour le relevé des gravures rupestres

1283.

Nadjmabadi 1979

1284.

Cf. § 5.6.3.1

1285.

Kleiss 1976 : 143

1286.

Cf. § 2.3

1287.

ibid. : 143 ; la présence d’un rempart a été succinctement évoquée par Gropp & Nadjmabadi 1970 : 198-199.

1288.

Kleiss 1976 : 143

1289.

Cf. § 5.2.2.2 ; Gropp & Nadjmabadi 1970 : 199 dressent également une comparaison avec le possible rempart au-dessus de Naqsh-e Rustam et celui situé au-dessus de la terrasse de Persépolis.