6.3.3. Les prospections sur le piedmont nord-est du Kuh-e Gondashlu

6.3.3.1. Présentation de la zone prospectée

Dans le cadre de l’étude de l’occupation achéménide de la plaine, la mise en œuvre de prospections systématiques dans la région située entre les massifs du Kuh-e Sabz et du Kuh-e Gondashlu (Pl. 46) nous est parue particulièrement stratégique. Elle est située à l’est de la région de Dasht-e Zarqan, qui s’étend sur la rive gauche du Kur au niveau de sa confluence avec le Pulvar (Pl. 2). Cette région, comparée à d’autres secteurs au nord-ouest de la plaine, par exemple, les alentours du massif du Kuh-e Ayyub1788 ou encore les environs du Kuh-e Qaleh1789, paraît peu occupée à la période achéménide. Elle n’est pourtant située qu’à une vingtaine de kilomètres de Persépolis, sur un des axes de circulation naturelle de la région, passant par la plaine de Zarqan au sud-ouest et la vallée du Pulvar au nord-est. Cette proximité de Persépolis et les facilités d’accès pourraient laisser penser que cette région a été exploitée et occupée plus intensément durant la période achéménide. De ce fait, il était intéressant de prospecter ce secteur de manière à voir si cette relative absence de sites achéménides traduit une réalité de l’occupation achéménide ou bien est liée au fait que les prospections archéologiques aient pu êtres moins soutenues dans cette région.

La relative absence d’occupation dans cette région peut s’expliquer par la présence d’une vaste zone de marécages qui s’étendait à l’ouest du Kuh-e Gondashlu jusqu’aux piedmonts du massif du Kuh-e Lapui. Elle a aujourd’hui été complètement asséchée pour permettre sa mise en culture1790. Toutefois, l’étude de la carte pédologique de la plaine montre que la région située entre les massifs du Kuh-e Sabz et du Kuh-e Gondashlu offre des terrains cultivables d’assez bonne qualité (Pl. 5). On note de plus l’existence de deux sources l’une, intermittente (Pl. 48), située à la pointe sud-est du Kuh-e Gondashlu, l’autre à proximité de Madjabad qui peut être susceptible d’être exploitée pour l’irrigation. Ce n’est donc peut-être pas un hasard si dans ce secteur précis, les prospections de W. Sumner ont mis en évidence une vaste occupation achéménide de 7,8 ha située entre les extrémités nord-ouest des deux massifs (KR0387-site R, Pl. 48)1791. Au sud-est du massif du Kuh-e Sabz, un plus petit site d’occupation achéménide a également été reporté (KR0232, Pl. 42 et 43). Outre ces deux sites, la carte de W. Sumner indique la présence de deux carrières sur les pentes sud-ouest des deux massifs, l’une correspond à Madjabad (KR0376) et l’autre à un ensemble de traces d’extraction, en partie détruites par des exploitations modernes (KR0323)1792. Le grand tepe (KR0387-site R), classé parmi les petites villes achéménides par W. Sumner, a aujourd’hui disparu du fait des remembrements du secteur. Il en est de même pour l’occupation de surface plus modeste (KR0232) au sud-est. D’après W. Sumner, ces petites villes pouvaient constituer, à la période achéménide, des centres administratifs locaux1793. Donc, le site R aurait pu constituer le centre d’un réseau de sites proches les uns des autres à partir duquel était assurée l’exploitation de cette partie de la plaine située entre les massifs du Kuh-e Sabz et Kuh-e Gondashlu. Ces sites périphériques auraient par exemple pu s’installer sur les piedmonts des reliefs voisins. Les importants remembrements récents rendent de toute manière la découverte de nouveaux sites achéménides dans la plaine, autour de la petite ville R, très incertaine. Une exploitation à l’époque achéménide de ces piedmonts est en outre attestée par la présence de la carrière de Madjabad, la datation achéménide de la carrière au nord-ouest du Kuh-e Gondashlu est par contre sujette à caution. Pour l’ensemble de ces raisons, la prospection des piedmonts sud-ouest du Kuh-e Sabz ou nord-est du Kuh-e Gondashlu paraît particulièrement intéressante.

La prospection des alentours de la carrière de Madjabad, point d’occupation achéménide attesté, aurait été intéressante. Le piedmont sud-ouest du Kuh-e Sabz s’est révélé toutefois très détruit, en partie à cause de la construction d’un large canal moderne et de celle de la route asphaltée qui longe le massif. Par comparaison, le piedmont nord-est du Kuh-e Gondashlu (Pl. 46) est beaucoup mieux préservé. Il faut tout d’abord noter l’absence d’agglomérations modernes sur ce versant du massif. Il n’y a donc pas eu besoin de construire de route asphaltée le long du piedmont qui n’est longé que pas un modeste chemin de terre. Dans la plaine de Persépolis, la présence d’un village moderne sur un piedmont s’est traduite, dans la majorité des cas, par de nombreuses destructions du fait de l’extension récente des agglomérations et des besoins en matériaux de construction que sont susceptibles de fournir les piedmonts.

Néanmoins, le piedmont nord-ouest du Kuh-e Gondashlu est tout de même touché par l’intensification de l’agriculture. La partie sud du piedmont, environ jusqu’au point d’observation MD052111 (Pl. 48), est plutôt préservée, des champs le recouvrent jusqu’au chemin sans qu’il ait été pratiqué de terrassements. Dans ce secteur, le piedmont est large, faiblement pentu, le sol est composé de sédiments argileux fins, peu caillouteux. Au nord de MD052111, par contre, le piedmont a été largement terrassé pour permettre sa mise en culture. De nombreuses carrières modernes ont été ouvertes dans cette partie nord du massif. Elles sont installées dans les affleurements rocheux surplombant le piedmont, et n’ont donc pas directement provoqué de nivellement sur ce dernier. Leur exploitation a toutefois nécessité d’ouvrir de larges chemins pour permettre le passage des engins de chantier. La partie nord du secteur prospecté est donc largement perturbée, diminuant ainsi la précision des observations archéologiques. En haut du versant, elle présente toutefois, des zones encore préservées. Entre le point MD052111 et MD052115 (Pl. 48), une vaste combe, parallèle au piedmont et située à plus de 100 m au-dessus du niveau de la plaine, a été prospectée. Ensuite au nord de MD052115, jusqu’au point MD061045, le piedmont présente une succession de larges vallons, escarpés et très rocailleux, moins touchés par les destructions modernes que le bas du versant. Enfin, au nord-ouest de la de la zone prospectée, entre MD061045 et le village de Godzereshk (Pl. 48), le piedmont est très étroit, largement terrassé et bordé au sud par une rangée de falaises au pied desquelles s’amoncellent des blocs provenant de leur érosion progressive.

Notes
1788.

Cf.§ 6.3.2.6

1789.

Cf. § 6.2.2.1

1790.

Cf. § 2.6.1

1791.

Cf. § 6.2.2.2

1792.

Cf. § 6.2.4. A 3 km au nord de Madjabad, Kleiss 1993b : 337-338 publie également des traces de tailles rupestres sur un bloc et des départs de murs accolés, sur le piedmont du Kuh-e Sabz, qu’il interprète comme un « autel du feu » partho-sassanide. Nous n’avons pas retrouvé ce bloc, mal localisé dans la publication, mais l’interprétation et la datation, d’après les seuls éléments contenus dans l’article (les murs seraient construits avec du mortier) nous paraît pour le moins contestable.

1793.

Sumner 1986a : 12