6.3. Prospections sur trois secteurs de piedmonts

6.3.1. Objectifs des prospections et secteurs prospectés

La principale conclusion de nos reconnaissances des sites achéménides connus de la plaine de Persépolis est malheureusement une réduction importante du corpus disponible pour des études archéologiques plus approfondies. Suite à ces résultats, nous avons donc souhaité effectuer des prospections systématiques sur certains secteurs de la plaine pour tenter de repérer de nouveaux sites achéménides. Une autre des constatations effectuées dans un premier temps par W. Sumner1764, et confirmée par nos reconnaissances, est que les sites achéménides sont souvent de petite taille, ne présentent aucun relief ou bien un tepe peu élevé et se distinguent par de faibles concentrations de céramiques achéménide/LPW1765. Les prospections entreprises devaient donc forcément être systématiques et suffisamment fines pour avoir une chance de repérer des zones d’occupation achéménide. L’enregistrement systématique de l’ensemble des données archéologiques observées permet de plus d’obtenir une vision de la dynamique d’occupation de la région prospectée. Même si aucun site achéménide n’est repéré, le fait qu’une zone présente par exemple une occupation continue depuis les périodes préhistoriques jusqu’aux périodes islamiques peut laisser penser qu’elle était également occupée ou fréquentée au cours du Ier millénaire. Enfin, l’objectif est aussi d’obtenir des données sur des zones restées peu explorées de manière à compléter la carte archéologique de la plaine de Persépolis.

D’un point de vue méthodologique, les tests de prospections systématiques dans les champs, effectués aux alentours de Band-e Amir, se sont révélés long à mettre en place et trop fortement dépendant des cycles agricoles très resserrés dans la région. Le nombre de champs qu’il est possible de prospecter à une saison donnée, sur une région délimitée, est de ce fait trop aléatoire dans le cadre de missions sur le terrain effectuées sur une période de temps limité. Suite aux tests à Band-e Amir, nous avons donc décidé de concentrer nos efforts sur les zones de piedmonts, moins cultivées et donc moins contraignantes à prospecter.

Les nombreux massifs montagneux de la plaine de Persépolis créent l’existence de vastes surfaces de piedmonts. Ce sont généralement des zones peu pentues, situées à l’interface entre la plaine sédimentaire et les pentes escarpées. Ils présentent souvent une succession de vallons séparés par des reliefs rocheux. La surface des piedmonts étant souvent très rocailleuse, leur exploitation agricole est difficile et demande de procéder à d’importants travaux de terrassement. L’agriculture est toutefois présente. Par endroit, des vastes vergers ont pu être aménagés, des champs peuvent recouvrir les piedmonts lorsque la pédologie le permet. De larges portions de piedmonts servent également de carrières de gravier destinées à alimenter les divers chantiers de construction de la plaine de Persépolis. Enfin, des bâtiments modernes et des villages se sont installés sur les pentes ou dans les vallons. L’exemple le plus manifeste est la construction d’un vaste complexe pétrochimique à l’est du massif du Kuh-e Sabz (Pl. 11). Toutefois, même si l’occupation humaine actuelle a provoqué de nombreuses transformations, les piedmonts, par comparaison avec la plaine sédimentaire, présentent des paysages plutôt préservés.

Comme nous avons déjà pu l’observer lors de nos prospections le long du Kuh-e Rahmat, au nord de la terrasse de Persépolis, et du Kuh-e Hussein1766, à l’est de Naqsh-e Rustam, les zones de piedmont peuvent se révéler riches en vestiges archéologiques. De plus, les prospections anciennes se sont surtout concentrées sur la prospection des nombreux tepes s’élevant dans la plaine de Persépolis. J.R. Alden a été un des rares à prospecter de manière systématique des zones de piedmont, à la recherche de sites Banesh en dehors des tepes. Les zones de piedmonts, qu’il a prospectées, se situent au nord du Kuh-e Korony1767 et au nord-ouest du Kuh-e Ayyub1768. Pour la région du Kuh-e Korony, W. Sumner, dans le fascicule accompagnant le Gazetteer 1769 , a procédé à une comparaison entre ses données issues de prospections non systématiques et celles de J.R. Alden. Le ratio de sites découverts par W. Sumner est inférieur à 30% en comparaison du nombre de sites enregistrés par J.R. Alden. Les zones de piedmonts présentent donc un potentiel important de découvertes de nouveaux sites archéologiques.

Les critères de choix des zones prospectées seront détaillés pour chaque piedmont. Ils se basent surtout sur la présence, ou non, de sites achéménides à proximité et sur des considérations morphologiques, d’état de préservation des piedmonts. Ce choix reflète également la volonté de prospecter des zones environnementales diverses, du nord au sud de la plaine, de manière à obtenir une vision du potentiel archéologique global de chacune, tout en centrant ici notre réflexion sur la période achéménide, plus largement le Ier millénaire, pour laquelle, nous le verrons, les résultats sont plutôt décevants. Les secteurs prospectés correspondent, du nord au sud (Pl. 46) : au piedmont nord-ouest du Kuh-e Hussein, depuis le site de Madakeh-KR09601770, publié par W. Kleiss (Pl. 43) ; au piedmont nord du Kuh-e Ayyub ; au piedmont nord-est du Kuh-e Gondashlu ; au piedmont sud-ouest du Kuh-e Rahmat. Seuls les résultats des trois derniers seront présentés ici de manière à donner un aperçu des types de résultats archéologiques obtenus en prospectant de manière systématique les zones de piedmonts.

Les prospections sur le piedmont nord-ouest du Kuh-e Hussein ont permis de relever plus de 15 points d’observation archéologique1771, sur une longueur de piedmont prospecté de 3 km. Toutefois les prospections n’ont pas permis de déterminer une occupation achéménide dans cette région. La nature des différentes observations archéologiques effectuées est de plus très comparable à celle des autres piedmonts. Enfin cette région ne se distingue pas, d’un de point vue environnemental, de celle sur Kuh‑e Ayyub nord.

Les résultats sont présentés ici sous forme de tableaux (mis en annexe) listant les différents points d’observation enregistrés, associés à leurs coordonnées géographiques, une description succincte et une estimation de leur datation. Lorsqu’une période a été reconnue sur la base de l’identification de très peu de tessons diagnostiques, nous avons rajouter un point d’interrogation après la période. Les rares points qui ont fourni des indices d’occupation achéménide seront décrits plus précisément. Nous avons séparé, pour chaque zone prospectée, les indices d’occupation correspondant à des concentrations de céramiques ou à des fondations de constructions (indiquant plutôt la présence d’habitats), des tombes et autres vestiges de canaux ou d’exploitation de la pierre, plus difficilement datables et qui demandent une analyse plus spécifique.

Notes
1764.

Sumner 1986a : 10

1765.

Cf. § 6.2.7.2

1766.

Cf. § 5.5 et 5.6

1767.

Au cours de cette prospection, il a retrouvé deux sites présentant une occupation achéménide supposée (KR0899 et KR0901, cf. § 6.2.3.1.2).

1768.

Il n’y a trouvé qu’un seul site présentant une occupation supposée de période achéménide (KR0784, cf. § 6.2.3.1.1).

1769.

Cf. § 6.1.3.4

1770.

Cf. § 6.2.3.5.4

1771.

Cf. § 3.2.5. pour une définition de ce terme utilisé pour enregistrer l’information archéologique spécifiquement dans le cadre de nos prospections systématiques des piedmonts, voir ce même chapitre pour le détail de la méthodologie suivie au cours des prospections systématiques des piedmonts.