Chapitre 3. Le foyer : arène des pratiques domestiques et familiales

‘« At least within the more advanced culture of Europe, there is
no interest, no gain or loss of both internal or external sort, and
no domain affected by individuals that does not, together with all other
interests, merge into the unique synthesis of the home »
G. Simmel, Female Culture, « On Women, Sexuality and Love », 1911

Les sciences sociales ont longtemps abordé l’espace domestique comme le lieu de production et de reproduction des forces de travail du système industriel (Meillassoux, 1975 : 214)164. A partir des années 1960-1970, de millions de femmes (instruites et relativement libérées de certaines contraintes morales et reproductives), ont fait irruption dans le monde du travail, et, en parallèle, les foyers s’équipent de manière exponentielle en technologies (de communication et ménagères). Depuis, les temps et les espaces de la famille, du travail et, surtout, leur relation mutuelle, ne cesse de se transformer. Après une assez longue période de délaissement, l’espace domestique, la vie ordinaire, les enfants et la question du genre ont réinvesti le monde la recherche. C’est dans ce contexte historique que l’on assiste à un renouvellement de l’intérêt pour l’espace domestique et la famille, ou plutôt, les familles, à la fois dans le domaine académique et industriel. Un renouvellement qui favorise le type de travail que nous présentons ici.

Comme nous l’avons évoqué au chapitre précédent, la répartition et l’organisation du travail et du temps de travail reviennent sur le devant de la scène, et pas seulement par le biais des courants académiques féministes. L’intérêt sur le foyer et la famille se manifeste dans deux champs d’étude principaux : a) celui que l’on pourrait mettre sous la houlette de la Home Economics 165, intéressée à la relation entre foyers et familles d’un coté, et politiques institutionnelles, de l’autre ; b) celui intéressé par les rapports sociaux, les liens de parenté, les activités domestiques, le couple, la division du travail intra-foyer, le care, etc. Dans l’un et l’autre, l’allocation et l’administration des ressources (budgétaires, temporelles, etc.), ainsi que des patterns de consommation, occupent une place importante.

Dans ce chapitre nous évoquerons les courants de pensée les plus fertiles pour notre étude, ainsi que des projets de recherche récents ayant abordé la quotidienneté domestique du point de vue de la relation avec la matérialité et les technologies.

Notes
164.

Partant du constat d’une distribution inéquitable du travail et du temps libre dans les foyers, les courants féministes (ou women’s studies), à partie de l’après-guerre notamment, ont dénoncé le patriarcat, mais aussi la famille moderne etson habitat.

165.

Le domaine des Home Economics est probablement le seul champ entièrement dédié à l’étude de l’espace domestique et familial. Il s’articule aux questions budgétaires et aux politiques publiques en matière de famille et de logement et classe les différentes sociétés selon la manière dont les responsabilités vis-à-vis de la productivité et de la reproductivité sont allouées aux différentes institutions et organisations, d’une part, et aux foyers individuels, de l’autre. Rappelons enfin la visée du « bien-être » des familles, propre à ce champ de recherches appliquées souvent basées sur des données démographiques, statistiques, etc. (Cf. le site de la Fédération Internationale de Home Economics (IFHE) consultable à l’adresse http://www.ifhe.org/).