6.2.2.3. Band-e Amir

6.2.2.3.1. Présentation de la région de Band-e Amir

Le village de Band-e Amir est situé à 10 km, au bord du Kur, au sud-est de sa confluence avec la rivière Pulvar, au pied du massif de Kuh-e Zarqan (Pl. 2 et Pl. 43). Il marque la frontière entre la partie nord de la plaine, caractérisée par une pluviométrie supérieure à 300 mm par an et par des terres arables, majoritairement bien drainées, présentant peu de problèmes de salinisation1549, et la partie sud, appelée Dasht-e Korbal, plus sèche et présentant des sols pauvres avec de hautes teneurs en sel1550. La région de Band-e Amir se trouvant à la transition de ces deux milieux, elle ne correspond pas, a priori, à un secteur d’occupation particulièrement favorable. A son avantage toutefois, l’eau est largement disponible, apportée par le Kur ou provenant des nombreuses sources situées au sud de Band-e Amir, sur les piedmonts du Kuh-e Zarqan (Pl. 8).

Les différentes études menées sur l’occupation préhistorique de la plaine de Persépolis ont montré que la partie sud de la plaine connaissait une occupation bien moins dense que le nord. Si elle paraît encore importante dans la portion comprise entre Marvdasht et Band-e Amir, les différentes prospections tendent à montrer que plus au sud, les indices d’occupation préhistorique se font rares1551. Sur la quarantaine de sites archéologiques recensés dans le Gazetteer dans un rayon de 10 km au sud de Band-e Amir, un seul situé à 6 km au sud-ouest présente une occupation préhistorique caractérisée par des concentrations de céramiques Lapui. L’explication la plus évidente à cette quasi-absence d’occupation préhistorique est certainement d’ordre environnemental et liée aux conditions difficiles existantes dans la partie sud de la plaine de Persépolis. La cause de cette faible densité d’occupations préhistoriques peut également être liée à une attention moindre portée par les archéologues à la prospection de cette région. Nous verrons par la suite que dans le secteur particulier de Band-e Amir, l’absence d’occupation pré-achéménide pourrait également avoir des causes géomorphologiques1552.

Pour la période achéménide, W. Sumner suppose l’existence d’une petite ville achéménide située à l’emplacement actuel de Band-e Amir, ou à proximité1553. En effet, au cours de ses visites dans la plaine de Persépolis, E. Herzfeld a noté dans ses archives la présence de deux sites, situés 1 km à l’ouest de Band-e Amir, présentant des vestiges d’architectures achéménides1554. W. Sumner évoque quant à lui l’existence de quatre, voire six, vestiges de constructions achéménides disséminés tout autour de Band-e Amir. Les éléments d’architecture retrouvés correspondent à des bases de colonne de pierre noire et des blocs de fondations de pierres blanches. W. Sumner insiste sur l’absence de céramique datée de l’époque achéménide. E. Herzfeld estime que la région de Band-e Amir devait abriter un paradis, W. Sumner pense pour sa part que cette concentration de bâtiments achéménides dessine les contours d’une occupation plus dense l’amenant à supposer l’existence d’une ville.

S’il paraît possible de restituer une occupation d’époque achéménide, pour les périodes postérieures, l’occupation de la région de Band-e Amir se développe avec la construction, en travers du Kur, d’un barrage, qui fonctionne encore actuellement. Certains auteurs souhaiteraient faire remonter la construction du barrage à la période sassanide, mais aucune preuve tangible ne vient étayer cette hypothèse1555. Ce barrage est une solide construction de pierre à joints de mortier datée du Xe s. ap. J.-C.1556 ; le Fars sous domination bouyide connaît à cette époque un important développement. Le réservoir d’eau permet d’alimenter un vaste et dense réseau de canaux en aval de Band-e Amir, ce système de drainage a permis au fil des siècles de viabiliser des terrains à faible valeur agricole et de faire de ce secteur un des plus fertiles de la plaine de Persépolis1557. Des norias, construites sur ses rives, élevaient l’eau et permettaient ainsi d’assurer l’alimentation de nombreux villages dans la plaine de Korbal1558. Le développement de l’agriculture autour de Band-e Amir n’a donc pu se faire qu’au prix d’investissements importants en infrastructures hydrauliques qui a permis l’exploitation des eaux du Kur, seul et unique moyen de développer une agriculture dans cette partie de la plaine. D’un point de vue archéologique, le développement de l’occupation à partir de l’époque Bouyide (milieu Xe-milieu XIe s. ap.J.-C., période islamique 1, cf. Table 1) se traduit par l’existence de nombreux sites islamiques en aval de Band-e Amir : ils représentent ainsi la grande majorité des sites répertoriés dans le Gazetteer pour cette région. Nos propres visites sur plusieurs tepes et les ruines de qaleh situés au sud de Band-e Amir nous ont également permis de constater l’importance de l’occupation islamique de cette partie sud-ouest de la plaine de Persépolis.

Notes
1549.

Cf. § 2.5.1

1550.

Cf. § 2.2.3.2.2

1551.

Kortum 1976 : 106 sur l’absence de sites néolithiques dans la plaine de Korbal. Sumner 1972 : 220-242 analyse les évolutions de l’occupation jusqu’au Ier millénaire par région, la partie sud de la plaine apparaît toujours comme moins densément peuplée. Sumner 1977 publie une carte de l’occupation Bakun (fig.3a) coupée vers le sud au niveau de Band-e Amir. Pour les périodes postérieures Sumner 1989a : 144-146 et 160-fig.1 décrit l’occupation Kaftari en divisant la plaine en plusieurs secteurs dont l’un est appelé Band-e Amir : il s’agit d’une part d’une des zones les moins peuplées de la plaine à cette époque, d’autre part les sites se concentrent entre Marvdasht et Band-e Amir, plus au sud trois sites seulement sont indiqués, côté rive gauche du Kur.

1552.

Cf. § 6.2.2.3.3

1553.

Sumner 1986a : 9-10

1554.

Tilia 1978 : 85-n.5 traduit le passage des archives de E. Herzfeld entreposées à la Freer Art Gallery de Washington consacré aux observations effectuées autour de Band-e Amir.

1555.

Kortum 1976 : 108 ; Tilia 1978 : 85  évoque une fondation sassanide possible peut-être sur la base de considérations architecturales ; pour la région de Band-e Amir, notons également l’absence de sites présentant une occupation sassanide dans le Gazetteer.

1556.

Lerner 2000

1557.

Cf. § 2.2.3.2, les terrains en aval de Band-e Amir présentent une très bonne qualité agricole alors que l’ensemble de la région présente des terrains avec de fortes teneurs en sel (Pl. 5).

1558.

ibid.