6.4.1.3. La fonction des sites

6.4.1.3.1. Une problématique difficile à résoudre

Du fait des destructions, et du faible nombre d’indices d’occupation achéménides découverts sur les différents piedmonts prospectés, la définition de la fonction des sites reste délicate.

Dans la plupart des cas, l’occupation achéménide se caractérise par la présence de tessons de céramiques en surface. Cette céramique est généralement très fragmentée, et il est donc souvent difficile de définir les formes. Il s’agit de poteries à paroi épaisse, généralement sans lissage ou engobe, à dégraissant plus ou moins grossier. D’un site à l’autre, cette céramique achéménide/LPW paraît très homogène, et aucune spécificité typologique n’a pu être déterminée, qui aurait pu aider à définir la nature de l’activité. Une forte concentration de parois de grosses jarres de stockage aurait permis par exemple de supposer l’existence d’un entrepôt. Seul Tol-e Qaleh (KR0520) a fourni un ensemble de céramiques achéménide/LPW distinct de celui des autres sites1840. Les tessons retrouvés correspondent à de larges bols carénés, à pâte fine. Comme nous l’avons signalé auparavant, il s’agit probablement de céramiques de luxe. La présence d’une telle céramique concorde mal avec la possibilité de l’existence d’une installation agricole ou d’un habitat modeste et informe donc sur le statut de l’occupation, sans qu’il soit possible d’en définir plus précisément sa nature.

Concernant le matériel archéologique de surface, il est à souligner qu’aucun site achéménide n’a fourni de preuve de l’existence d’ateliers. Elle aurait pu se traduire par la présence de scories, de ratés de cuisson de céramique pour des ateliers de potier, ou de débris de forge dans le cadre d’une activité métallurgique. L’activité de production à l’époque achéménide reste en définitive très mal documentée1841.

D’une manière générale, la définition de la nature d’une occupation par les seuls artefacts de surface reste vague. Dans certain cas, l’emploi de la prospection géophysique peut permettre d’obtenir des informations plus précises concernant le plan d’occupation des sites. Deux sites seulement ont été prospectés, les autres étant dans leur grande majorité détruits, ou bien ne présentant pas de preuve décelable d’une occupation achéménide. La prospection magnétique mise en œuvre à Tol-e Gap n’a pas permis de détecter de plan de structures organisées1842. Par contre, la prospection entreprise à Dawlatabad a donné quelques résultats : la carte obtenue démontre peut-être la présence de vestiges d’une construction rectangulaire de 70 m par 40 m1843. Ces dimensions témoigneraient de l’existence d’un grand bâtiment. Si les anomalies détectées se rapportent bien à une occupation achéménide, il est difficile d’en définir le plan plus précisément, les structures enfouies étant probablement très érodées. La surface totale de l’occupation achéménide a toutefois pu être estimée à environ 1,5 ha.

Nos prospections n’ont permis de collecter que très peu d’informations sur la nature de l’occupation sur les sites achéménides de la plaine de Persépolis. Cette question ne pourra probablement être étudiée que par la mise en œuvre de fouilles, comme celles entreprises dans le Tang-e Bulaghi, et qui permettent d’apporter quelques pistes de réflexions concernant la fonction des petites occupations achéménides. Pour les fouilleurs, trois des bâtiments mis au jour (TB73, 76 et 77) correspondent à des installations agricoles, des fermes ou des entrepôts1844. Un quatrième, TB64, pourrait, d’après les fouilleurs, correspondre à un relais routier1845. Toutefois, cette identification se fait sur la base de la comparaison avec le plan de l’un des sites publiés par W. Kleiss dans la plaine de Persépolis, le long du Kuh-e Hussein. Or, au cours de nos prospections, sur aucun des deux relais routiers publiés par W. Kleiss nous n’avons été en mesure de caractériser une occupation achéménide, et encore moins de confirmer le plan des structures publiées. Le site TB64 présente en effet un plan composé d’une succession de cinq pièces carrées, et a livré une céramique fine, dont un vase présentant des décors surmoulés1846. Le plan et le matériel de ce site se distinguent clairement de ceux des trois autres constructions évoquées précédemment, il est donc difficile d’y restituer l’existence d’une modeste occupation agricole. Les fouilleurs notent que les larges murs pourraient indiquer une fonction défensive. Les fouilles du Tang-e Bulaghi montrent donc que ces petits sites achéménides isolés ont d’abord vocation à jouer à rôle dans l’exploitation agricole des terres alentours, toutefois les vestiges mis au jour sur le site TB64 témoignent de l’existence d’autres types d’occupation.

Notes
1840.

Cf. § 6.2.6.2

1841.

Dans la zone d’occupation de Persépolis, le secteur de Persépolis Nord-Ouest est le seul endroit où la présence d’ateliers serait éventuellement attestée, leur datation reste à préciser, cf. § 5.3.5.3

1842.

Cf. § 6.2.6.2.2.

1843.

Cf. § 6.2.6.3.3

1844.

Askari Chaverdi & Callieri 2009 : 33-35 ; Helwing & Seyyedin 2009 : 7

1845.

Asadi & Kaim 2009 : 10

1846.

ibid. : 12-19