1.4. Ressources et contraintes du protocole et du dispositif

Une fois les éléments du dispositif installés et les enregistreurs digitaux programmés, le dispositif était opérationnel, et n’exigeait pas notre présence physique. Or, la capacité de stockage des enregistreurs était limitée à huit heures. Il s’est donc avéré nécessaire de récupérer quotidiennement les données (sur un ordinateur portable) pour libérer de l’espace de stockage55 sur les enregistreurs digitaux. Par ailleurs, le passage quotidien dans les domiciles des participants servait à vérifier l’état de l’équipement et la qualité des enregistrements, et à réajuster le dispositif le cas échéant.

Cette contrainte technique et logistique s’est paradoxalement révélée comme une ressource car elle a donné lieu à des échanges opportunistes avec les familles, permettant quelques réajustements importants sur le plan du dispositif lui-même56. Notre présence fréquente dans les foyers a également enrichi la connaissance mutuelle entre participants et chercheurs. Les rapports de confiance réciproques se sont en effet renforcés, comme l’atteste le fait que certains participants ne pouvant pas être sur place au moment de notre passage, nous ont confié des clés pour que l’on accède au domicile en leur absence57.

Un dernier problème concernant le protocole est celui posé par le fait que nous n’avons pas fait d’entretiens d’auto-confrontation avec les familles, tel que l’avait pourtant proposé M. Zouinar à plusieurs reprises (et qui aurait impliqué un retour auprès des participants quelques jours après les enregistrements). Certes, la publicisation quasi-constante de la gestion de la vie quotidiennes, telle que nous l’avons observée, offre une très bonne interprétabilité des situations ; mais un certain nombre d’entre elles n’ont pu être exploitées car nous manquions de clarifications, notamment lors de cours d’action individuels (ou comme conséquence de problèmes de prise de son, par exemple).

Enfin, en ce qui concerne le dispositif de prise de vue, celui-ci a montré quelques limites en termes d’accès aux détails. En effet, l’utilisation de caméras de surveillance, et de plusieurs focales grands-angles, ainsi que la compression de sortie des fichiers (AVI) ont produit des images d’une qualité généralement suffisante à notre objet d’étude, mais qui ne permet pas toujours d’accéder aux regards, aux expressions faciales, ou encore aux documents ou aux contenus des écrans. Le fait de ne pas avoir filmé la cuisine a aussi posé quelques problèmes de continuité d’une vue à l’autre58.

Notes
55.

Parmi les problèmes pratiques les plus courants se trouvent celui du remplacement de cassettes et des batteries, par exemple, qui peuvent influer sur le choix des phénomènes à documenter. L’alternative du stockage des données enregistrées directement sur un disque dur s’est révélée fort pratique et efficace.

56.

Nous avons ajouté ou modifié l’emplacement de caméras ou de micros (parfois plusieurs jours après le début des enregistrements), lorsque des zones d’interaction importantes n’étaient pas suffisamment couvertes par l’angle de vue ou par la portée du micro. Ces opérations ont été possibles grâce aux visionnages des vidéos, mais aussi, de manière cruciale, grâce aux échanges, commentaires et explications des membres des foyers lors de nos visites.

57.

Dans ces cas, nous avons parfois laissé des messages écrits pour les prévenir des changements effectués.

58.

Chambres et toilettes/salle de bain ont également été exclues, mais il s’agit là d’impondérables pour un protocole qui respecte la vie privée des participants. Pas de regrets, donc.