6.2.4. Les carrières

6.2.4.1. Prospections des carrières

  • KR0323 : J ; Ach. S/UTM 39 R E 655671 m ; 3308388 m

Cette carrière se situe au nord du piedmont occidental du Kuh-e Gondashlu (Pl. 2), à l’ouest du village de Zereshk. Sa localisation est sensiblement plus au nord que ce qu’indique Sumner sur sa carte de situation des sites achéménides (Pl. 42 à comparée avec Pl. 43). Le secteur est d’abord marqué par la présence de nombreux front de tailles modernes. L’ensemble du massif du Kuh-e Gondashlu connaît une importante exploitation moderne. Le substrat rocheux, bien que recouvert à l’état naturel d’une patine grise créée par l’exposition à l’air libre, révèle une fois taillée une pierre très blanche mais très fracturée. Malgré une mauvaise qualité de la roche, elle est exploitée pour sa couleur, qui se différencie du calcaire gris majoritaire dans les massifs de la plaine de Persépolis ou du calcaire marneux, de couleur noire, que l’on retrouve dans la carrière de Madjabad.

Le long de la limite sud de ces fronts de taille moderne, des traces d’exploitations plus anciennes subsistent (Fig. 6-20). Elles se matérialisent par l’existence de plusieurs tranchées de taille, peu profondes, qui délimitent des blocs, non extraits, de dimensions très diverses. Deux blocs de 2 m par 1 m ont été dégagés sur 30 cm d’épaisseur, posés de champ mais laissés sur place. D’autres blocs en cours de dégagement présentent des dimensions beaucoup plus importantes, 10 m par 2 m pour le plus grand. La plupart des traces d’exploitation montre un état préparatoire du travail d’extraction qui a rapidement été abandonné. Les carriers ont dû chercher à exploiter cette pierre de couleur blanche et ont donc effectué des tests d’extraction qu’ils ont abandonnés. Les abandons de carrières peuvent être expliqués de multiples façons (problème financier ou guerre par exemple) mais dans le cas présent, il est possible que la piètre qualité de la pierre, très fissurée, explique le caractère limité de l’extraction1679. Cette hypothèse est toutefois à nuancer, car seule une partie des vestiges d’extraction a survécu aux exploitations modernes. Plusieurs des blocs anciens, entourés d’enjarrots, présentent en effet des destructions partielles à la barre à mine. Les carrières modernes ont donc peut-être provoqué la disparition de vestiges de carrières et de fronts de taille plus importants qui auraient été exploités plus intensément et produire des blocs. Il semble enfin que l’extension des carrières modernes se soit poursuivie depuis notre dernière mission au printemps 2008 et qu’elle ait continué à endommager les vestiges d’extraction ancienne1680.

Figure 6‑20 : Carrières au nord du Kuh-e Gondashlu, vue d’ensemble vers l’ouest, traces d’exploitation ancienne en partie détruites par des extractions modernes
Figure 6‑20 : Carrières au nord du Kuh-e Gondashlu, vue d’ensemble vers l’ouest, traces d’exploitation ancienne en partie détruites par des extractions modernes (cliché SG, printemps 2006)
  • KR0376 - Madjabad : J ; Ach D/UTM 39R E 661158 m ; N 3310452 m

La carrière se situe sur les piedmonts occidentaux du massif du Kuh-e Sabz, au sud du village de Madjabad. Elle présente plusieurs fronts de taille, pour certains mesurant une dizaine de mètres de hauteur, répartis sur une centaine de mètres de longueur et creusés dans des affleurements de roche calcaire marneuse de couleur sombre, presque noire. La technique d’extraction est la même que celle que l’on a observée dans plusieurs carrières ou zones d’extraction de la plaine : les blocs sont débités en creusant d’étroites tranchées puis extraits avec des coins. Au pied de la zone d’extraction, dans le cône d’éboulis formé par les déchets de taille, plusieurs ébauches de blocs architecturaux ont été abandonnées1681, ainsi que des blocs équarris. Les ébauches correspondent à divers éléments de colonnade, bases et peut-être chapiteaux. Des traces d’extraction moderne ont été repérées dans les affleurements situés en contrebas des fronts de tailles anciens.

