5.6.3.3. Au-dessus de Darrehbarreh

Le vallon de Darrehbarreh correspond à un changement dans la géomorphologie du piedmont sud du Kuh-e Hussein. La rangée de falaises, qui domine le versant du massif, présente depuis Naqsh-e Rustam, une orientation générale est/ouest, décalée de quelques degrés vers le nord (Pl. 40). Au niveau de Darrehbarreh, sa direction change, elle devient nord-est sur 800 m puis sud-est sur 1 km de telle sorte que les falaises délimitent un vaste cirque incurvé de près de 2 km de large. Dans cet espace, le pied du versant est constitué de larges affleurements calcaires incisés de petits vallons étroits et escarpés. Les pentes situées entre ces formations calcaires affleurantes et les falaises se font moins raides, elles correspondent au cône de déjection provenant de l’érosion des falaises. Vers l’est, ce cirque est délimité par le vaste vallon de Hajiabad.

Ce vaste espace, incluant le vallon de Darrehbarreh, présente sur l’ensemble de sa surface un grand nombre de traces d’exploitation ancienne de la pierre. L’activité d’extraction se situe d’abord au niveau du cône d’éboulis, entre les falaises et les affleurements en dessous, où les blocs erratiques sont débités et équarris. Elle se situe également au niveau des affleurements qui forment la base du piedmont sur lesquels de nombreux fronts de taille ont été aménagés et se traduisent par la présence de nombreuses séries d’enjarrots. Les vestiges témoignant de la présence de carrières sont presque continus et c’est donc l’ensemble de ce cirque qui devait être exploité pour la production de blocs de pierre. Un relevé exhaustif ainsi qu’une étude approfondie de l’ensemble demanderait un travail très important ; nous avons pour notre part cherché à délimiter cette zone et à relever certains points qui illustrent les différents modes d’extraction ou fournissent des exemples de la variété des types de blocs produits.

A 100 m au nord-est du gros bloc portant les quatre petites fosses rupestres, sur la crête d’un épaulement du terrain qui délimite le vallon de Darrehbarreh à l’est, les fondations d’un bâtiment rectangulaire à double parement, de 18 m sur 12 m, orienté nord/ sud, affleurent sur une seul assise de moellons décimétriques, de forme parallélépipédique, en calcaire. L’intérieur de cette construction est comblé de gravats. Plus au nord, à 40 m, affleurent les vestiges d’un second bâtiment de forme rectangulaire, plus petit, mesurant 16 m de long pour 11 m de large, de même orientation. La structure des murs affleurants est comparable. Quelques céramiques ont été retrouvées en surface, sur la zone regroupant les deux ruines. Les tessons sont très érodés et difficilement identifiables. La céramique bien cuite et à dégraissant fin est probablement à dater des périodes postérieures à l’Age du Bronze. Certains tessons de couleur chamois paraissent plutôt dater des périodes islamiques.

Cet ensemble de deux bâtiments est traité dans cette partie consacrée aux carrières du Kuh-e Hussein car il semble que leur construction pourrait être reliée à l’exploitation des carrières alentours. En effet, si ce n’est pour des nécessités de protection, l’emplacement de ces bâtiments n’offre que peu d’intérêt, les pentes présentent un paysage essentiellement minéral et il n’y a aucune preuve visible de la présence d’une source à proximité. La construction de ces bâtiments pourrait s’expliquer par l’utilisation des piedmonts comme zones de pâturage, toutefois les fondations de ces bâtiments, à double parement et en moellons réguliers, ne semblent pas correspondre aux vestiges d’enclos à bétail ou de refuge temporaire de berger. Il est donc possible d’envisager que ces constructions, situées au milieu d’une vaste zone de carrières, étaient en lien avec les activités d’extraction de la pierre et pouvaient constituer des abris pour le matériel ou pour les carriers eux-mêmes. La céramique, dont la datation n’est pas assurée, témoignerait d’une occupation assez tardive pouvant aller jusqu’aux périodes islamiques.

Figure 5‑86 : Vue vers l’ouest d’un gros bloc monolithique équarri au nord du vallon de Darrehbarreh (cliché RB, printemps 2008)
Figure 5‑86 : Vue vers l’ouest d’un gros bloc monolithique équarri au nord du vallon de Darrehbarreh (cliché RB, printemps 2008)

Au nord du vallon de Darrehbarreh, un gros bloc de 10 m de long, 5 m de large et 1,5 m d’épaisseur a été relevé dans les affleurements rocheux au pied des falaises (Pl. 40 et Fig. 5-86). Une cassure, survenue le long d’une fissure naturelle de la roche après l’abandon du bloc, a sectionné sa partie sud. Toutes les faces du bloc sont équarries : des amoncellements d’éclats d’extraction, des petits fragments de pierre aux bords saillants, témoignent de l’important travail de taille réalisé sur place. Les faces visibles, soigneusement rectifiées, ne présentent aucune trace de taille secondaire, les carriers n’ont donc pas souhaité débiter cet énorme bloc en plus petits modules, ou peut-être n’ont-ils pas eu le temps de le faire. Il n’est cependant pas rare dans ce secteur de retrouver des blocs équarris de très grandes dimensions ; le bloc avec le demi-disque au sommet dans le vallon de Darrehbarreh en est un bon exemple. Le bloc décrit ici se situant à plus de 100 m au-dessus de la plaine et à près de 500 m au nord du chemin qui longe le piedmont, la question se pose de la possibilité de déplacer un tel bloc, de plusieurs tonnes, même par gravité en s’aidant de la forte pente.

