5.6.3. Les carrières du Kuh-e Hussein

5.6.3.1. Le long du piedmont entre Naqsh-e Rustam et Darrehbarreh

La présence de carrières anciennes sur les piedmonts a été signalée lors de l’évocation des monuments funéraires rupestres du Kuh-e Hussein1303. Les indices d’exploitation de la pierre ont été plus particulièrement étudiés par W. Kleiss dans un article consacré aux carrières à proximité de Naqsh-e Rustam et Persépolis1304. Ils avaient été auparavant relevés, sans description précise, par W. Sumner sur la carte archéologique de la plaine de Persépolis1305. Pour notre part, nous avons eu comme objectif, dans le cadre de notre étude, de dresser la carte de ces différents vestiges de carrières le long du Kuh-e Hussein.

  • MD08168 : coordonnées UTM 39R : E 680630 m ; N 3319123 m
Figure 5‑83 : Vue aérienne oblique vers l’ouest prise sous ballon captif de la zone de carrière au nord-ouest de Naqsh-e Rustam, située au-dessus des troncs de pyramide à arcades (cliché BNC, printemps 2007)
Figure 5‑83 : Vue aérienne oblique vers l’ouest prise sous ballon captif de la zone de carrière au nord-ouest de Naqsh-e Rustam, située au-dessus des troncs de pyramide à arcades (cliché BNC, printemps 2007)

Au nord-ouest de Naqsh-e Rustam (Pl. 40), au-dessus et autour des deux fosses funéraires carrées aménagées sur des troncs de pyramide1306, les traces d’exploitation de la pierre sont nombreuses, concentrées sur une surface de près d’un demi hectare1307 (Fig. 5-83). Elles correspondent à plusieurs séries de tranchées d’extraction, ou enjarrots, parallèles dans les affleurements rocheux situés au pied du massif. La largeur moyenne des ces enjarrots est de 50 cm. Certains peuvent présenter des profondeurs allant jusqu’à 2 m, d’autres ne sont qu’amorcés et ne correspondent qu’à des sillons rupestres de quelques centimètres de profondeur. Les enjarrots parallèles sont groupés en cinq groupes assez distincts qui doivent correspondre à autant de chantiers d’extraction concomitants. Certaines de ces tranchées, en particulier celles qui sont situées dans un petit vallon au sud des troncs de pyramide, sont comblées par des sédiments fins provenant du versant. De ce fait, il est possible que dans ce vallon des fronts de taille aient été complètement enfouis sous des sédiments provenant du lessivage des versants amont et rendus invisibles à l’œil nu.

Cette zone de carrière ne présente que très peu de traces d’emboîtures de coin. Leur présence, en particulier au fond des enjarrots, serait le signe que le débitage des pans de roche et des blocs avait été entamé, ce qui dans ce secteur ne semble donc pas être le cas. Bien que les traces de carrières soient nombreuses, il n’existe donc que peu de preuves sur les différents fronts de taille d’une extraction des blocs. Un grand nombre de tranchées ont été creusées, à une profondeur parfois importante, pour à la fin être abandonnées. Il est possible que cet abandon ait été assez soudain, l’important travail déjà réalisé semble en effet avoir été stoppé net.

  • MD08150 : coordonnées UTM 39R : E 681175 m ; N  3319188 m

A 400 m au nord-est de Naqsh-e Rustam (Pl. 40), la présence de plusieurs blocs équarris au pied de la falaise témoigne de l’activité d’extraction au-delà de la nécropole royale. Plusieurs de ces blocs semblent avoir été relevés par W. Kleiss qui ne les a pas localisés précisément1308. Les éléments taillés se situent au milieu d’un chaos de blocs qui se sont naturellement détachés de la falaise du fait de son érosion progressive et qui par la suite ont pu être équarris. Ce procédé rappelle le mode d’extraction opportuniste, sur blocs erratiques, largement adopté le long des affleurements rocheux sur les piedmonts du Kuh-e Rahmat, au nord de Persépolis1309.

  • MD08153 : coordonnées UTM 39R : E 681949 m ; N 3319511 m

Ce secteur a été évoqué auparavant au cours de la description d’un bloc cylindrique inachevé sur lequel a été gravé le bas-relief rupestre1310 (Pl. 40). Le bas-relief est situé à mi-distance de deux gros blocs erratiques, montrant des traces d’extraction.

Le premier mesure plus de 5 m de haut, ses dimensions au sol sont d’environ 7 m sur 4 m (Fig. 5-84). Ce gros bloc a été débité depuis sa face est par le creusement d’une série de quatre enjarrots dont il possible de repérer le tracé, grâce à des séries de négatifs d’emboîtures de coins. La tranchée la plus à l’est a permis de débiter le bloc jusqu’à sa base, laissant à nue une haute paroi régulière sur laquelle a été aménagée un chambre funéraire. Le creusement des autres enjarrots s’est arrêté à peu près à mi-hauteur du bloc. Les pans de roche dégagés par l’enjarrot le plus à l’ouest n’ont pas été débités.

