5.7.1.3.1. Des vestiges rupestres de carrières et d’aménagements funéraires

Le long des sections prospectées des piedmonts du Kuh-e Hussein (Pl. 40) et du Kuh-e Rahmat (Pl. 38), les quelques vestiges d’aménagements funéraires précisément datés par une inscription, niches ou fosses rupestres, remontent à la fin de l’époque sassanide1361. Ils ne représentent cependant qu’une minorité, et la datation des autres vestiges pose question. Il semble admis que la majorité des fosses, niches et chambres rupestres répond aux rituels d’inhumation zoroastriens. Leur aménagement et leur utilisation ont donc pu s’étendre sur l’ensemble des périodes achéménide, parthe peut-être, et plus sûrement sassanide. Une étude plus poussée et systématique de ces aménagements funéraires, pouvant se baser sur des comparaisons précises avec ceux déjà datés, ou éventuellement la fouille de sépultures non pillées1362, pourrait apporter des réponses quant à leur datation précise. En l’absence de nouvelles données, une attribution de certains d’entre eux à la période achéménide est donc possible, bien qu’une datation nettement plus récente soit à privilégier. Il faut également rappeler que la découverte, par E.F. Schmidt1363, de tombes, les unes en pleine terre, d’autres en sarcophage de céramique, sur le site du Persepolis Spring Cemetery, témoigne pour la période post-achéménide (voire la toute fin de la période achéménide) de la coexistence de pratiques funéraires variées, dans ce cas différentes du décharnement1364. La présence de cairns, dont la datation reste un aspect largement débattu, démontre également cette variété de pratiques qui peuvent toutefois ne pas être concomitantes dans le temps.

L’observation la plus intéressante des prospections sur les piedmonts, pour la période achéménide, est l’importance de l’exploitation de la pierre1365. Cette exploitation ne peut pas être directement datée d’après les techniques de taille employées. Il s’agit de techniques traditionnelles qui ont été utilisées jusqu’à l’apparition d’appareils d’extraction mécanisés. Toutefois, les dimensions et la forme des blocs inachevés, abandonnés en divers endroits le long des deux piedmonts, permettent de supposer qu’ils étaient destinés aux divers chantiers de construction d’édifices monumentaux d’époque achéménide. Si l’on considère l’ensemble des bâtiments des différents blocs d’occupation royale et/ou aristocratique, les besoins en pierre devaient être importants au cours de la période achéménide. Notons que Persépolis était encore en chantier au moment de sa prise par les armées d’Alexandre. Aux périodes antérieures, l’utilisation de la pierre dans l’architecture est nulle ; aux périodes postérieures, elle est réservée principalement aux ouvrages d’art. Il est donc très plausible que la grande majorité des vestiges de carrières remonte à la période achéménide.

Le volume de pierre extrait est très difficile à quantifier de manière précise. L’exploitation a en effet été effectuée en grande partie sur des blocs erratiques, qui se sont détachés des affleurements rocheux. Le long du Kuh-e Rahmat, les affleurements calcaires se présentent sous la forme de bancs de taille métrique. La formation de réseaux de fissures implique que des blocs se détachent naturellement du substrat rocheux sans intervention humaine. A moins de retrouver des blocs inachevés, il est donc très difficile de délimiter les zones d’extraction. La présence d’une dizaine de blocs inachevés sur les pentes du Kuh-e Rahmat (Pl. 37), entre le quartier royal et le site d’Istakhr, permet toutefois de supposer que l’extraction de la pierre devait s’étendre sur l’ensemble de cette section de piedmont. Dans le vallon situé au nord de la terrasse (Pl. 21), la présence de plusieurs zones d’exploitation, présentant cette fois-ci des vestiges de fronts de taille, indique une exploitation de la pierre directement destinée au chantier de construction du quartier royal. Autour de Naqsh-e Rustam, et le long du Kuh-e Hussein à l’est (Pl. 40), l’exploitation de la pierre s’est également faite sur des blocs erratiques. Les bancs de calcaire sont ici plus massifs, et les blocs qui se détachent des falaises sont de grandes dimensions. Certains portent des traces d’enjarrots qui témoignent de leur débitage. A environ 3 km à l’est de la nécropole royale de Naqsh-e Rustam, le vaste cirque, situé à l’est du vallon de Darrehbarreh (Pl. 40), concentre de très nombreux vestiges de carrières. A cet endroit, sur une surface de près de 200 ha, les indices d’extraction sont presque continus. Cette extraction extensive s’est faite sur des blocs erratiques, mais également par l’ouverture de fronts de taille dans les affleurements calcaires situés en contrebas du vallon. Cette zone correspond au plus vaste secteur connu de carrières dans la plaine de Persépolis, tout à fait comparable, voire plus important, que les carrières de Sivand, situées au nord-est de la plaine dans la vallée du Pulvar, et qui ont probablement fourni les tambours de colonne en pierre des différents édifices de Pasargades. Les blocs abandonnés présentent ici de grandes dimensions, pour certains de plusieurs mètres de long. Ils devaient donc être destinés à des constructions monumentales, par exemple celle du parement de la terrasse de Persépolis. Sur les piedmonts du Kuh-e Hussein, la qualité du calcaire, peu fracturé et très massif, ainsi que l’épaisseur des affleurements, permettent en effet d’envisager l’extraction de très gros monolithes.

L’importante activité d’exploitation de la pierre, et de manière beaucoup plus hypothétique la présence d’aménagements funéraires le long des piedmonts, témoignent d’une importante activité sur les pentes des différents massifs montagneux à l’époque achéménide. Nos prospections n’ont permis de relever que quelques traces de vestiges de constructions, mal datées. Les habitations des carriers et les différentes infrastructures nécessaires à l’exploitation de la pierre pouvaient donc se trouver majoritairement dans la plaine. A travers ces vestiges de carrières, c’est également une partie de la chaîne opératoire de la construction en pierre qu’il est possible de restituer. Depuis l’extraction de blocs bruts dans les carrières à la finition et la pose des blocs sur les chantiers de construction, chacune des étapes demande l’intervention de travailleurs spécialisés.

Notes
1361.

Cf. § 5.5.4.3.2

1362.

Pour notre part, nous n’avons pas pu en repérer et la découverte de tombes rupestres encore préservées paraît assez illusoire.

1363.

Schmidt 1953

1364.

Cf. § 5.5.3.6.2

1365.

Cf. § 5.5.4.2 et 5.6.4.2