6.2.6.3.3. La prospection magnétique

Les prospections magnétiques à Dawlatabad se sont concentrées sur la partie nord-ouest de la parcelle, zone qui présentait le maximum de concentration de céramiques de type achéménide/LPW et le secteur de petits reliefs (Fig. 6-32). L’investigation géophysique du site s’est déroulée sur trois missions : la première au cours de l’automne 2005, la seconde au printemps 2007 et la dernière au printemps 2008. Cette précision a son importance car entre la première mission et la seconde, effectuée à plus d’une année d’intervalle, la parcelle a été en partie aménagée, expliquant la présence de nombreuses perturbations métalliques sur les surfaces prospectées en 2007 (Fig. 6-33). Elles sont liées à la présence des bornes topographiques implantées régulièrement le long des allées et produisent des lignes de fortes anomalies ponctuelles (Fig. 6-35-entourée en bleu). En tout, nous avons pu couvrir une surface de 5,5 ha. Une zone test a également été prospectée au nord-ouest, en-dehors de la parcelle, sur l’autre rive du canal d’irrigation qui délimite le site. Au printemps 2008, les champs étaient libres de toute culture à cet endroit et présentaient quelques céramiques en surface. Nous en avons donc profité pour prospecter une zone limitée à 0,5 ha, de manière à obtenir des informations sur une éventuelle extension des aménagements détectés sur le secteur principal d’investigation. Le terrain, pratiquement plat et dégagé, ne présentait pas d’obstacle particulier, si ce n’est en 2007 des petits talus le long des larges allées gravillonnées construites peu de temps avant nos prospections. A l’angle nord-ouest, une décharge sauvage induit la présence de déchets métalliques sur un secteur de quelques centaines de mètres carrés.

Figure 6‑32 : Dawlatabad, localisation des surfaces prospectées avec la méthode magnétique
Figure 6‑32 : Dawlatabad, localisation des surfaces prospectées avec la méthode magnétique

La carte magnétique obtenue (Fig. 6-34) présente de nombreuses anomalies correspondant à des phases successives d’occupation du site. Les perturbations modernes de surface se limitent aux fortes anomalies situées au nord-ouest de la zone prospectée et liées à la présence d’une décharge sauvage (Fig. 6-35-zone hachurée) ainsi qu’aux lignes de fortes anomalies ponctuelles à l’emplacement des bornes topographiques. L’ensemble des autres anomalies, outre quelques effets de profil d’intensité limitée et liés à des problèmes de connectiques, correspond à la présence de vestiges d’aménagements enfouis dans le proche sous-sol.

Figure 6‑33 : Dawlatabad, vue aérienne oblique, prise vers le sud-est, de la parcelle en partie aménagée avec des larges allées gravillonnées (cliché BNC, printemps 2007)
Figure 6‑33 : Dawlatabad, vue aérienne oblique, prise vers le sud-est, de la parcelle en partie aménagée avec des larges allées gravillonnées (cliché BNC, printemps 2007)
Figure 6‑34 : Dawlatabad, carte du gradient magnétique
Figure 6‑34 : Dawlatabad, carte du gradient magnétique
Figure 6‑35 : Dawlatabad, schéma d’interprétation de la carte du gradient magnétique
Figure 6‑35 : Dawlatabad, schéma d’interprétation de la carte du gradient magnétique

Le principal objectif de l’interprétation de cette carte magnétique est de déterminer, parmi les différentes anomalies détectées, celles qui correspondent à l’exploitation agricole récente de la parcelle de celles qui pourraient être liées à la présence de vestiges archéologiques. L’examen de la carte au 1:5000 levée pour la région de Dawlatabad apporte un premier élément de réponse. Lorsque l’on superpose la carte du gradient magnétique à la carte au 1:5000 levée en 1966, il apparaît que la parcelle actuelle était traversée par un canal d’irrigation aujourd’hui comblé. Son tracé correspond à la longue anomalie de direction nord-nord-ouest /sud-sud-est qui traverse la carte magnétique au niveau du tiers oriental de la surface prospectée (Fig. 6-35-ligne orange). Vers le sud, à une quarantaine de mètres de la limite de la prospection, une forte anomalie (amplitude comprise entre +/- 15-20 nT/m) vient se superposer au tracé de ce canal. A ce même endroit, le tracé d’un second canal, qui traverse la zone prospectée vers l’ouest depuis l’angle est, croise celui du canal précédemment décrit. De ce point rayonnent également plusieurs anomalies rectilignes, probablement d’autres canaux. Cette forte anomalie doit donc correspondre à un aménagement lié à l’irrigation des champs alentours. Il pourrait s’agir d’un ancien système de vannes installées sur le grand canal destiné à divertir l’eau dans les canaux secondaires rayonnants. La présence d’une ancienne pompe diesel nous a également été indiquée par un paysan. Les longues anomalies linéaires associées à cet aménagement permettent de dresser le plan du réseau d’irrigation moderne mis en place lorsque la parcelle était exploitée. A l’ouest, un ensemble d’anomalies rectilignes dessine un quadrillage de six cellules de 10 m par 10 m dont l’orientation est parallèle à l’un des canaux. Ces anomalies pourraient dessiner les contours de casiers d’irrigation et donc d’une petite parcelle agricole.

