6.1.2. Historique des études archéologiques dans la plaine de Persépolis

6.1.2.1. Jusqu’à la publication de l’article de W. Sumner

Les premières prospections archéologiques de la plaine1459, conduites par L. Vanden Berghe, ont eu pour objectif de dresser une carte des principaux tepes des environs de Persépolis, sur lesquels il a cherché à identifier des catégories de céramique récurrentes. En effectuant des comparaisons avec d’autres sites iraniens connus, ce travail lui a permis de proposer une chronologie de l’occupation de la plaine, basée sur la reconnaissance des différentes catégories de céramique1460.

Les recherches de W. Sumner à la fin des années 19601461, ont marqué un changement important dans la méthodologie d’étude de la plaine de Persépolis. Celle-ci est basée sur les apports de la New Archaeology, en pleine expansion à cette époque dans les milieux archéologiques anglo-saxons. Dans ce cadre, W. Sumner a par exemple basé une grande partie de sa réflexion sur les estimations de population1462, établies à partir de modèles démographiques issus des sciences sociales et calculées à partir des surfaces d’occupation, estimées au cours de ses prospections. Cette évolution conceptuelle de la recherche archéologique a eu pour effet la mise en place d’une méthodologie d’acquisition des données matérielles plus systématique. Le corpus rassemblé doit en effet être le plus précis et le plus complet possible pour permettre une certaine validité des modèles d’occupation proposés. Bien que W. Sumner, devenu directeur des fouilles du site de Tol-e Malyan dès 1972, se soit spécialisé sur les périodes de l’Age du Bronze, il ne s’est jamais désintéressé des périodes antérieures et postérieures. Au cours de ses prospections, il en avait relevé systématiquement les artefacts, qui sont les données à partir desquelles il a publié une série d’articles traitant des dynamiques d’occupation de la plaine de Persépolis, qu’il appelle le plus souvent Kur River Basin, depuis le Chalcolithique jusqu’aux périodes islamiques1463. Ces études se nourrissent non seulement de ses propres résultats, obtenus au cours de ses recherches de doctorat, mais aussi des travaux effectués par plusieurs de ses doctorants américains profitant de la dynamique de recherche créée par les fouilles de Malyan pour mener des études paléoenvironnementales ou archéologiques sur l’ensemble de la plaine1464. Ces thèses sont surtout centrées sur l’étude des occupations antérieures au Ier millénaire. Elles embrassent des problématiques et adoptent des méthodologies s’inspirant du travail pionnier de W. Sumner.

Parallèlement, au cours des années 1970, W. Kleiss a sillonné la plaine de Persépolis, comme il l’a fait dans de nombreuses régions d’Iran, en se focalisant ici sur la prospection des zones de piedmonts1465. Adoptant une démarche diachronique, ses recherches ont surtout été centrées sur l’époque achéménide, explorant plus précisément la question des barrages, digues et autres ouvrages hydrauliques. Si la démarche est louable, c'est-à-dire de tenter de dresser des cartes archéologiques de certains secteurs stratégiques de la plaine de Persépolis, ses articles se composent d’une succession d’observations archéologiques, exposées de manière peu précise, sans proposer de synthèse cohérente de l’ensemble. Il faut enfin d’ores et déjà souligner pour certains sites de probables erreurs d’interprétation ou des approximations dans les datations.

Chacune de ces prospections ont donné lieu à la mis au jour d’indices d’occupation achéménide disséminés dans la plaine de Persépolis. A ces données récoltées à l’échelle régionale, il faut bien entendu ajouter, pour l’époque achéménide, des données plus ponctuelles, le plus souvent de nature architecturale, issues de fouilles et de découvertes fortuites ou encore correspondantes au relevé de ruines encore en élévation. Les nombreuses planches laissées par E. Flandin et P. Coste témoignent de l’ancienneté des relevés, à vocation systématique, des ruines des environs de Persépolis1466. Par la suite, E. Herzfeld ne s’est pas complètement désintéressé des différents monuments existants dans la plaine de Persépolis ; C. Bergner, un de ses architectes, a ainsi procédé aux relevés des constructions, probablement de fonction hydraulique, au nord de la plaine, à proximité de Dorudzan1467. Ces mêmes vestiges ont été fouillés par M.B. Nicol en 1966-1967 alors qu’ils étaient menacés de destruction par la construction du barrage. Ces fouilles sont particulièrement intéressantes et ont été bien publiées : elles correspondent aux seuls chantiers archéologiques ouverts dans la plaine sur un site achéménide en dehors de la zone d’occupation de Persépolis. Des trouvailles isolées ont été publiées par divers auteurs1468 : soulignons à nouveau les nombreux vestiges architecturaux étudiés et publiées par G. et A.B. Tilia essentiellement à Firuzi mais également plus au nord ou aux alentours de Band-e Amir1469.

Notes
1459.

En 1934, A. Stein, après avoir visité la région de Pasargades et longé le Pulvar, arrête son exploration archéologique du Fars à l’entrée de la plaine de Marvdasht, cf. Stein 1936 : 220-221 ; plus tard Schmidt 1939 : 138-139, Fig.97 publie une carte de la plaine où sont localisés plus de 400 sites repérés suite à des prospections aériennes, p.139 il annonce une campagne de prospection au sol sur ces différents sites qu’il n’a de fait jamais entreprise. Schmidt 1953 : 55-57 donne, dans le premier volume des publications des fouilles de Persépolis, une description des quelques sites connus dans les environs de la terrasse de Persépolis, ainsi que p.47-Fig.13 une carte de localisation des sites limitée à la région que nous avons défini comme étant la zone d’occupation de Persépolis.

1460.

Vanden Berghe 1952, 1954, 1959 : 41-44 ; Overlaet 1997 : 1-2 propose une revue synthétique des différents travaux entrepris et résultats obtenus par L. Vanden Berghe dans la plaine de Persépolis ; cf. § 4.1.1

1461.

Sumner 1972. A la même période, un peu avant W. Sumner, P. Gotch a également effectué des prospections dans la région mais elles n’ont été que très succinctement publiées, cf. Gotch 1968, 1969

1462.

Sumner 1990 publie une synthèse sur les évolutions de démographie dans le Kur River Basin.

1463.

Sumner 1977, 1986a, 1988a, 1989a, 1994b ; Sumner & Whitcomb 1999

1464.

Alden 1979 ; Jacobs 1980 ; Miller 1982

1465.

Kleiss 1976, 1981, 1992a, 1993a, 1993b, 1994

1466.

Flandin & Coste 1843-54

1467.

Bergner 1937

1468.

Vanden Berghe 1954, 1959 : 20-58 ; Stronach 1966 ; Withcomb 1969

1469.

Tilia 1978 : 73-91