5.7.3.1. Surface et répartition des blocs d’occupation

Si l’on prend en compte l’ensemble de la zone d’occupation de Persépolis, les surfaces occupées sont très étendues (Pl. 41). Elles paraissent suffisantes pour accueillir une grande partie des activités associées à la fonction de centre administratif, économique et symbolique de Persépolis, ainsi que les secteurs résidentiels. La taille des blocs d’occupation commune de Persépolis Nord-Ouest et Firuzi Sud est très proche, ils couvrent à eux deux une surface totale d’au moins 140 ha. Les cinq autres blocs présentent des preuves d’occupation royale et/ou aristocratique. Les deux plus étendus correspondent à Bagh-e Firuzi et au quartier royal. Le seul groupe de tepes peu élevés qui se concentrent à l’ouest de Bagh-e Firuzi (Pl. 28) se répartit sur une surface de 30 ha. Si l’on associe le site de Firuzi 11 et Tol-e Ajori à cet ensemble, la surface du bloc Bagh-e Firuzi dépasse la centaine d’hectares. Le quartier royal (Pl. 17) regroupe pour sa part un ensemble de constructions monumentales sur plus de 50 ha. Parmi les trois autres blocs d’occupation royale et/ou aristocratique, les deux constructions de Dasht-e Gohar (Pl. 30) s’inscrivent dans un espace bien plus réduit, d’une surface d’1,5 ha. La surface de Naqsh-e Rustam (Pl. 39), limitée aux tombes royales et à la tour, est du même ordre de grandeur. Il faudrait ajouter le bloc de Persepolis Sud, mais les données archéologiques sont trop lacunaires pour permettre ne serait-ce qu’une ébauche d’estimation de sa surface. Si l’on considère une hypothèse haute concernant l’extension de Bagh-e Firuzi, la surface réservée à des constructions de prestige mesure plus de 150 ha. Au total, ce sont donc près de 300 ha qui ont été aménagés, et en partie construits, dans la zone d’occupation de Persépolis. L’importante activité de construction en pierre, en particulier dans les blocs d’occupation aristocratique, et surtout dans le quartier royal, devait être soutenue par l’exploitation de nombreuses carrières. Les deux zones de carrières extensives, le long du Kuh-e Rahmat au nord du quartier royal (Pl. 37), et le long du Kuh-e Hussein à l’est de Naqsh-e Rustam (Pl. 40), peuvent être considérées dans le schéma proposé comme des blocs d’activité, ici spécifiquement dédiés à l’extraction de la pierre.

Si l’on s’en tient à la surface des blocs et à leur répartition, on constate tout d’abord que les superficies occupées par des édifices de prestige sont tout à fait comparables à celles accueillant probablement des constructions plus communes. Cette observation pourrait témoigner de l’importance symbolique de Persépolis, un centre dynastique où l’investissement royal a été important, et abritant peut-être une partie de l’élite perse. Les ensembles monumentaux semblent de plus isolés des lieux de résidence et d’activité plus populaires. Cela est particulièrement vrai à Bagh-e Firuzi ou à Dasht-e Gohar, mais l’est un peu moins pour le quartier royal. Dans les deux premiers cas, la densité des constructions est faible, témoignant peut-être de la présence de jardins, et les groupes de bâtiments sont éloignés des blocs d’occupation commune. Cet isolement pourrait témoigner de la volonté de préserver une séparation nette entre les élites et le reste de la population. L’isolement du quartier royal est moins évident, le bloc d’occupation commune de Persépolis Nord-Ouest s’étendant probablement jusqu’aux abords de la terrasse. Le quartier royal pouvait toutefois être isolé par une (ou plusieurs) ligne(s) d’enceinte. L’une d’elle correspond au mur de soubassement de la terrasse associé aux fortifications du Kuh-e Rahmat.

L’importante présence de constructions de prestige et leur isolement, qui semblent constituer un trait caractéristique du plan d’organisation de Persépolis, sont toutefois à nuancer. D’un point de vue archéologique, il est en effet plus facile de repérer des vestiges d’architecture en pierre ou en brique cuite, car ils résistent mieux aux destructions liées à l’agriculture que les constructions en brique crue ou en matériaux périssables. Il reste également de vastes zones à prospecter plus minutieusement : elles pourraient révéler la présence de nouveaux blocs d’occupation commune, ne se signalant que par la présence de concentrations de céramiques en surface. De telles recherches pourraient faire apparaître que les surfaces d’occupation commune sont beaucoup plus importantes. La présence de vastes espaces non-bâtis dans les blocs d’occupation royale et/ou aristocratique peut être certes interprétée comme une volonté de respecter un certain isolement. Toutefois, on pourrait également restituer à ces endroits la présence de bâtiments moins prestigieux, destinés par exemple à accueillir l’administration ou le stockage des réserves royales, et qui seraient en quelque sorte des annexes des différents édifices officiels connus. Nous n’en avons pas retrouvé de traces au cours de nos recherches, mais l’activité agricole moderne a pu les faire disparaître.