2.2.1.1 Modernité et notion de progrès

Le lien social de la société industrielle de l’après-guerre est fondé sur des sphères stables, fortement régulées et distinctes, du travail et de la famille. Cette période est caractérisée par la valeur du Progrès universel, alimentée par les perspectives d’ascension sociale qui tendent le temps vers le futur et lui attribuent un caractère irréversible et cumulatif. La notion d’universalité se combine, paradoxalement, à celle d’individualité : la modernité a inversé le rapport social, donnant une préséance à l’individualité comme déterminant sociologique (Sue, 1994 : 118). La conception moderne du temps a pour elle l’efficacité technique et la légitimité scientifique92, mais ces caractéristiques empêchent trop souvent de reconnaître d’autres logiques du temps, et d’entrevoir l’arbitraire de la nôtre93.

Notes
92.

Invariant, divisible à l’infini dans des unités de type spatial, mesurable en longueurs et exprimable en nombres, le temps scientifique est un espace unidimensionnel (Adam 1990 : 50-55).

93.

Aujourd’hui on s’accorde pour dire que le passage moderne du temps n’est qu’une forme particulière d’historicité, bien que comme le souligne Latour (2006), les « modernes » aient pour particularité de comprendre le temps qui passe comme s’il abolissait réellement le passé derrière lui.