1/ - A la recherche de son image dans le regard de l’entourage

Le thème de la dispersion familiale imprime de sa marque l’ensemble du poème, se renouvelant à chaque génération du lignage de Bourges. Se situant au croisement de plusieurs traditions, le poète conjugue divers éléments, qu’il infléchit selon les nécessités de l’intrigue, pour entourer la naissance du héros de circonstances exceptionnelles. Ainsi, dans le cas de Lion, se trouvent réunis plusieurs thèmes : naissance dans la forêt en l’absence du roi, enlèvement de la mère et abandon de l’enfant, visite des fées, protection d’un animal sauvage qui le nourrit ; l’enfant est ensuite recueilli par un seigneur du voisinage. Lors de la dispersion de la seconde cellule familiale, l’enfant est enlevé pour être tué, épargné par son bourreau, abandonné puis adopté par un homme qui l’élève, tandis que les autres membres de la cellule familiale se trouvent séparés du fait de l’absence du roi et des rivalités entre lignages. À la troisième génération, l’adjonction de la trame du conte T.706 apporte encore de nouveaux éléments. Cet ensemble complexe avoue de lui-même des emprunts à la tradition épique, à des thèmes folkloriques, notamment celui du conte T.938, La famille dispersée, ainsi qu’à la tradition hagiographique et biblique. La dispersion complète de la famille, la séparation des jumeaux et la présence du lion appartiennent à la légende de Placide-Eustache, mais font l’objet de quelques adaptations723.

Notes
723.

Les enfants d’Eustache sont ravis, l’un par un lion, l’autre par un loup. Cf. Jacques de Voragine, La Légende Dorée, trad. J.­­‑B. M. Roze, Paris, Garnier Flammarion, 1967, p. 306‑312 (p. 308) ; cf. La Vie de Saint Eustache, poème français du XIII e siècle, éd. H. Petersen, Paris, Champion, 1928, v. 883‑906. Cf. également Florent et Octavien, chanson de geste du XIV e siècle, éd. N. Laborderie, Paris, Champion, 1991, p. cxxxi‑cxxxiv : « Ce récit très connu a fourni à de nombreuses œuvres, dont Octavian et Florent et Octavien, le thème des enfants ravis par des fauves et miraculeusement sauvés (…) ».