2.1.1. Les transformations dans la langue

Le temps des transformations peut être abordé du point de vue des apports de la linguistique variationniste et de la linguistique de l’acquisition langagière. Les travaux de Labov et du variationnisme ont abordé le changement linguistique du point de vue des variations temporelles systématiques du langage le temps. Ils ont montré des phénomènes du changement linguistique « en train de se faire »   dépassant l’idée de la linguistique historique selon laquelle la linguistique diachronique était limitée à une analyse a posteriori des résultats finaux du changement (Weinreich, Labov, et Herzog, 1968).

Dans un ouvrage ultérieur, Locating Language in Time and Space W. Labov (1980) a systématisé l’utilisation de méthodes quantitatives pour éclairer des problèmes fondamentaux du changement linguistique et de la structure linguistique. L’objectif de Labov de définir les communautés linguistiques (communauté de noirs et de blancs à Philadelphie, notamment) est ainsi exprimé par le truchement de techniques statistiques traditionnelles81, d’une part, et par l’ « alliance naturelle » de la linguistique historique, de la géographie des dialectes, et de la sociolinguistique.

Le problème temporel occupe une place importante également dans les domaines de l’apprentissage linguistique : pour l’école de Piaget, par exemple, le temps est un « temps d’ontogenèse mettant en œuvre les données de la biologie, de la psycho-genèse avec ses composantes rationnelles, sémiotiques, pulsionnelles » (Rey, 1973 : 69). En effet, au bout d’une courte période d’apprentissage premier (deux à trois ans) les enfants aboutissent, en passant à peu près par les mêmes stades, à des aptitudes partagées par les membres d’une communauté82.

L’évolution du langage et de la langue chez l’enfant est un axe de recherche multidisciplinaire (linguistique, neurolinguistique, sociologie, psychologie, informatique, entre autres). Selon la discipline ou le courant on parle de développement –qui fait référence à un processus déterminé, et, parfois, au caractère inné du langagier- ; d’acquisition –où prédomine influence de la réception et assimilation de modèles- et d’évolution - qui traduirait une transformation graduelle et continuelle de notre mode de communication.

On sait depuis longtemps aujourd’hui que les enfants naissent avec la capacité d’entendre tous les sons : lors de sa première année, il sélectionne les sons qui lui sont le plus familiers, une sélection qui s’opère par l’habitude et par souci d’économie. Selon la linguistique générative, l’unité de base est la phrase. Mais, en fait, l’unité de base de l’assertion et du jugement se rapproche plus du discours, c’est à dire que le découpage des phrases en mots ne se matérialise pas par des silences mais, par exemple, par l’intonation de la voix, par la mélodie, et le rythme. A travers l’oralité, progressivement, de manière continuelle mais non-linéaire, un enfant va apprendre -dans des interactions avec des adultes et avec des pairs, interactions régulières et structurant l’action et les relations au monde- à appelerun objet présent, à évoquerun objet par certains aspects (association avec la première grammaire de l’enfant, abstraction totale de l’objet), à simplifierles régularités et les relations syntaxiques (sujet avant le verbe, etc.), à augmenterla complexité du dialogue (subordonnées).

Dans cette perspective, les principales phases ou stades d’apprentissage identifiés, le spécialiste peut établir des diagnostiques, et, éventuellement, des cures83.

Notes
81.

Analyse de la variation des règles (variable rule analysis), échelles implicationnelles, etc

82.

On peut dire, très grossièrement, que, à la naissance, les différents pleurs d’un enfant identifient un besoin précis ; à neuf mois, il comprend quelques consignes ; à un an il prononce ses premiers mots ; à quinze mois il organise ses premières combinaisons linguistiques ; et à trois ans, il construit des phrases en utilisant des outils grammaticaux tels que les déterminants, les prépositions ou les conjonctions. Aussi, bien évidemment, au fur et à mesure, le vocabulaire lexical et gestuel de l’enfant s’étoffe.

83.

Cf. aussi l’approche qualitative sur l’acquisition langagière menée par le groupe français CALIPSO de Paris3, par exemple, avec des retombées de type recherche–action (didactiques ou thérapeutiques).