1.3.2. Une réduction sociologique, géographique et temporelle à visée exploratoire

Le premier problème qui se pose dès qu’il s’agit d’analyser des activités humaines dans leur contexte39 est celui de choisir le terrain d’étude ; d’autre part, se pose aussi la question de la construction d’une relation de confiance avec les enquêtés. Le terrain soulève des questions de lieu (où observer ?), de temporalité 40 (combien de temps ?), ainsi que celles concernant les participants potentiels.

Puisque l’étude était exploratoire et que l’objectif n’était pas de réaliser des analyses quantitatives ni de rechercher une quelconque représentativité statistique d’un échantillon donné, nous nous sommes limités à définir quelques critères permettant de circonscrire différents types de foyers.

Les principaux critères de définition du terrain ont été les suivants : la composition familiale, la résidence à Paris ou en région parisienne, et l’utilisation de certaines technologies de l’information et de la communication (ordinateur, téléphone fixe et portable, accès Internet). Le critère de la composition familiale visait à obtenir différents types de configuration parmi les plus courantes ; le critère géographique avait été choisi pour des raisons purement logistiques et le critère matériel était lié aux intérêts industriels et technologiques de FTR&D et de l’équipe de chercheurs.

Pour le recrutement des foyers, il a été fait appel à une société spécialisée dans le recrutement de consommateurs pour des études marketing. La procédure a consisté à leur communiquer les critères mentionnés ci-dessus, à partir desquels la société en question a présenté une liste de foyers susceptibles de participer à l’étude. Un rendez-vous en face à face a ensuite été pris avec chaque foyer. L’objectif de ce premier contact était d’expliquer aux membres - principalement les parents - les objectifs scientifiques et technologiques ainsi que les étapes de l’étude, en leur précisant les conditions de participation (dédommagement, signature d'une autorisation, etc.), en vue d’obtenir un accord définitif des participants. Au final, environ une semaine après ce premier rendez-vous, n’acceptant pas d’être filmées, deux familles sur neuf ont exprimé le refus de participer41 à l’étude.

Pour les enregistrements, sur une douzaine de foyers proposés par la société de recrutement, nous avons retenu les suivants42 :

Au regard du volume trop important de données à traiter sur l’ensemble des foyers participants, pour notre travail de thèse nous sommes limitée et focalisée aux corpus des deux premiers foyers : familles RAF et PR, deux foyers se fréquentant, avec enfants mineurs, dont un en bas âge, et des caractéristiques permettant à la fois comparabilité et différentiation. Dans les chapitres 5 et 6 nous fournirons des détails à ce propos.

Dès les premières rencontres avec les participants potentiels, nous avons expliqué de manière transparente les modalités et les objectifs à la fois scientifiques et technologiques de l’étude. Il était clair que celle-ci était réalisée dans le cadre d’un projet d’innovation industrielle ainsi que les contours de l’exploitation et de la diffusion des données. Les participants adultes ayant donné leur accord pour participer à l’ensemble des étapes de la recherche (que nous détaillons plus loin), ils ont signé un contrat avec l’entreprise : non seulement ils étaient informés (ou éclairés) sur les conditions de collecte des données, mais en plus ils avaient la possibilité de rompre le contrat de participation à l’enquête à tout moment44.

La section suivante s’attardera sur la question de la réduction temporelle.

Notes
39.

Ce type de description doit reposer sur la maitrise de la langue naturelle utilisée par les participants observés. Outre la maitrise linguistique, le contexte domestique n’était pas un environnement spécialisé mais représentait, du moins pour nous, à la fois un allant de soi et un objet dont les caractéristiques étaient à découvrir et à décrire.

40.

Cette dimension est abordée plus loin dans le chapitre 2.

41.

Il existe bien évidemment d’autres manières de chercher des participants, par exemple en utilisant son propre réseau social. Par ailleurs, sur le plan de la typologie des participants recrutés, rappelons qu’il n’a pas été possible d’intégrer la diversité morphologique, démographique et sociologique dont témoignent les foyers français (familles recomposés, familles monoparentales, familles migrantes ou homoparentales, etc.). Ce point de vue (recrutement de familles conjugales nucléaires, composées d’un couple hétérosexuel et de plusieurs enfants de moins de 18 ans) n’était pas celui que souhaitait développer l’équipe, dans la mesure où il contribuer à renforcer la position centrale du modèle conjugal traditionnel, en dépit des nombreuses révolutions sociétales de ces 20 dernières années. Toutefois les délais temporels et les moyens financiers disponibles pour l’enquête nous y ont contraints.

42.

Les quatre foyers ayant accepté les enregistrements ont reçu une compensation financière.

43.

Tous les noms et prénoms ont bien évidemment été anonymisés ou changés.

44.

En ce qui concerne les problèmes de confidentialité et de respect de la vie privée, deux questions éthiques (et juridiques) sont à souligner : celle du consentement des personnes participants à l’enquête, celle du droit à l’image (ces deux premières impliquant des demandes d’autorisations, divers types de contrats, etc.) et celle de l’anonymisation dans les transcriptions (des noms propres, des images, des identités, etc.). Le service juridique de France Télécom R&D a fortement encadré ces démarches, en particulier au regard du droit à l’image. Les contrats signés par les participants avec l’entreprise, avant le démarrage des enregistrements, présentaient plusieurs clauses et droits de révision/ retour/recours qui traduisaient une préoccupation forte vis-à-vis du droit à l’image et de la protection de la vie privée. Cette intervention du service juridique avait résolu un certain nombre de problèmes généralement rencontrés en vue de la réalisation d’enregistrements. De plus, FTRD est propriétaire du corpus de données produit, ce qui implique une impossibilité d’exploitation commerciale de la part de tout autre acteur et, pour les chercheurs, un droit de diffusion limité au domaine de la communication scientifique ou de la présentation des données et/ou des analyses, à l’intérieur de l’entreprise.