Ce point d’observation correspond à un ensemble de trois blocs parallélépipédiques situés au-dessus d’un petit vallon, descendant jusqu’à la plaine, incisé dans les affleurements calcaires du bas du piedmont (Pl. 40). Deux de ces blocs sont de formes et dimensions presque identiques, ils mesurent 4 m de long par 0,8 m de large et 0,5 m d’épaisseur (Fig. 5-87). L’un des deux présente des emboîtures de coin à sa base, témoin de son débitage dans un front de taille ou dans un bloc plus massif. Le troisième bloc est de section carrée, il mesure environ 2 m de côté pour une hauteur de 0,5 m. Donc ces trois blocs présentent une même épaisseur de 0,5 m, peut-être un indice de normalisation des dimensions.

Figure 5‑87 : Vue vers l’ouest d’un ensemble de trois blocs équarris situés au nord-est du vallon de Darrehbarreh (cliché RB, printemps 2008)
Figure 5‑87 : Vue vers l’ouest d’un ensemble de trois blocs équarris situés au nord-est du vallon de Darrehbarreh (cliché RB, printemps 2008)

Ces blocs constituent des exemples pris parmi des dizaines d’autres de taille et de forme comparables et que l’on retrouve disséminés sur l’ensemble du cirque au nord-est de Darrebarreh, ainsi que le long du piedmont du Kuh-e Hussein, à l’est de Naqsh-e Rustam. Les blocs de ce groupe présentent de plus la particularité de porter sur leur face supérieure un ergot, témoin laissé par le carrier de l’épaisseur de pierre débitée et donc du travail effectué. Leurs faces sont toutes rectifiées. Ils ont donc probablement été abandonné au stade final de leur extraction en carrière et étaient prêts à être transportés jusqu’au pied de la montagne pour être acheminés sur un chantier de construction. Il est à ce sujet intéressant de noter que ces trois blocs ont été regroupés au sommet d’un petit vallon escarpé qui devait très probablement constituer une voie naturelle d’évacuation des blocs vers la plaine, les carriers profitant de la pente pour faire glisser les pierres jusqu’au bas du versant.

Enfin, dans ce secteur, il faut souligner la présence de quatre niches funéraires rupestres, regroupées par deux, creusées dans les parois de la falaise situées à 200 m au nord des trois blocs décrits précédemment (Pl. 40).

Figure 5‑88: Vue vers le nord-est d’un vallon situé à 1 km à l’est de Darrehbarreh présentant une forte concentration d’enjarrots (cliché RB, printemps 2008)
Figure 5‑88: Vue vers le nord-est d’un vallon situé à 1 km à l’est de Darrehbarreh présentant une forte concentration d’enjarrots (cliché RB, printemps 2008)

Au sud-est de MD08161, les affleurements calcaires d’un vallon escarpé situé au pied de la montagne et donnant sur la plaine sont entaillés de très nombreux enjarrots parfois profonds de plus de 2 m (Pl. 40 et Fig. 5-88). La plupart sont regroupés par paires parallèles, de manière à dégager un pan de roche entre les deux. Il faut ici souligner que très peu d’enjarrots creusés dans ce vallon ont donné lieu à l’extraction d’un bloc, les reliefs naturels sont en effet en général préservés. Le travail d’extraction a donc probablement été abandonné soudainement, comme dans la zone de carrière située au nord-ouest de Naqsh-e Rustam. Il faut néanmoins signaler que les affleurements situés plus haut sur le versant présentent des fronts de taille verticaux à partir desquels ont été débités des blocs et où seul reste un replat rocheux délimité par une paroi verticale régulière.

Ce point d’observation correspond à la limite orientale de nos prospections, par manque de temps nous n’avons pas pu explorer la partie est du vaste cirque. Néanmoins au cours de nos prospections, nous avons pu constater de loin que le cône d’éboulis des falaises vers l’est est parsemé de blocs, parfois de grandes dimensions, percés d’enjarrots. Cette continuité vers l’est des indices d’exploitation de la pierre peut être démontrée par le fait que W. Kleiss a relevé, à proximité de Hajiabad, un bloc percé de deux enjarrots.