3.2.3. Apports de la sociologie du care 204 : action, genre, éthique

Emanant du mouvement féministe nord-américain (Gilligan, 1982), le care, en particulier dans ses développements récents, est défini comme toutes les activités comprenant ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre monde, de sorte qu’on puisse y vivre aussi bien que possible (Tronto, 1993). Ainsi, le care postule une société de responsabilité et de liens humains, dans l’élaboration d’un équilibre entre la préoccupation pour soi et pour les autres, renvoyant par conséquent à une gamme étendue de relations complexes, susceptibles d’engager une multitude d’acteurs sociaux, individuels ou collectifs.

Partant de l’idée que tous les membres de la société sont interdépendants, et reprenant les racines du discours égalitaire, pour un certain nombre d’auteurs et de courants il s’agit d’étudier le care comme travail et comme éthique, l’intégrant dans une sociologie morale autant que dans des pratiques politiques (Paperman et Laugier, 2006). Dans un article postérieur, P. Paperman (2008)205 définit le travail de care comme l’ensemble des activités et des attitudes requises pour le maintien de la vie et du bien-être des personnes, comme préoccupation active pour le commun : le care, dont il s’agit de comprendre les personnes et organisations qui le réalisent, revêt donc une importance cruciale pour les sociétés humaines : le care explique, en grande partie, comment le monde social, en tant que monde commun, tient.

Le care réhabilite la place du « souci des autres » dans l’appréhension du monde social et dans les théories morales (Gilligan, 1982 ; Tronto, 1993 ; Laugier et Paperman, 2004 ; Paperman, 2008). Enchaînement complexe d’activités, ou de phases d’activités, plus ou moins fragmentées et l’inégalité de sa distribution, le care apparaît toutefois réduit aux couples dyadiques (mère-enfant ; soignant-soigné, etc.) : il faut donc tenter d’y voir les engagements dans le monde social, le résultat d’un processus organisé d’activités qui intègre inexorablement les relations duelles dans un ensemble plus large.

Notes
204.

Le terme anglo-saxon de care désigne, selon la définition de J. Lewis « les activités qui visent à satisfaire les besoins physiques et émotionnels des enfants et des personnes adultes dépendante s» et les « cadres normatifs, institutionnels et sociaux » desdites activités. En France, P. Paperman et S. Laugier (2006) ont traduit le terme care par souci des autres. Elles se sont intéressées à l’éthique du care, domaine émergeant de la pensée politique américaine, analysant des activités humaines généralement négligées, et (ré)intègrant les questions triviales posées par le care (qui s’occupe de quoi, comment ?) aux activités considérées comme significatives par la théorie sociale et morale.

205.

Ce texte est basé sur une enquête relative à la prise en charge familiale des dépendances (enfants, malades, handicapés, personnes âgées).