6.2.2.3.2. Les prospections menées dans la région de Band-e Amir

Actuellement, il ne reste plus de traces des différents vestiges architecturaux achéménides publiés autour de Band-e Amir. Le vallon situé à l’ouest, où devaient se situer les sites achéménides observés par E. Herzfeld, a été en grande partie bâti du fait de l’extension du village, les parties non-construites étant cultivées. Les autres points évoqués par W. Sumner, disséminés dans les champs, n’ont pas été retrouvés. La réévaluation de l’occupation achéménide ne peut donc pas se faire à partir de vestiges existants, vestiges qui auraient pu faire l’objet de prospections géophysiques ou d’un relevé précis. L’étude des quelques agglomérations achéménides publiées par W. Sumner correspondant à un des objectifs importants dans le cadre de l’étude de l’occupation de la plaine, la seule manière de tenter de récolter des informations sur la réalité d’une installation d’importance à Band-e Amir était donc de procéder à prospections dans les champs situés autour du village.

Les environs de Band-e Amir sont aujourd’hui intensément cultivés. A la différence de la partie nord de la plaine de Persépolis, où les remembrements successifs ont conduit à la création d’un parcellaire ex-nihilo aligné sur les ramifications du réseau d’irrigation alimenté par la réserve de Dorudzan, la structure générale du parcellaire traditionnel a été conservée autour de Band-e Amir. Le réseau d’irrigation, alimenté depuis le barrage bouyide, a en effet été entretenu et est toujours en fonction. Le paysage dans ce secteur de la plaine est donc le résultat de plus de 1000 ans d’activité agricole. Si l’on compare le parcellaire actuel à celui très morcelé existant au tournant des années 19701559, la surface des champs a globalement augmenté, des petites parcelles voisines ont souvent été réunies de manière à faciliter l’emploi de tracteurs. Toutefois, le tracé des différents chemins et des multiples canaux qui partent de Band-e Amir pour alimenter les terrains en aval en direction du sud et du sud-ouest, a été préservé (Fig. 6-5). L’entretien continu du réseau d’irrigation principal depuis la construction du barrage se traduit par contre par l’existence, le long des canaux les plus importants, de hautes buttes de curage qui peuvent s’élever à plus de 1 m au-dessus du niveau moyen de la plaine. W. Sumner note avec raison que ces buttes limitent considérablement la visibilité et rendent difficile la reconnaissance d’éventuels tepes1560. La prospection à vue sur sol nu aux alentours de Band-e Amir doit donc se faire obligatoirement de manière fine en parcourant les champs et ne peut être orientée sur la découverte de tepes, qui ont été arasés par la succession des labours mécanisés.

Figure 6‑5 : Localisation des différents secteurs prospectés aux alentours de Band-e Amir
Figure 6‑5 : Localisation des différents secteurs prospectés aux alentours de Band-e Amir

Dans le cadre de notre travail dans la plaine de Persépolis, une prospection exhaustive de l’intégralité des parcelles autour de Band-e Amir ne pouvait pas être envisagée. Les différents sites achéménides étant situés par les différents archéologues entre 1 et 2 km du village actuel, les surfaces à couvrir dans le cas d’une démarche systématique auraient été de plusieurs km². Nous avons ciblé nos prospections sur trois secteurs autour de Band-e Amir (Fig. 6-5). Un premier de trois kilomètres de long et de 50 à 100 m de large, regroupe plusieurs champs situés sur la rive droite du Kur, le long d’un axe nord-ouest/sud-est. Le second est situé au sud du barrage, toujours sur la rive droite, il mesure un peu plus de 2 km de long et entre 50 et 200 m de large, suivant un axe nord/sud. Les prospections à l’est de Band-e Amir se sont concentrées sur 7 champs situés aux limites des faubourgs du village s’étendant de part et d’autre d’un axe est/ouest de 1 km de long. En procédant de la sorte, nous obtenions des informations de manière rayonnante le long de bandes où les prospections ont été faites de manière systématique1561. Si la couverture très partielle des terrains autour de Band-e Amir laissait peu de chance de retrouver les sites architecturaux achéménides, cet échantillonnage devait permettre de détecter des indices d’occupation ancienne plus diffus, sous la forme de tessons de céramique disséminés dans les champs, ou au contraire de retrouver les vestiges de la présence d’un éventuel village concentré sur une vaste surface.

Parallèlement, lors de visites à l’ouest de Band-e Amir, des habitants nous avaient informés de la présence d’un grand tepe, aujourd’hui disparu, au sud du village de Abbas Ali, situé à 5 km au sud-ouest de Band-e Amir (Fig. 6-5). Ce site n’est pas enregistré dans le Gazetteer. Le vaste vallon, abritant le village de Abbas Ali, présente de nombreuses sources pérennes qui ont pu favoriser les occupations anciennes : il nous paraissait donc intéressant de mettre en place des prospections systématiques dans les champs de ce secteur un peu éloigné de Band-e Amir. Le secteur de Abbas Ali présente de plus un paysage assez différent de celui de Band-e Amir. Vers l’est, les champs sont irrigués via diverses branches du réseau d’irrigation de Band-e Amir. Vers l’ouest, en direction du piedmont du Kuh-e Zarqan, les terrains s’élèvent progressivement : l’irrigation est alors progressivement assurée par des pompages dans la nappe phréatique ou par de l’eau provenant des sources situées sur les versants du Kuh-e Zarqan. Les champs présentant une légère pente vers l’est, il s’agit de terrains bien drainés, ce qui permet d’éviter les phénomènes de salinisation, fréquents sur les parcelles en contrebas. Ces prospections permettaient de plus d’étendre notre connaissance de l’occupation ancienne dans la partie sud-ouest de la plaine, sur un secteur plus vaste que les seuls environs de Band-e Amir. Enfin elles avaient une valeur purement méthodologique, qui était de tester la capacité de tenter de retrouver les limites d’une occupation ancienne dont les vestiges ont été nivelés par les travaux agricoles. Nos prospections se sont concentrées sur une bande de terrain de 1,3 km et 500 m de large située au pied d’une des sources évoquées précédemment. Près de cette source a été construit un petit sanctuaire musulman fréquenté par la population de Abbas Ali, essentiellement constituée de nomades Qashqai sédentarisés.

Notes
1559.

Kortum 1976 : Abb.14 en donne un aperçu dans les environs immédiats du village.

1560.

Sumner 1986a : 10

1561.

Cf. § 3.2.4