6.2.5. Les infrastructures : ouvrages hydrauliques et routes

6.2.5.1. Les ouvrages hydrauliques

Dans le Gazetteer, les vestiges d’aménagements hydrauliques datés de la période achéménide correspondent à deux entrées du catalogue. Il s’agit respectivement de KR1022-Band-e Dokhtar (aussi appelé Sang-e Dokhtar) et KR1013-Bard Burideh II (Pl. 42). Ils sont tous deux indiqués sur la carte de l’occupation achéménide avec le symbole utilisé pour les sites présentant des restes d’architecture achéménides en pierre.

W. Sumner consacre un long développement aux travaux d’irrigation de la plaine entrepris à l’époque achéménide1692. Il considère que les constructions de Band-e Dokhtar et de Bard Burideh II correspondent toutes deux à des prises d’eau dans le Kur qui alimentent deux grands réseaux de canaux de conception achéménide (Pl. 42 et 45):

- En rive gauche, le canal qui est alimenté par la prise d’eau de Band-e Dokhtar1693, a laissé des vestiges qui peuvent être suivis sur près de 50 km. Il s’agit de larges fossés, de supposés aqueducs1694 ou encore de terrassements, des digues, longeant le Kuh-e Hussein et permettant de guider l’eau le long du piedmont. L’exutoire de ce canal correspondrait à un vaste réservoir situé au nord du massif du Kuh-e Qaleh formé de longues digues1695. D’après W. Sumner, ce réservoir servirait à alimenter quatre domaines royaux 1696 disséminés dans la partie de la plaine en aval, délimitée au sud par le Pulvar, à l’ouest par le Kur et à l’est par le massif du Kuh-e Hussein. Dans cette région de la plaine, la carte de l’occupation achéménide ne montre l’existence que d’un seul site d’habitation, KR0684-Tol-e Kamin1697. La présence de domaines royaux est supposée à partir des textes des fortifications1698.

- En rive droite du Kur, Bard Burideh II serait pour W. Sumner une seconde prise d’eau1699 qui servirait à alimenter un réseau de canaux qui serait l’ancêtre de celui de datation islamique, appelé « Soon canal irrigation system » 1700 , qui permettait d’alimenter les vastes étendues de la plaine de Ramjerd1701. Cette démonstration se base également sur le fait que près d’un tiers des sites achéménides de la plaine se situent dans ce même secteur.

Mise à part les vestiges qui se rapportent à ces deux grands réseaux, W. Sumner liste les autres aménagements repérés dans la plaine qui pourraient correspondre à des constructions hydrauliques anciennes liées à des réseaux secondaires ou pré-achéménides : des levées de terre entre le Kur et le Kuh-e Hussein, au nord du Kuh-e Istakhr, se prolongeant plus au sud par un canal (Pl. 42 – notée N), une digue à l’ouest de Band-e Amir, un talus le long du piedmont sud-est du Kuh-e Lapui ou encore un aménagement énigmatique composé de deux longs canaux perpendiculaires situé au nord de Band-e Amir (Pl. 42 – notée X). Il note toutefois au cours de son analyse que la datation précise des ces aménagements hydrauliques est délicate1702.

Aujourd’hui, une grande partie des vestiges d’aménagements hydrauliques évoqués par W. Sumner a disparu du fait des profonds remembrements qu’a récemment connu la plaine de Persépolis1703. Les vestiges de Bard Burideh II ont probablement disparu lors de la construction des bâtiments administratifs du barrage de Dorudzan. La prise d’eau de Band-e Dokhtar a été démontée et déplacée de 2,5 km en aval de son emplacement d’origine de façon à préserver les vestiges de la montée des eaux du réservoir de Dorudzan1704. Les vestiges du tracé du canal en rive gauche du Kur ont complètement disparu du fait de la mise en place du nouveau réseau d’irrigation. La plupart des autres aménagements n’ont également pas été retrouvés au cours de nos prospections. Seule la digue formant la limite sud-ouest du vaste réservoir N et plus au nord les digues longeant le Kur au nord du Kuh-e Istakhr ont subsisté.

T. De Schacht, dans le cadre de notre mission, a entrepris des recherches de terrain sur les différents éléments préservés, incluant relevés topographiques des digues, mesures de profils, carottages sédimentaires et datations des sédiments constitutifs des diverses digues, de manière obtenir des précisions sur la chronologie et la fonction précise de ces divers aménagements1705. Par exemple, l’interprétation du secteur N comme un vaste réservoir paraît assez difficile à restituer. D’une part, sa surface de 4 km² et sa faible profondeur conduiraient à une trop forte évaporation et une perte d’eau considérable. D’autre part, les résultats préliminaires des études menées par T. De Schacht montrent, par l’absence de dépôts alluviaux caractéristiques, que cet espace n’a jamais été recouvert d’eau. De manière à pallier aux transformations récentes du paysage, qui masquent les vestiges hydrauliques plus anciens, T. De Schacht mène en parallèle une étude de télédétection basée sur l’étude des images satellites CORONA prises avant la mise en eau du barrage de Dorudzan et avant le remembrement de la plaine. Ces images satellites permettent d’étudier le paysage et les réseaux d’irrigation existants avant les années 1970. A partir de ces images, il est également possible d’étudier les traces visibles des réseaux hydrauliques anciens, par exemple les digues publiées par W. Sumner aujourd’hui en grande partie disparues, ou encore le tracés d’anciens canaux comblés. La définition plus précise du tracé des réseaux d’irrigation (Pl. 43) ainsi qu’une meilleure datation des différents vestiges hydrauliques est un élément déterminant de la réévaluation de l’occupation achéménide de la plaine car ils dessinent le canevas de l’aménagement du territoire.

Notes
1692.

Sumner 1986a : 13-17

1693.

Bergner 1937 : 1, Tafel IV ; Nicol 1970 : 249-265

1694.

Cf. § 6.2.3.5.2, Sumner 1986a : 13 pense également avoir repéré un second aqueduc permettant au canal de franchir le Main.

1695.

Désigné par la lettre N sur le plan d’ensemble Sumner 1986a : 7-Ill.3 (Pl. 42), tel qu’il est restitué sur le plan de synthèse et qui apparaît sur les cartes anciennes au 1:5000, nous estimons la surface de ce réservoir à plus de 6 km².

1696.

Cf. § 6.4.1.3.2

1697.

Cf. § 6.2.3.2.2

1698.

Sumner 1986a : 27

1699.

Bergner 1937 : 2-3, Tafel V-VII restitue un réservoir mais son schéma de restitution ne montre aucune possibilité de capter l’eau de la rivière ; Nicol 1970 : 269-278 a publié les fouilles d’urgence effectuées à Bar Burideh II et estime que cet aménagement correspond à une route surélevée pour être protégée des inondations, précédée d’un pont sur le Kur, cf.§ 6.2.5.2.

1700.

Sumner 1986a : 16

1701.

ibid : 16, 16-n.6

1702.

Sumner 1986a : 16

1703.

Cf. § 2.6.3

1704.

Tilia 1978 : 89-90, travail qui a permis à l’équipe italienne de confirmer la datation achéménide de cette construction.

1705.

Une carte synthétique présentant les premiers résultats des travaux de T. De Schacht a été incluse au volume de planches : planche 43. Il s’agit d’un document préliminaire issu de ses recherches en cours.