La partie nord-ouest de la carte magnétique présente des anomalies qui sont de toute autre nature (Fig. 6-35-ligne rouge). Leur valeur est légèrement supérieure à 1 nT/m. Tout d’abord, elles présentent des orientations qui ne sont parallèles à aucun des canaux modernes que nous avons pu repérer. Elles peuvent donc correspondre à une autre phase d’occupation de la parcelle. L’amplitude et la forme du signal sont de plus assez différentes des anomalies liées aux aménagements modernes. Ces anomalies sont généralement assez larges, supérieures au mètre, et globalement rectilignes. Elles possèdent des orientations parallèles. Certaines sont orientées nord-ouest/sud-est et d’autres, perpendiculaires, nord-est/sud-ouest. Elles paraissent dessiner une ébauche de plan cohérent d’aménagements, peut-être les vestiges des fondations d’un ou plusieurs bâtiments. Les anomalies les plus au nord-ouest ne délimitent toutefois aucun espace fermé. Seul un groupe, plus au sud, semble former un vaste espace rectangulaire bipartite. Il mesure environ 70 m de long pour 40 m de large, une anomalie rectiligne coupe cet espace dans le sens de la largeur et le sépare en deux, l’un au nord-ouest de 40 m de long, l’autre au sud-est de 30 m. La faible valeur de gradient correspondant à ces longues anomalies tendrait à démontrer qu’il s’agit de structures en terre ou brique crue, probablement très érodées comme en témoignerait la largeur importante des anomalies.

En direction du sud-est, à l’est de l’anomalie rectiligne correspondant au large canal qui traversait la parcelle, une surface de forme carrée, de 45 m de côté, présente des plus fortes valeurs de gradient (Fig. 6-35-zone en rouge). Il est difficile de distinguer une organisation interne mais ses limites sont visibles. Son orientation est parallèle à celle des larges anomalies décrites au nord-ouest et elle pourrait appartenir au même plan d’organisation. Ce secteur se superpose de plus à la zone présentant de petits reliefs qui pourraient de fait correspondre à des petits tepes issus de l’érosion de constructions anciennes à cet emplacement.

Cet ensemble d’anomalies, concentré sur la partie nord-ouest de la zone prospectée, paraît traduire l’existence d’un plan d’organisation ancien à Dawlatabad. On distingue deux secteurs, les grandes anomalies au nord-ouest et, au sud-est, une surface aménagée de forme carrée de plus fort magnétisme. Nous sommes donc probablement en présence de vestiges de natures différentes mais appartenant à une même phase d’occupation du site. L’ensemble couvre une superficie de 1,5 ha. La carte magnétique obtenue sur les champs prospectés plus à l’est, de l’autre côté du canal actuel qui délimite le site, ne présente aucune anomalie qui pourrait être replacée dans le schéma d’ensemble décrit précédemment. Il ne semble donc pas exister d’extension vers l’est des vestiges détectés.

La partie nord-ouest du site est celle qui présente également des concentrations de céramiques achéménide/LPW, elles se superposent donc à l’ensemble des anomalies magnétiques correspondant à une phase d’occupation ancienne du site. Ces anomalies organisées seraient de ce fait à relier à la présence d’un ensemble de construction ou d’aménagement remontant à l’Achéménide. Ces vestiges sont loin de délimiter un schéma d’organisation bien défini car il est difficile de distinguer leur plan avec précision. La succession des labours a probablement en grande partie arasé les structures qui de ce fait seraient très endommagées.

Les résultats des fouilles menées par A. Assadi ne nous ont pas été communiqués dans le détail. Il semble toutefois qu’elles n’ont pas pu mettre au jour de vestiges d’architecture. Cela pourrait signifier que les anomalies ne correspondent pas à des constructions. Ces résultats pourraient aussi toutefois démontrer que l’érosion des vestiges est probablement très importante. Il ne resterait que des arases de murs, impossible à retrouver en fouille mais qui sont susceptibles de produire des anomalies magnétiques. Cette discussion reste toutefois tout à fait virtuelle tant que nous ne disposerons pas du plan d’emprise des sondages et des résultats précis de ces fouilles. D’après A.Assadi, ces fouilles ont toutefois permis de retrouver une quantité importante de céramiques achéménide/LPW, attestant donc d’une occupation de Dawlatabad à dater de l’Achéménide.

En résumé, nous proposons de faire de cet espace de 1,5 ha, au nord-ouest de la zone prospectée, un secteur d’occupation achéménide sans se prononcer précisément sur la nature et la fonction des vestiges. Si cette prospection à Dawlatabad ne permet pas une étude précise de l’organisation de l’occupation achéménide, elle permet toutefois de suggérer une surface d’occupation plus vaste que les seuls 0,6 ha enregistrés par W. Sumner dans le Gazetteer.