6.2.2.3.3. Résultat des prospections autour de Band-e Amir

Les prospections en ligne dans les champs situés autour de Band-e Amir n’ont permis de repérer que quelques tessons épars. Les concentrations de tessons, sur l’ensemble des parcelles prospectées, ont été considérées comme nulles (Fig. 6-6). Cette observation englobe des champs dans lesquels effectivement aucun tesson n’a pu être retrouvé et ceux où moins d’une dizaine de tessons ont été repérés, disséminés sur l’ensemble de la surface. La présence de ces tessons très épars ne permet en aucun cas de caractériser précisément une occupation ancienne. Elle peut être due à de multiples facteurs : parmi lesquels on peut citer l’épandage de fumier qui peut contenir des tessons, des phénomènes morphologiques ou encore l’apport de céramique depuis les versants des reliefs ou lors des crues de la rivière ; des tessons de céramiques sont également régulièrement utilisés pour remblayer des chemins autour des champs ; enfin il peut tout simplement s’agir de poteries cassées et abandonnées par les paysans travaillant dans les champs.

Figure 6‑6 : Concentrations de céramiques dans les champs autour de Band-e Amir
Figure 6‑6 : Concentrations de céramiques dans les champs autour de Band-e Amir Pour une estimation des valeurs de concentration de tesson pour chaque code, cf. § 3.2.4

Un seul champ, à la limite sud du village de Band- Amir, présente une concentration significative de tessons (Fig. 6-6), essentiellement dans la partie nord de la parcelle. Les parcelles prospectées voisines à l’est contiennent également quelques tessons le long de leur limite nord. Les tessons repérés sont de type islamique, plusieurs présentent des décors en relief de type Istakhr, qui indique une occupation islamique ancienne. La présence de ces tessons à proximité du village actuel peut s’expliquer par l’existence d’anciens faubourgs aujourd’hui disparus. Au cours de périodes plus récentes, Band-e Amir semble toutefois s’être plutôt développé vers l’ouest, le long des piedmonts du Kuh-e Zarqan, que vers le sud.

Les prospections à l’est de Band-e Amir ont permis de faire quelques remarques intéressantes sur l’occupation ancienne de la région, elles peuvent apporter une amorce d’explication à l’absence de tessons dans les champs. Dans le talus de curage d’un grand fossé d’irrigation1563, qui constitue la limite nord d’un des champs prospectés, nous avons repéré une forte concentration de tessons de type Kaftari (2200-1600 av.J.-C.) (Fig. 6-6). Plusieurs tessons diagnostiques ont été retrouvés, caractérisés par une pâte rouge, une surface lissée, illustrés par un ensemble de formes ouvertes, carénées, à bord recourbé. Les prospections dans les champs aux alentours de ce point, que ce soit au sud ou au nord du fossé, n’ont pas permis de détecter en surface de céramique Kaftari. Les tessons doivent donc provenir très exactement des sédiments déposés lors de curages récents pratiqués dans le canal. Récemment, ce canal a été bétonné dans le cadre de travaux de modernisation du réseau d’irrigation, associé à une rénovation du barrage de Band-e Amir. Le talus a donc pu être formé lors de travaux de terrassement liés au chemisage du canal. La profondeur du canal est proche de 2 m, il est dont probable que les tessons de céramique Kaftari proviennent d’un niveau d’occupation situé entre la surface et cette profondeur. Les poteries étant présentes plutôt dans les sédiments déposés au sommet du talus, il est très probable qu’elles proviennent des couches les plus profondes. Outre la découverte d’une occupation Kaftari à proximité de Band-e Amir, cette découverte impose également quelques constations sur la géomorphologie récente de cette région particulière. Si les niveaux d’occupation Kaftari sont bien situés à une profondeur de 2 m, cela signifie que les terrains ont connu une élévation, et donc une sédimentation, importante depuis le IIe millénaire. Ce phénomène est assez inédit dans la plaine de Persépolis, où les dynamiques de déposition sédimentaire dans le bassin sont très faibles depuis les périodes préhistoriques : pour s’en convaincre il suffit de noter que beaucoup de tepes présentant une occupation néolithique ou chalcolithique n’ont pas été recouverts depuis leur abandon. Le recouvrement de cette occupation Kaftari, à l’est de Band-e Amir, sous plus de 2 m de sédiments pourrait s’expliquer par l’intensité de l’exploitation agricole qui, depuis plus de 1000 ans, respecte un parcellaire presque inchangé.

Comme nous avons pu l’observer à maintes reprises dans cette région et cela nous a également été confirmé par plusieurs agriculteurs : les sédiments provenant des curages des canaux sont régulièrement étalés sur les champs. Il est donc possible que cette pratique, répétée sur une très longue période de temps, ait induit une élévation progressive du niveau de la plaine. L’apport régulier de sédiments a donc recouvert les couches d’occupation plus anciennes. Cette hypothèse pourrait expliquer notre difficulté à retrouver des céramiques anciennes dans les champs. La terre provenant des curages est généralement stérile d’un point de vue archéologique ; sauf si des couches archéologiques sont atteintes, leur épandage pourrait donc masquer les possibles concentrations de tessons dans les champs. A ce sujet il serait intéressant de préciser les circonstances des découvertes des différents éléments d’architecture achéménide autour de Band-e Amir et de savoir s’ils ont été retrouvés lors de creusements ou de curages de canaux.

Le paysage actuel autour de Band-e Amir a été mis en place et entretenu depuis la période bouyide ; les traces d’organisations préislamiques, qu’elles soient Kaftari ou achéménides, ont donc été recouvertes du fait de plus de 1000 ans d’exploitation agricole intensive et d’entretien des réseaux d’irrigation. Ce système d’irrigation a permis l’irrigation, un bon drainage et une bonification des sols naturellement chargés en sel. Cette continuité est unique dans la plaine de Persépolis où la plupart des paysages ont été complètement remodelés récemment, faisant disparaître le parcellaire traditionnel. Ces phénomènes géomorphologiques d’exhaussements possibles du sol de la plaine paraîtraient donc caractéristiques de la région de Band-e Amir.

Notes
1562.

Pour une estimation des valeurs de concentration de tesson pour chaque code, cf. § 3.2.4

1563.

Coordonnées UTM 39R : 679722 m ; 3295607 m