6.2.7.1. La préservation des sites

Au cours de nos visites de l’ensemble des sites achéménides, publiés par W. Sumner, le principal obstacle a été l’importance des destructions des sites archéologiques depuis les années 1960, constatée sur l’ensemble de la plaine (Pl. 44). Ces destructions sont liées à l’intensification de l’agriculture et au développement économique et démographique de la plaine de Persépolis1730.

Sur les 49 sites achéménides recensés par W. Sumner dans la plaine de Persépolis, en excluant les vestiges d’ouvrages hydrauliques et les carrières, 19 ont été arasés. Parmi les 30 autres, 3 n’ont pas été visités pour des problèmes d’accessibilité, il est probable que deux d’entre eux (KR0580 et KR04471731) aient été détruits. Enfin, il faut aussi prendre en compte les trois sites qui ont fourni des vestiges architecturaux achéménides mais que nous n’avons pas réussi à situer précisément car mal localisés dans les publications (KR0957, KR0873 et KR06691732). Nos reconnaissances, aux alentours de leur localisation supposée, laissent craindre que ces trois sites aient également disparu. En définitive, ce sont donc 25 sites qui ont été certainement, ou très probablement détruits, c'est-à-dire légèrement plus de 50 % du corpus disponible.

Figure 6‑36: Site KR0387-site R, vue d’ensemble vers le nord-est pris à l’ancien emplacement du tepe (cliché SG, automne 2005)
Figure 6‑36: Site KR0387-site R, vue d’ensemble vers le nord-est pris à l’ancien emplacement du tepe (cliché SG, automne 2005)

Ces destructions ont surtout affecté les tepes ; ces reliefs de terre sont en effet particulièrement vulnérables. Sur les 36 sites correspondant à ce type de morphologie (rassemblant les tepes, les groupes de tepes ou les qaleh), 20 ont été détruits, soit 55 %. Le tableau synthétique, issu des résultats de nos reconnaissances (Table 4), montre de plus que ces destructions n’ont pas concerné que les petits tepes d’un hectare ou moins, mais également des sites plus étendus comme le site KR0387-site R1733 (Fig. 6-36). Toutefois, les grands tepes ont plutôt mieux résisté, les grands sites de références que sont KR0149-Tol-e Teimuran ou encore KR0520-Tol-e Qaleh1734 ont ainsi pu profiter d’une protection par les autorités iraniennes.

Les sites présentant, d’après W. Sumner, des vestiges architecturaux ont plutôt mieux résisté. Sur 8 sites de ce type, seuls 3 ont disparu, soit moins de 40 %. Pour cinq d’entre eux, les sites architecturaux sont situés sur des zones de piedmonts, environnement moins touché par l’intensification de l’occupation moderne. Sur les huit sites visités, situés sur les piedmonts1735, six sont préservés, soit 75 %. Même si le nombre de ces sites est beaucoup plus faible que celui des tepes situés dans la plaine, il n’en reste pas moins que la différence de pourcentage de sites conservés paraît significative. Le cas de Bard Burideh I (site KR1014) est intéressant à considérer. En dehors de la zone d’occupation de Persépolis, il s’agit du seul site, en place, présentant des vestiges en élévation d’architecture en pierre correspondant probablement à un aqueduc1736. Les ruines sont encore en place et plutôt bien préservées, malgré quelques indices de destructions. La zone de concentration de tessons, située en arrière du bâtiment sur un tepe ou une colline naturelle, a été quant à elle complètement nivelée par l’aménagement de champs en terrasse.

Figure 6‑37 : Vue aérienne oblique, vers l’est, de Tol-e Jangi A, situé dans le secteur de Bagh-e Firuzi. Le site est entamé au nord par l’extension d’un champ (cliché BNC, printemps 2007)
Figure 6‑37 : Vue aérienne oblique, vers l’est, de Tol-e Jangi A, situé dans le secteur de Bagh-e Firuzi. Le site est entamé au nord par l’extension d’un champ (cliché BNC, printemps 2007)

Concernant les sites préservés, la base de tepes est souvent en partie entamée par les labours (Fig. 6-37) ou servent à l’installation de canaux d’irrigation. Ils peuvent également servir à installer des pompes ou des abris pour les ouvriers agricoles. Les tepes peuvent aussi être en partie terrassés pour la récupération de terre afin d’amender les champs ou servir de matériau de construction. A cela, s’ajoutent les pillages qui touchent généralement des surfaces limitées mais participent à la destruction progressive des sites encore en place. Concernant la préservation des vestiges, les résultats des prospections magnétiques menées à Tol-e Gap1737 et à Dawlatabad1738 apportent quelques éléments d’information. L’absence de structures clairement visibles pour le premier site et d’anomalies très faibles, dont le tracé est difficile à définir précisément, pour le second pourraient suggérer que les vestiges d’occupation ont été en partie arasés. La surface des deux sites a en effet été mise en culture, donc labourée, ce qui a probablement détruit, au moins en partie, les structures en brique crue sous-jacentes. Parmi les différents tepes préservés, plusieurs, les plus petits ou les moins hauts, sont cultivés et il est donc possible que les labours successifs provoquent un arasement progressif des vestiges archéologiques.

Les carrières ou les ouvrages hydrauliques ont également subit d’importantes destructions. Parmi les différentes digues, vestiges de canaux ou vestiges de prise d’eau, nombreux sont ceux qui ont disparu. Ainsi l’ensemble des vestiges du tracé du canal, situé sur la rive gauche du Kur, alimenté par la prise d’eau de Sang-e Dokhtar, a aujourd’hui disparu. W. Sumner avait en effet pu suivre de larges fossés, correspondant au tracé de canal, qui ont aujourd’hui été comblés du fait des remembrements agricoles. Enfin, la carrière KR0323 est en partie détruite par des exploitations modernes1739.

Notes
1730.

Cf. § 2.6

1731.

Cf. § 6.2.3.4.3

1732.

Cf. § 6.2.3.5.1

1733.

Cf. § 6.2.2.2

1734.

Cf. § 6.2.3.2

1735.

Il s’agit des sites donc le code morphologiques n’est ni T (tepe), ni C (groupe de tepe), ni Q (qaleh).

1736.

Cf. § 6.2.3.5.2

1737.

Cf. § 6.2.6.2

1738.

Cf. § 6.2.6.3

1739.

Cf. § 6.2.4.1