Figure 5‑84: Vue d’ensemble vers le nord-ouest de la zone MD08153 avec les deux blocs percés d’enjarrots, la niche rupestre aménagée dans le front de taille du bloc à l’ouest, le bloc cylindrique avec un bas-relief et un alignement de pierres (cliché RB, printemps 2008)
Figure 5‑84: Vue d’ensemble vers le nord-ouest de la zone MD08153 avec les deux blocs percés d’enjarrots, la niche rupestre aménagée dans le front de taille du bloc à l’ouest, le bloc cylindrique avec un bas-relief et un alignement de pierres (cliché RB, printemps 2008)

Le second gros bloc, situé à une cinquantaine de mètres du premier, est de taille plus modeste : il mesure environ 7 m de long pour 3 m de large et 2,5 m de hauteur (Fig. 5-84). Il est percé de part en part, dans le sens de la largeur, par deux tranchées d’extraction qui n’ont pas donné lieu à débitage. A sa base, au sud, un alignement de pierres de taille décimétriques affleure sur 15 m environ suivant une direction est/ouest. Il s’agit d’un alignement à parement simple, probablement destiné à délimiter une terrasse. La fonction de cette construction paraît difficile à déterminer, si l’on considère le contexte archéologique il pourrait être en lien avec les activités d’extraction de la pierre mais rien ne prouve la contemporanéité de ces différents éléments. Cette terrasse pourrait également correspondre aux vestiges d’une installation très récente, un campement de nomades par exemple.

De l’autre côté du chemin qui longe le piedmont, à une soixantaine de mètres des deux gros blocs décrits, un troisième présente des faces nord et sud parfaitement taillées. Il s’agit d’un pan de roche de 1,5 m de large pour 5 m de long et 3 m de haut qui constitue l’unique reste d’un gros bloc qui a été presque entièrement exploité. Aux alentours de cet ensemble de trois gros blocs, jusqu’au pied de la falaise, on note la présence de nombreux blocs équarris de tailles plus modestes, ne dépassant pas 2 m, taillés dans les blocs disséminés en surface du cône d’éboulis de la falaise.

La caractéristique de cette zone de carrière tient dans une exploitation multiforme des blocs éboulés depuis la falaise. Les plus gros sont entaillés d’enjarrots et débités en grands pans de roche de plusieurs mètres de long et de haut, et d’épaisseur comprise entre 1 et 2 m, probablement retaillés par la suite en blocs plus petits. Les trois gros blocs qui portent des marques d’exploitation illustrent de plus trois étapes de leur débitage : une étape préliminaire avec ouverture de tranchées d’extraction, une étape intermédiaire où plusieurs tranchées ont déjà été exploitées, et une étape finale où le bloc a été presque entièrement exploité. Comme nous avons pu également l’observer plus à l’ouest au point MD08150, les petits blocs éboulés depuis la falaise sont équarris sur place de manière à constituer des préformes dont la taille sera finalisée sur les chantiers de construction.

  • MD08154 : coordonnées UTM 39R : E 682339m ; N 3319640m

Au moins quatre gros blocs affleurants dans le cône d’éboulis des falaises présentent un ou plusieurs d’enjarrots (Pl. 40). Le plus gros des blocs, situé à proximité du chemin, mesurant 6 m de long pour 3 m de large et environ 2 m de haut, est percé d’une série de cinq tranchées parallèles, espacées en moyenne de 1 m. Le débitage du bloc n’avait pas été entamé lors de l’abandon de ce secteur de carrière. Les autres blocs, situés plus en hauteur sur le piedmont, sont de plus petite taille et présente un, voire deux enjarrots, sans pour autant avoir été débité. La fréquence des blocs ou affleurements rocheux percé d’enjarrots mais non débités, même partiellement, est un fait récurrent le long du piedmont sud du Kuh-e Hussein. Enfin, on retrouve également la présence de blocs équarris disséminés sur le secteur.

Notes
1303.

Cf. § 5.6.2.

1304.

Kleiss 1993a

1305.

Sumner 1986a : 7-Ill.3 (Pl. 42)

1306.

Cf. § 5.6.1.3

1307.

Kleiss 1993a : 91-92

1308.

ibid. : 93-Abb.6, les différentes observations relevées par W. Kleiss n’ayant pas été replacé sur une carte, seule la forme des blocs ou des fronts de tailles dessinés permet de reconnaître une correspondance, dans le cas de ces blocs la correspondance est difficile à déterminer, leur forme n’étant pas caractéristique.

1309.

Cf. § 5.5.4.2.1

1310.

Cf. § 5.6.2