1.3.3. Une entrée progressive dans le terrain

Cette étape a débuté par une première phase qui n’était pas véritablement en rapport avec les observations vidéo, puisqu’elle s’inscrivait dans le cadre d’une autre étude45 (en lien avec la nôtre, mais se limitait à l’utilisation d’une sorte de carnet de bord et à des entretiens semi-directifs). Le carnet, qui a été donné aux parents et à certains adolescents, comportait différentes rubriques à remplir, par des photos, du texte ou des dessins (cf. figures 2 et 3), l’objectif étant d’illustrer la vie quotidienne des participants, les activités de la semaine et du week-end, etc. mais aussi de donner à voir certaines attentes (goûts, souhaits, etc.).

Fig 2. Tâche 5 : illustrer un jour de la semaine avec une photo (mère, famille RAF)
Fig 2. Tâche 5 : illustrer un jour de la semaine avec une photo (mère, famille RAF)
Fig 3. Tâche 16 : illustrer avec des dessins ou collages ses intérêts, loisirs, etc. (mère, famille RAF)
Fig 3. Tâche 16 : illustrer avec des dessins ou collages ses intérêts, loisirs, etc. (mère, famille RAF)

La transmission du carnet a permis un deuxième contact avec les foyers puisqu’il a fallu expliquer aux membres concernés la manière de le remplir. Une dizaine de jours après avoir fourni les carnets, un troisième rendez-vous a eu lieu, pendant lequel nous avons rassemblé les carnets complétés et réalisé des entretiens approfondis filmés. L’objectif principal de ces entretiens46, réalisés et filmés au domicile des participants, consistait à obtenir des descriptions et des récits d’activités quotidiennes se déroulant dans les foyers afin de nous familiariser avec la vie quotidienne des habitants et de préparer l’organisation des prises de vues. Par exemple, nous leur avons demandé de raconter des journées type à la maison, depuis le lever jusqu’au coucher, aussi bien en semaine que le week-end. A travers une lecture conjointe chercheur-participant, les carnets ont parfois servi à structurer l’interview. L’utilisation de ces carnets, en particulier dans les sections où il était demandé d’intégrer toute sorte d’images (photos, collages, etc.) susceptibles d’illustrer des aspects de leur quotidien, a aidé certains participants à se saisir de la première phase de l’enquête47.

Lors des entretiens deux enquêteurs étaient nécessairement présents : un filmait, étant aussi en mesure d’explorer visuellement, à travers des choix de cadrage ou de champ, les points d’appui offerts par l’environnement, tout en étant orienté par les propos de l’interviewé ; l’autre posait les questions, écoutant le participant et relançant l’entretien48. La prise de vues elle-même matérialisait ainsi une orientation prospective vers l’étape suivante : l’installation du dispositif d’observation vidéo.

Afin de nous familiariser avec l’espace, et dans la perspective des enregistrements vidéo, nous avons terminé les entretiens par des tours du foyer filmés, au cours desquels les interviewés nous ont servi de guides (ce qui a occasionné des nouvelles interventions descriptives de leur part). A travers les entretiens et les visites guidées nous avons construit un premier regard documenté sur les principales caractéristiques spatiales et matérielles de chaque foyer. Ces entretiens nous ont ainsi aidés à préparer la phase d’observation vidéo, en particulier pour définir les emplacements possibles des caméras et des micros, les moments d’observation, les espaces à filmer, les contraintes spatiales et architecturales, etc.

Notes
45.

Il s’agit du projet intégré AMIGO (Ambient Intelligence for the Networked Home Environment), sous l’égide de l’Union Européenne. Ce projet a réuni 16 sociétés et centres de recherche et avait pour but de développer un middleware libre dédié à la domotique et à l’informatique ubiquitaire pour le foyer. Projet consultable à l’adresse http://www.hitech-projects.com/euprojects/amigo/ .

46.

Ces entretiens ont également alimenté le projet AMIGO.

47.

L’évocation d’un objet visible sur les photographies a permis aux chercheurs et aux participants de s’engager dans un récit en lien avec ledit objet, par exemple. Nous étions alors conduits à explorer visuellement l’environnement tout en y découvrant des éléments réflexivement abordés grâce au propos de l’interviewé. Ces allers-retours aboutissaient à nous familiariser à la fois avec les espaces, ou les objets, ainsi qu’à une certaine compréhension de la manière dont ils s’insèrent dans des réseaux d’activités.

48.

Dans certains cas, et à certains moments, les prises de vues se sont détachées du corps de l’interviewé afin d’inspecter une portion de l’espace susceptible d’accueillir l’équipement technique posé ensuite.