6.2.5.2. Les routes

W. Sumner termine sa présentation des données archéologiques de la plaine de Persépolis sur les quelques vestiges qui pourraient correspondre à l’ancienne route royale reliant Pasargades et Persépolis à Suse1706.

Parmi les observations qu’il a lui-même effectuées au cours de ses prospections, il évoque la présence d’un alignement de blocs le long du piedmont ouest du Kuh-e Qaleh. Il s’agit du point KR0744, situé à proximité du site M. Nous avons suggéré que ces alignements devaient plutôt correspondre à un canal captant l’eau d’une source sur les piedmonts du Kuh-e Qaleh1707.

Ensuite, il reprend les données publiées par W. Kleiss et en particulier l’hypothèse de considérer les aménagements rupestres au pied du site KR0960-Madakeh comme un segment de la route royale. Au cours du chapitre consacré à nos visites sur les sites publiés par W. Kleiss le long du Kuh-e Hussein1708, nous avons vu que cette hypothèse nous paraît très improbable. L’existence des deux hypothétiques relais routiers n’a pas été confirmée par nos visites1709.

Parmi les données prises en compte dans la partie dédiée à l’étude de la route royale, deux vestiges correspondent cependant à des restes attestés de route. Le premier a été retrouvé par M.B. Nicol au cours des fouilles qu’il a menées sur le site Tol-e Shahrak (KR0990 dans le Gazetteer) dans la continuité des fouilles d’urgence des aménagements hydrauliques du Tang-e Dorudzan1710. Elles ont été entreprises car ce tepe se trouvait à côté du tracé supposé des vestiges du canal, qui partait de Band-e Dokhtar, repérés par M.B. Nicol au cours d’une prospection aérienne1711. Une tranchée de 11 m de long a été ouverte. Elle recoupe le tracé du canal et une partie du tepe situé à quelques mètres au nord. Sur le tepe, ce sondage a mis au jour les vestiges d’une occupation récente datée du début du XXe s. ap. J.-C. Au sud, les différentes lignes correspondraient respectivement à un canal d’irrigation, considéré comme trop étroit pour concorder avec les vestiges du canal venant de Band-e Dokhtar, et à une section de route pavée. Les fouilles n’ont pas permis d’attester, de manière certaine, une datation achéménide de cette portion de route. M.B. Nicol avance l’hypothèse d’une comparaison des techniques de construction de la route avec celles employées à Bard Burideh II1712. Etant donné la nature très différente des deux vestiges considérés, cette datation paraît incertaine.

Le second vestige associé à la présence d’une route a également été retrouvé dans les fouilles entreprises par M.B. Nicol. Dans les sondages ouverts au sud-ouest de la structure construite en pierre sèche de Bard Burideh II, le niveau stratigraphique correspondant a priori à la couche d’occupation achéménide a révélé d’importantes concentrations de bois calcinés. Pour M.B. Nicol, il s’agit là des restes d’un pont en bois qui a brûlé et qui prolongeait la digue en pierre vers le sud-ouest et le lit de la rivière Kur1713. Le Tang-e Dorudzan représente une voie naturelle de circulation où a effectivement pu passer la route reliant Persépolis à Suse. Si, comme le suppose M.B. Nicol, la route en provenance du nord-ouest longe la rive droite du Kur, il est vrai qu’elle doit nécessairement traverser la rivière, car le passage entre les reliefs et le Kur, à 8 km au sud-est de Bard Burideh II, est trop étroit. Toutefois rien ne prouve qu’elle passe forcément par Bard Burideh II, et il peut exister de nombreux autres points de passage. En outre, il est possible que la route ait pu se situer sur la rive gauche du Kur bien avant d’atteindre la plaine de Persépolis. Comme le suggère W. Sumner, Bard Burideh II doit d’abord être vue comme une prise d’eau qui a pu servir de pont. Ce pont a pu permettre à une route de passer la rivière mais aussi correspondre à une simple passerelle permettant d’accéder à Bard Burideh II.

Il faut donc probablement considérer que l’archéologie n’a pas permis de révéler, jusqu’à présent, de portion attestée de la route royale achéménide, dont l’existence est par ailleurs connue par les archives des fortifications1714. L’étude de télédétection, menée par T. De Schacht, pourrait apporter des éléments de réflexion supplémentaires. Si des traces de cette route existent, il serait possible de les repérer sur les images satellites et de les relier aux quelques sections possibles évoquées précédemment. Un autre aspect à ne pas négliger est l’étude du réseau viaire actuel, dont le tracé peut reprendre, en partie, celui de routes anciennes. Cette étude pourrait être couplée à une approche historique des routes anciennes se basant sur l’examen des textes des géographes ou des cartes anciennes.

Dans la plaine de Persépolis, l’emplacement des différentes carrières, où une exploitation d’époque achéménide est attestée, pourrait également constituer les premiers jalons d’un réseau de routes nécessairement larges et bien construites pour permettre la circulation de chariots lourdement chargés de blocs de pierre. Ainsi une route importante pourrait longer le Kuh-e Hussein, à l’est de Naqsh-e Rustam, une seconde traverser la plaine entre le massif du Kuh-e Sabz et Persépolis depuis Madjabad, une dernière longer les piedmonts du Kuh-e Rahmat au nord de la terrasse de Persépolis.

Notes
1706.

Sumner 1986a : 17

1707.

Cf. § 6.2.2.1

1708.

Kleiss 1981

1709.

Cf. § 6.2.3.5.4

1710.

Nicol 1970 : 278-283

1711.

ibid : 281

1712.

ibid : 278

1713.

Nicol 1970 : 276

1714.

Nous serions donc plus prudents que Sumner 1986a : 28 qui considère qu’il existe des preuves archéologiques de l’existence de la route. Sur le réseau routier dans l’empire achéménide, cf. Briant 1996 : 369-398 ; Henkelman 2008 : 114-115