Figure 6‑21 : Madjabad, vue d’ensemble vers le nord-est des fronts de taille anciens, au pied les blocs présentant des cassures fraîches témoignent des extractions modernes (cliché SG, printemps 2005)
Figure 6‑21 : Madjabad, vue d’ensemble vers le nord-est des fronts de taille anciens, au pied les blocs présentant des cassures fraîches témoignent des extractions modernes (cliché SG, printemps 2005)

La carrière de Madjabad demanderait une étude technique précise ainsi que des analyses pétrographiques de manière à déterminer la destination de la pierre extraite. Il ne fait toutefois que peu de doutes qu’une grande partie des blocs débités étaient destinés au chantier de construction de Persépolis1682, par exemple pour les bas-reliefs de l’Apadana, et peut-être pour les bases de colonnes de Pasargades1683.

  • KR0864 : J ; Ach. D/UTM 39R : E 638435 m ; N 3329597 m

Un dessin de cette carrière a été publié par K. Bergner1684. D’après lui, il s’agirait d’une grande carrière achéménide. Ce point correspond en fait à un front de taille de dimensions assez modestes, creusé dans des affleurements rocheux du petit massif situé à l’est du village de Banesh (Pl. 11). Sur une surface de 10 m par 15 m, un entrecroisement d’enjarrots perpendiculaires, de 40 cm de largeur, creusés sur près de 1 m d’épaisseur a permis de dégager 6 gros blocs. L’exploitation s’est arrêtée avant leur extraction finale. La base des blocs ne porte pas de traces de séries d’emboîtures de coins ou de rainures qui indiqueraient que le dégagement était entamé. Autour de ce front de taille, aucune autre trace d’extraction n’a pu être relevée. Etant donné que cet endroit n’a apparemment fourni aucun bloc, ce point ne correspond donc pas à proprement parler à une carrière mais plutôt à une tentative d’extraction avortée pour une raison indéterminée. Les tranchées d’extraction étant profondes, ce front de taille ne correspond probablement pas à un simple test de qualité de la roche. Si la roche avait été de médiocre qualité, les carriers auraient probablement arrêté leur travail bien avant.

Figure 6‑22 : Front de taille à l’ouest de Banesh, prise de vue vers le sud-ouest
Figure 6‑22 : Front de taille à l’ouest de Banesh, prise de vue vers le sud-ouest (cliché SG, printemps 2005)

Sur la carte de synthèse de localisation des sites achéménides dans la plaine de Persépolis (Pl. 42), W. Sumner relève également la présence de deux carrières, l’une au nord dans le massif de Kuh-e Korony, l’autre au nord du massif du Kuh-e Hussein. Nous n’avons pas visité la première du fait des difficultés d’accès liées aux aménagements récents du barrage de Dorudzan. W. Sumner suggère que le secteur a servi à fournir en pierre les chantiers de constructions d’une digue en pierre achéménide fouillée par M.B. Nicol1685. Pour la seconde, W. Sumner décrit succinctement la présence de fronts de taille1686. Nous ne l’avons pas retrouvée malgré des prospections systématiques effectuées le long du piedmont au nord-ouest du Kuh-e Hussein.

Notes
1679.

J.C. Bessac, communication personnelle

1680.

Voir une dépêche de l’agence de presse du ministère iranien de la culture (CHN news) intitulée : « Students Confirm Destruction of Achaemenid Era Gondashlu Stone Quarry » disponible à l’adresse suivante http://www.chnpress.com/news/?section=2&id=9307

1681.

Calmeyer 1990b : Taf.34.2 et Farbtafel b publie deux photographies de ces blocs.

1682.

Tilia 1978 : 75-78 et fig.27-29 ; Calmeyer 1990 : 186

1683.

Tilia 1978 : 68-69 ; Calmeyer 1990 : 186, toutefois la distance entre Madjabad et Pasargades, plus de 40 km,  rend à leurs yeux l’hypothèse moins probable. Il semble néanmoins que les bâtisseurs achéménides maîtrisaient suffisamment bien le transport des blocs de pierre pour l’envisager, cf. § 5.6.4.2 les observations effectuées sur des carrières le long du Kuh-e Hussein

1684.

Bergner 1937 : 3 et 3-Abb.2 pour le relevé.

1685.

Sumner 1986a : 14

1686.

ibid. : 13