2.5.1. Les problématiques du temps familial

2.5.1.1. Family time : une denrée rare …et désirée ?

La notion de temps familial (family time) est teintée par des éléments idéologiques semblables à ceux qui investissent les débats touchant la famille elle-même (Gillis, 1996), et, par conséquent, n’est pas un simple descripteur mais un terme prescriptif. Bien que les parents, interrogés dans le cadre d’enquêtes scientifiques mais aussi « d’opinion » (en Amérique du Nord ainsi qu’en Europe), déclarent généralement manquer de temps pour leur famille, ce serait erroné, pour Gillis (1996) d’identifier simplement la denréerare du temps familial, à une denrée désirée.

Comme nous le verrons plus loin, Hochschild (1989 ; 1997) a été une des premières à renverser les convictions selon lesquelles le temps familial est un bien nécessairement désiré, et que, parallèlement, le foyer est un  « refuge » contre le temps agité du dehors. Hochschild a montré qu’un certain nombre de parents, notamment un certain nombre de mères, trouvent de l’ordre et du soutien au travail et non pas à la maison et en famille. Forts de ces résultats, des chercheurs comme Daly (1996, 2001, 2002) ont mené des enquêtes sur entretiens approfondis pour mieux comprendre ce qu’on appelle le temps familial (family time)141.

Notes
141.

Sur la base d’entretiens avec des membres de familles à double-revenu et monoparentales, Daly part du constat que les familles contemporaines –du moins en Occident - travaillent plus que dans le passé, mais que le temps total passé ensemble n’a pas vraiment changé au cours des dernières décennies (Daly, 2001). Selon cet auteur, ce qui a changé est que le temps partagé va plus vite et compte une plus grande densité d’activités (ensemble avec les tâches domestiques et les activités extra-scolaires). Mettant leur temps « au service » des enfants, les parents subissent une perte de contrôle de leur propre temps (Daly, 1996). Plus globalement, il existerait dans les familles, en particulier chez les parents, des contradictions structurelles entre leurs attentes affectives, leurs idéaux et leurs expériences réelles (contradiction qui s’exprime généralement par la culpabilité).