Entre Nash-e Rustam et le vallon de Darrehbarreh, à 2,5 km à l’est (Pl. 40), s’étend une bande de piedmont escarpée, délimitée au sud par le chemin de terre qui longe la montagne puis, en contrebas, par les surfaces cultivées de la plaine et au nord par des falaises de calcaire pouvant atteindre une centaine de mètres de hauteur et culminant à plus de 1800 m d’altitude. Le piedmont présente une orientation est/ouest, la barre rocheuse est quant à elle orientée plutôt nord-est/sud-ouest, de sorte que la bande de piedmont s’élargit vers l’est pour atteindre environ 300 m de large vers Darrehbarreh (Pl. 40). Le piedmont est formé par le cône d’éboulis des falaises, de ce fait le paysage est essentiellement minéral.
Nos observations dans cette région se sont surtout concentrées sur le relevé des différents vestiges de carrières, dans le cadre de la recherche des différents sites achéménides publiés par W. Sumner1291. La prospection des piedmonts n’a donc pas été systématique. Nous avons cependant effectué des reconnaissances plus poussées dans le vallon situé au-dessus de Darrehbarreh car, depuis la route, nous avions repéré plusieurs blocs taillés au pied de la falaise. Cette reconnaissance nous a permis de relever à cet endroit une très vaste zone d’exploitation de la pierre au pied des falaises. Outre ces nombreux vestiges de carrières, qui seront étudiés plus précisément plus tard1292, cette portion du piedmont est riche en aménagements rupestres, de nature essentiellement funéraire. Les vestiges d’habitats sont rares, ce que confirme le peu de céramique retrouvée par W. Kleiss au cours de ses prospections de ce secteur1293.
R. Boucharlat a effectué une étude de la plupart des aménagements rupestres funéraires autour de Nasqsh-e Rustam et a relevé 11 chambres et 17 fosses rectangulaires entre la nécropole royale et Darrehbarreh (Pl. 40) : parmi les fosses, 4 correspondent à des grandes fosses, les 13 autres à des petites fosses. Une partie de ces aménagements funéraires rupestres ont été creusés dans des blocs équarris ou dans des fronts de taille dégagés dans de très gros blocs de calcaire qui se sont détachés des falaises surplombant le piedmont. Cette spécificité est particulièrement intéressante car elle permet de proposer un terminus ante-quem à l’aménagement de ces fosses et chambres, à situer après la fin de l’exploitation des carrières. Cette datation reste somme toute relative car il est très difficile de dater avec précision la fin de l’exploitation des différentes carrières le long du Kuh-e Hussein1294. Aucun des aménagements funéraires à l’est de Naqsh-e Rustam ne porte d’épitaphe qui pourrait apporter des éléments de datation absolue. Parmi ces sépultures, certaines ont fait l’objet d’études plus approfondies dans le cadre de synthèses spécifiquement dédiées aux pratiques funéraires anciennes entre les époques achéménide et sassanide1295.
Pour compléter cet aperçu de l’archéologie du piedmont du Kuh-e Hussein à l’est de Naqsh-e Rustam, il faut signaler la présence d’un petit bas-relief rupestre, mesurant 58 cm de haut pour 22 cm de large, gravé sur la tranche d’un bloc équarri de forme cylindrique de 2,15 m de diamètre, situé à 1,3 km à l’est de la nécropole royale (Pl. 40 – point MD08183 et Fig. 5-84). Il s’agit d’un personnage en station debout, orienté vers l’est, le bras droit levé au niveau de la taille, le bras gauche au niveau de la tête. Le style a fait dire à G. Gropp que le bas-relief serait médio-élamite (IIe millénaire at.J.C.)1296. Pour sa part, P. Calmeyer évoque rapidement cette gravure dans une synthèse sur les premiers bas-reliefs rupestres d’Iran et estime pour sa part qu’elle pourrait dater plutôt de l’époque post-achéménide voire islamique ancienne1297. D. Huff a effectué une étude plus détaillée de ce bas-relief1298 et a également rajeuni la datation de G. Gropp. Le bas-relief étant gravé sur un bloc inachevé, sa réalisation est forcément postérieure à l’exploitation de la pierre dans le secteur, ce qui amène cet auteur à dater la gravure à partir de l’époque achéménide. Sur un plan iconographique, D. Huff relève des similitudes avec les bas-reliefs du Temple des Fratarakas, à côté de la terrasse de Persépolis, et situerait donc plutôt l’exécution de ce personnage à l’époque post-achéménide/séleucide. Concernant la signification de cette gravure isolée, comme le suggère D. Huff1299, elle pourrait être liée à la présence des aménagements funéraires rupestres à proximité. Le secteur concentre en effet deux petites fosses, une grande fosse et une chambre creusée dans un front de taille aménagé sur un gros bloc isolé1300 (Pl. 40 – point MD08183). Un rapprochement pourrait être fait avec la petite gravure rupestre retrouvée à proximité de la terrasse de Persépolis sur les pentes du Kuh-e Rahmat1301 (Pl. 35 – point CA13 et Fig. 5-82). Si le thème représenté est tout à fait différent, il s’agit là en effet d’une représentation architecturale, elle est située également à côté d’aménagements funéraires rupestres. Dans les deux cas, la présence de ces gravures pose question : les représentations pourraient se rapporter au statut des défunts ou marquer tout simplement la présence de sépultures.
Enfin, à 1,8 km au nord-est de Darrehbarreh, donc légèrement en-dehors de la zone étudiée ici (Pl. 40), il faut souligner la présence de l’inscription rupestre bilingue, parthe et moyen-perse, de Hajiabad. Le texte relate un fait de chasse héroïque du roi sassanide Shapur Ier (240 – 272 ap. J.-C..)1302. Comme pour les bas-reliefs sassanides de la plaine de Persépolis, les inscriptions, situées dans un vallon escarpé à une centaine de mètres au-dessus de la plaine, n’étaient pas destinées à être vues de tous. La présence de cette dédicace renforce encore le caractère sacré, indéniable, du Kuh-e Hussein depuis la période achéménide, jusqu’au sassanide. Avec les inscriptions et le bas-relief du triomphe de Shapur Ier sur l’empereur romain Valérien à Naqsh-e Rustam, Hadjiabad pourrait démontrer l’importance symbolique du massif du Kuh-e Hussein pour le fondateur de l’empire sassanide.
Ou Darra-ye Barra, le vallon des agneaux.
Sumner 1986a : 7-Ill.3, deux carrières achéménides sont reportées le long du Kuh-e Hussein à l’est de Naqsh-e Rustam (Pl. 42).
Cf. § 5.6.3
Kleiss 1993a : 94
Cf. § 5.6.4.2
Boucharlat 1978 : 363-364 ; Huff 1988
Gropp 1970 : 198
Calmeyer 1973 : 148
Huff 1984 : 240-242
ibid. : 241-242
Cette chambre a été décrite et représentée par : Huff 1988 : 161-162 et Taf.49,2 ; Kleiss 1993a : 93-Abb.4
Cf. § 5.5.3.6.3
Gignoux 2003