6.3.4. Les prospections sur le piedmont sud-ouest du Kuh-e Rahmat

6.3.4.1. Présentation de la zone prospectée

La partie sud-est de la plaine, correspondant à la région de Dasht-e Korbal (Pl. 2), ne présente qu’une faible densité de points d’occupation achéménides. Au sud-est de Band-e Amir, si l’on exclue le site KR0155 très proche de ce village, seuls trois sites sont indiqués sur la carte de W. Sumner (Pl. 42 et 43). Il s’agit tout d’abord d’un site (KR0097) où l’occupation achéménide n’est que supposée1796. Les deux autres sites correspondent à deux grands tepes, Tol-e Darvazeh-KR0179 et Tol-e Taimuran-KR0149, présentant une phase d’occupation principale, Shoga/Teimuran, centrée sur le IIe millénaire. Sur ces deux sites, W. Sumner a relevé la présence de céramiques achéménide/LPW en faible quantité. Elle n’est attestée ni par les fouilles qui ont pu avoir lieu sur ces deux sites, ni par des prospections postérieures, dont les nôtres1797. Les indices d’occupation achéménides pour cette partie sud de la plaine sont donc quasiment absents.

Reste toutefois le site de Qadamgah, situé à la pointe sud-ouest du Kuh-e Rahmat (Pl. 43), qui correspond à une grande plateforme rupestre à trois degrés, dont l’emprise totale mesure 600 m², aménagée à flanc de montagne. R. Boucharlat l’a un temps comparé aux tombes rupestres royales de Persépolis et Naqsh-e Rustam et supposait qu’il pouvait s’agir d’une grande tombe achéménide, ou tout juste post-achéménide, inachevée1798. Nous ne retiendrons que les conclusions de l’étude la plus récente menée par J.-C. Bessac dans le cadre de nos missions1799. D’après son analyse technique basée sur les traces de taille, il s’agit d’un monument achevé, aux parois lisses, dont la fonction funéraire n’est en rien attestée. Les techniques de construction utilisées sont comparables à celles observées sur les sites royaux achéménides, argument qui est toutefois insuffisant pour dater Qadamghah strictement de la période achéménide1800.

La plupart des prospections archéologiques de la plaine de Persépolis se sont concentrées dans sa partie nord-ouest. La partie sud-est de la région de Dasht-e Korbal a dû apparaître comme hostile à la plupart des archéologues car dominée par la présence de vastes étendues marécageuses saumâtres qui la rendent également difficile d’accès. Ainsi, au niveau du piedmont sud-ouest du Kuh-e Rahmat, un seul site est enregistré dans le Gazetteer sur une bande de terrain de 2 km de large sur 15 km de long. Aucune période d’occupation n’est reportée dans le Gazetteer. La carte archéologique de cette région inclue toutefois le site de Tol-e Darvazeh, qui dans cet environnement difficile a connu une période d’occupation, peut-être de manière discontinue, de près de 1000 ans. Pour ce site, il faut probablement restituer un mode de subsistance basé sur un élevage extensif et sur une éventuelle exploitation agricole des piedmonts proches. Au tournant du IIe millénaire, les ressources de la région étaient donc suffisantes pour assurer la pérennité d’un village de plusieurs hectares1801. Nous concernant, la question est de savoir si une occupation de cette région a pu perdurer au cours du Ier millénaire. Nous avons donc décidé d’effectuer une prospection systématique sur le piedmont sud-ouest du Kuh-e Rahmat pour obtenir des données sur la dynamique d’occupation de cette région et son potentiel archéologique (Pl. 46). Le secteur prospecté se situe au sud du village d’Esmaelabad (Pl. 49), qui se trouve à 20 km au sud-est de Persépolis, et 16 km au nord-ouest de Tol-e Darvazeh. Ce secteur présente l’intérêt d’être situé à la limite nord des zones marécageuses saumâtres. Il est donc l’interface entre deux zones environnementales aux caractéristiques très différentes entre un environnement inculte au sud et des terrains plus fertiles au nord1802. Enfin, cette zone de piedmont pourrait encore se trouver dans la sphère d’influence de Persépolis, tout en étant assez proche de Tol-e Darvazeh.

Le piedmont du Kuh-e Rahmat, au sud-est d’Esmaelabad, est aujourd’hui très peu occupé. Des essais de mise en culture des piedmonts se traduisent par l’installation de quelques pompes et la construction de fermes isolées, la plupart abandonnées. L’agriculture sur le piedmont est en effet précaire, le sol est très rocailleux et l’eau disponible dans le sous-sol est chargée en sel. S’il existe plusieurs sources à la base du piedmont, elles sont impropres pour l’alimentation ainsi que pour l’irrigation, à moins de mettre en culture les terrains en pente du piedmont qui permettent de drainer l’eau chargée en sel en bas du versant. Renseignement pris auprès d’un agriculteur, les rendements obtenus sur ces parcelles mises en culture sont malgré tout très faibles. Outre ces quelques champs et bâtiments modernes, le piedmont est vierge de toute occupation moderne. Le fait de pouvoir prospecter un environnement préservé de toute occupation récente a également été un critère déterminant. L’objectif de cette prospection est donc aussi méthodologique. Il est d’étudier les résultats d’une prospection systématique dans un environnement complètement préservé en termes de conservation, de type et de taille des vestiges archéologiques. Nous n’espérions toutefois par mettre en évidence des occupations aussi longues et denses que sur les piedmonts situés plus au nord, qui se situent dans un environnement plus favorable mais qui sont aujourd’hui aménagés et en partie détruits.

Notes
1796.

Ce site n’a pas pu être visité au cours de nos prospections des sites achéménide de la plaine, cf. § 6.2.3.1.3. Nous avons de plus décidé de sortir les sites à occupation achéménide supposée du corpus des sites achéménides de la plaine de Persépolis, cf. § 6.2.7.2.1

1797.

Cf. § 6.2.3.3.2

1798.

Boucharlat 1979

1799.

Bessac 2007

1800.

Callieri 2008 : 142 suggère une datation post-achéménide du monument ; Boucharlat 2006 : 454, n.4 estime que la date de ce monument peut être achéménide.

1801.

Jacobs 1980 : 53 indique toutefois que vers la fin de l’occupation du site, la partie centrale a dû être abandonnée, l’occupation s’est déplacée vers l’est et vers le sud, les 6,8 ha que mesure actuellement le tepe n’étaient donc pas entièrement occupés.

1802.

Cf. § 2.5.1