6.2.6. Prospections magnétiques à Tol-e Gap et à Dawlatabad

6.2.6.1. Le choix des sites

Un des objectifs de nos prospections dans la plaine de Persépolis était de procéder à des prospections géophysiques sur plusieurs sites archéologiques de manière à obtenir des informations plus précises sur l’organisation spatiale des sites.

Dans la zone d’occupation de Persépolis, nous avons vu que les résultats des différentes prospections géophysiques n’avaient pas permis de détecter le plan d’organisation des constructions, certainement du fait de leur possible destruction par les activités agricoles modernes. Dans la plaine, il était possible de supposer que des prospections, sur des sites encore préservés, pourraient apporter des informations concernant les plans d’organisation des sites à occupation achéménide. Il était également possible d’imaginer que les techniques de constructions et les plans d’organisation soient différents entre la ville de Persépolis, présentant de nombreuses constructions royales et/ou aristocratiques, et les implantations rurales de la plaine.

Mise à part à Tol-e Malyan1715, il n’existe à notre connaissance aucune prospection géophysique entreprise au-delà de la zone d’occupation de Persépolis et donc pas d’exemple de résultat obtenu sur un tepe dans la plaine, quelle que soit sa période d’occupation. Les tepes sont formés par l’érosion des constructions en brique crue. Les structures préservées peuvent de ce fait se révéler difficile à détecter avec les méthodes géophysiques car elles ne présentent que peu de différences avec le sédiment du tepe. Les tepes sont de plus situés dans un environnement actuel peu propice à la préservation des vestiges, marqué par une agriculture irriguée, intensive et mécanisée. Ainsi, il se posait a priori la question de la possibilité de détecter, sur ces sites, des vestiges archéologiques par l’intermédiaire des méthodes géophysiques.

Pour que les résultats de ces prospections soient représentatifs, le choix des sites devait se faire de manière à couvrir, si possible, l’ensemble des catégories de site mises en place par W. Sumner. L’objectif était donc de prospecter une petite ville, une implantation plus petite correspondant à un tepe ou à un site présentant des vestiges architecturaux en pierre. Au sein de cette classification, nous avions pris soin de distinguer, lors de nos prospections, les sites sur lesquels la période achéménide représentait la seule ou la dernière phase d’occupation du site, de ceux où la période achéménide ne représentait qu’une des phases intermédiaires d’occupation. Si ces précisions ont une importance pour l’interprétation des dynamiques d’occupation, elles en ont également pour la prospection géophysique. Les méthodes géophysiques, et en particulier la prospection magnétique, ne permettent généralement que de détecter les vestiges du dernier niveau d’occupation1716. Les sites multipériodes, où la phase d’occupation finale est postérieure à l’achéménide, ont donc été écartés. En outre, pour le choix des sites à prospecter, nous n’avons pas pris en compte ceux où nous n’avons pas pu retrouver, à la différence de W. Sumner, des concentrations de céramiques achéménide/LPW1717. Pour la plupart, il s’agit de grand tepes qui ont été fouillés, certains à plusieurs reprises. Les niveaux archéologiques ont donc été largement perturbés ce qui risque de diminuer la qualité des prospections géophysiques. Certains, comme Tol-e Shoga ou Tol-e Kamin, offrent toutefois de vastes surfaces préservées sur lesquelles il pourrait être intéressant de mener, à terme, des prospections géophysiques. Toutefois dans le cadre de notre étude, il aurait été impossible de statuer sur la datation achéménide des éventuels plans d’organisation détectés avec la géophysique en l’absence de toute information sur les répartitions, en surface, de céramiques achéménide/LPW. A l’intérieur du corpus résultant des prospections de W. Sumner, le nombre de sites obéissant à ces critères se trouve d’emblée restreint à 19. Parmi ce nombre limité de sites, la plupart ont été détruits depuis la fin des années 19601718.

Concernant les villes, les sites KR0387-site M1719 et KR0697-site R1720 (Pl. 43) ont été entièrement nivelés. Le cas de Band-e Amir est un peu différent puisqu’ici les vestiges achéménides n’étaient pas précisément localisés et que nous n’avons pas été en mesure d’en retrouver la trace malgré des prospections systématiques dans les champs aux alentours du village actuel1721. En définitive, la prospection d’une petite ville achéménide s’est donc révélée impossible alors qu’il aurait été intéressant d’obtenir le plan d’organisation d’un des ces possibles centres administratifs locaux, situés en dehors de la zone d’occupation de Persépolis.

Pour les sites plus petits, correspondant à des villages ou des hameaux selon W. Sumner, ceux pour lesquels l’achéménide correspond à la seule période d’occupation ont presque tous été détruits. Sur les cinq sites de ce type un seul était encore préservé, deux ont été détruits et deux autres n’ont pas pu être visité mais ont probablement disparu1722. Le seul site préservé était de petite taille, environ 0,5 ha, en partie cultivé et nous n’avons pas pu repérer de céramiques diagnostiques de catégorie achéménide/LPW.

Pour effectuer les tests de prospection géophysique, il ne restait donc plus que l’étude des sites multipériodes où la phase terminale d’occupation correspond à l’achéménide selon W. Sumner. Sur les 10 sites de ce type, seuls 4 ont été préservés1723. Ces quatre tepes correspondent à de grands sites multipériodes où des concentrations de céramique achéménide/LPW n’ont pas pu être retrouvées. Nous avons donc dû nous reporter sur des sites où des occupations postérieures à l’achéménide ont été enregistrées.

Nos prospections sur deux de ces sites nous ont toutefois permis d’observer que la période islamique n’était caractérisée que par la présence de quelques céramiques islamiques éparses. Nous en avons donc conclu que les réoccupations avaient pu être très limitées. Le site de Tol-e Gap (KR0823, Pl. 43), situé au nord du massif du Kuh-e Ayyub, a révélé la présence de tessons néolithiques, Bakun et achéménide/LPW, puis pour les périodes plus tardives quelques tessons de céramique islamique. Nous l’avons donc considéré a priori comme un site où la dernière phase d’occupation principale du site correspond à l’achéménide. Le second site, Dawlatabad (KR0263-Pl. 43), a révélé la présence d’une vaste concentration de tessons achéménide/LPW, la période islamique ne se signalant que par la présence de quelques rares tessons. La principale période d’occupation importante de ce site, et en tout cas celle de sa fondation, correspond donc probablement à l’achéménide. Ces deux sites pourraient, d’après les seules informations obtenues par l’étude de la céramique de surface, s’apparenter à un site multipériode à occupation finale achéménide et un site occupé uniquement à la période achéménide. Nous avons donc décidé de mettre en œuvre des prospections magnétiques sur ces deux sites, les résultats obtenus pouvant a priori être liés à l’existence de vestiges achéménides, non recouverts par une couche d’occupation postérieure.

Notes
1715.

Alden 1978, Sumner 1988b évoque la mise en œuvre de prospections magnétiques mais elles n’ont jamais été publiées, cf. § 6.2.3.2.2

1716.

Cf. § 3.3.2.1

1717.

Cf. § 6.2.7.2

1718.

Cf. § 6.2.7.1

1719.

Cf. § 6.2.2.1

1720.

Cf. § 6.2.2.2

1721.

Cf. § 6.2.2.3

1722.

Cf. § 6.2.3.4

1723.

Cf. § 6.2.2.3