5.7.1.1. Les blocs d’occupation royale et/ou aristocratique

5.7.1.1.1. Le quartier royal et Persépolis Sud

La terrasse de Persépolis porte un ensemble impressionnant de bâtiments royaux dont la fonction précise fait encore débat1329. L’activité de construction ne s’est toutefois pas limitée à la seule terrasse. Elle a aussi concerné les pentes du Kuh-e Rahmat qui ont été fortifiées. Plus au sud, dans le Barzan-e Jonoubi (Pl. 19), entre la terrasse et la tombe inachevée, le terrain a été également été nivelé pour accueillir un ensemble de bâtiments de prestige, de fonction encore mal définie. Avec la terrasse ils forment l’ensemble (Pl. 41) que nous proposons d’appeler le quartier royal, qui, il faut le souligner, n’est pas limité à la seule terrasse monumentale ; cette dernière ne couvre que 12 ha des 50 ha, au minimum, du quartier royal.

Le quartier royal correspond à un ensemble architectural cohérent, comprenant un palais et différents bâtiments : des résidences possibles, mais non prouvées, des bâtiments officiels ou d’apparat, et d’autres probablement administratifs. Toutefois, la définition de ses limites pose problème. Comme le prouvent les remparts construits sur les pentes du Kuh-e Rahmat, ce secteur a pu être défendu par des fortifications dont le rôle était tout autant de matérialiser les limites du quartier royal que de le protéger (Pl. 17). Au cours de nos recherches, en particulier lors des prospections radar-sol entreprises au pied de la terrasse1330, nous n’avons pas pu détecter la trace de remparts de ce côté. Les vestiges, s’ils ont existé, ont probablement été largement bouleversés au cours des travaux d’aménagement récents. Seules des fouilles anciennes et partiellement publiées permettent de suggérer l’existence, à quelques centaines de mètres à l’ouest de la terrasse, des vestiges d’un large mur qui pourrait représenter les restes d’une seconde ligne de fortifications, la première correspondant au mur de soutènement de la terrasse elle-même et aux remparts du Kuh-e Rahmat1331. Comme l’ont montré les prospections géophysiques entreprises sur le vaste parking situé à l’ouest de la terrasse1332 et au-delà de celui-ci1333 (Pl. 23), il semble que l’occupation soit de caractère plus commun dans ces secteurs, sans architecture monumentale. Cette hypothèse paraît confirmée par les données préliminaires des sondages ouverts récemment dans les champs au nord-ouest de la terrasse par l’équipe irano-italienne codirigée par A. Askari et P. Callieri1334. Si ces fouilles n’ont pas livré de vestiges architecturaux bien conservés, elles semblent toutefois démontrer, comme nous le supposions d’après l’étude des cartes géophysiques, que l’occupation sur ce secteur n’est plus de caractère royal. La limite occidentale du quartier royal est donc à situer quelque part entre l’actuel parking ouest et la terrasse, peut-être à l’emplacement indiqué par A. Tadjvidi puis par A. Mousavi1335, et qui correspondrait à une seconde enceinte dont nous n’avons pas pu retrouver les vestiges.

La limite nord du quartier royal semble correspondre à celle de la terrasse royale. Le vallon situé juste au nord est surtout dédié à l’exploitation de la pierre et ne présente pas de preuve de continuité du bâti monumental à l’époque achéménide (Pl. 21).

La limite sud de ce quartier royal paraît plus délicate à déterminer. Les témoignages de l’existence d’un rempart au sud-ouest de la terrasse sont rares et anciens1336, et il n’en reste aujourd’hui aucun vestige sur le terrain. La fouille par A. Tadjvidi d’un pavillon à colonnes1337, situé non loin de la tombe inachevée, puis plus loin, à environ 1 km, l’existence du vaste tepe de plusieurs hectares dénommé Persepolis South par W. Sumner1338, permettent en effet de suggérer l’existence d’un secteur d’occupation au sud du Barzan-e Jonoubi (Pl. 20). L’ensemble des vestiges a été nivelé du fait de la construction du village de Shamsabad au début des années 1970, rendant difficile toute étude archéologique de ce secteur, qui de plus a été largement réoccupé aux périodes islamiques. W. Sumner proposait d’identifier ce tepe de Persepolis South à Kamenush, une petite ville située à un jour de marche de Persépolis d’après les tablettes1339. L’hypothèse est peu convaincante : en effet, il faut souligner que le tepe de Persepolis South n’était situé qu’à 2 km du quartier royal. De plus, les seules données attestées ne permettent pas de restituer formellement l’existence d’une occupation dense, à caractère commun, sur et aux alentours de ce tepe. En effet, la surface de ce relief présentait une absence de céramique qui, dans le cas d’une occupation plus commune, aurait dû être détectée, même en très faibles concentrations. L’hypothèse de W. Sumner ne repose que sur la présence d’une seule base de colonne, et de quelques autres dans la plaine alentour. Ces bases de colonnes, et plus au nord la mise au jour du pavillon, plaident plutôt pour l’existence, au sud du quartier royal, d’un ensemble de constructions de prestige. Ce serait une extension vers le sud de la concentration d’édifices royaux du Barzan-e Jonoubi. En l’absence d’indice de continuité, nous proposons de faire du secteur de Persepolis Sud, situé au sud-est de la tombe inachevée et compris entre le piedmont et la limite sud de l’actuelle Shamsabad, un bloc d’occupation royale et/ou aristocratique à part (Pl. 41). La surface de cet ensemble est impossible à définir, ainsi que le plan de son occupation ; il est peut-être caractérisé par des bâtiments dispersés, comme dans le secteur de Bagh-e Firuzi.

Sur l’ensemble de la surface du quartier royal, seule une moitié est bâtie. L’espace compris entre la terrasse et le groupe de constructions au sud du Barzan-e Jonoubi, le pied de terrasse à l’ouest, ainsi que les pentes fortifiées du Kuh-e Rahmat paraissent non-bâties. Soulignons de plus qu’à la mort de Darius, le fondateur de Persépolis, la terrasse présentait également de vastes surfaces non-bâties qui le seront par ses successeurs1340. Cet état pourrait traduire une volonté de ménager des espaces vides de constructions sur la terrasse monumentale. Ces différents espaces non-bâtis devaient toutefois être aménagés, comme le suggèreraient des données de fouilles limitées ou des tentatives de restitution de l’occupation autour de la terrasse1341, et comme le prouve l’existence d’un réseau de drainage sur les pentes du Kuh-e Rahmat1342. Ces espaces « vides », qui n’ont fourni jusqu’à présent que peu de données archéologiques, doivent donc être considérés comme faisant partie intégrante du projet d’aménagement royal.

Notes
1329.

A titre d’exemple voir la contribution récente de Razmjou 2010 aux débats nourris sur la fonction des différents bâtiments de la terrasse.

1330.

Cf. § 5.2.4.2

1331.

Cf. § 5.2.2

1332.

Cf. § 5.3.2 et 5.3.3

1333.

Cf. § 5.3.3

1334.

Cf. § 5.3.5.3

1335.

Tadjvidi 1976 ; Mousavi 1992, cf. § 5.2.2.3

1336.

Weld-Blundell 1893 ; Herzfeld 1929, cf. § 5.2.2.3

1337.

Tadjvidi 1976, cf. § 5.2.3.4.2

1338.

Sumner 1986a : 9-10, cf. § 5.2.3.4.2

1339.

ibid. : 23

1340.

Roaf 1983 : Fig.152-153 ; Boucharlat 2007 : 460

1341.

Cf. § 5.2.3.4.1

1342.

Cf. § 5.2.2.2