5.3.3.7 Après le coucher des enfants

Albert, pendant que Christine fait la lecture aux enfants, s’occupe de la vaisselle. Dans ses termes, il s’agit là d’un « travail pas perdu », d’un temps optimisé pendant lequel plusieurs tâches et activités sont simultanément prises en charge par chacun des deux parents. Il finit la vaisselle à peu près à 21 heures 30. Il peut arriver qu’il ne fasse pas la vaisselle à ce moment là et qu’à la place il fasse une petite sieste (autour d’un quart d’heure) ; dans ce cas, il ne va pas se coucher avant minuit ou une heure du matin303. A partir de 21 heures 30, Albert se reconnecte (ou se connecte) au réseau de son entreprise304, et peut travaille sur un, voir deux, ordinateurs (comme c’est le cas de Eric P. d’ailleurs) dans la même soirée. S’il a déjà lus les messages (mails ou messagerie instantanée professionnelle), il avancera directement sur un certain nombre de dossiers (consultation de messagerie vocale professionnelle, mails, etc.), notamment en se connectant au réseau de son entreprise. En fonction « des calendriers », ces diverses activités auront lieu les soirs en semaine, ou bien pendant le week-end :

je sais qu’en ce moment c’est un peu chaud, parce qu’on essaye de s’organiser (avec les parents d’élèves) (…) on a le conseil d’école demain, donc (…) pour savoir un peu de quoi on parle (recherches des textes réglementaires sur le fonctionnement, sur les droits des conseils d’école et des comités de parents. (…) c’est un peu la même chose pour le boulot d’ailleurs : si j’ai une négo à préparer pour le lendemain, je me dis que le repassage il attendra.
(…)
je fais une connexion par la ligne téléphonique standard, je me connecte sur le réseau de l’entreprise, et c’est comme si j’étais au bureau. les adresses professionnelles je les consulte [ainsi]. mais (de temps en temps), heu (on peut) interroger sa messagerie professionnelle [XX] système genre voie de mail quoi (depuis le PC fixe domestique).
Albert R., entretien du 28/12/2004 ’

Dans les cas où il se connecte à Internet sur l’ordinateur de bureau (dans la chambre parentale), pendant que sa femme lit, Albert, lorsqu’il s’aperçoit que Christine éteint la lumière, dit « se faire plus discret » : il éteint l’ordinateur et va dans le salon. Généralement il regardera quelque chose à la télévision (il souligne d’ailleurs la qualité de la programmation après minuit). Albert se couche entre une heure et deux heures du matin. Il passe à la salle de bain, lit un peu, une fois couché, et s’endort.

S’il n’est pas « derrière les micros » (ordinateur/s, fixe ou portables) il sera « derrière la planche à repasser ». Dans les deux cas il s’installe dans le salon, avec la télévision allumée, qu’il écoute plus qu’il ne regarde305, surtout dans le cas des activités professionnelles. Repassage et télévision sont explicitement considérés comme étant « des activités compatibles » par Albert. Celui-ci explique que regarder la télévision implique toujours de faire quelque chose d’autre, en parallèle, pour éviter de s’endormir.

Christine appelle la phase qui succède au dîner, les heures de « semi liberté », à partir desquelles les parents « reprennent du collier » :

‘C.R. : (…) enfin, ça a l’air négatif ce que je dis mais souvent avec des gens de notre famille ou des amis on laisse un peu traîner les choses parce que… pfff… on rentre, on est tellement… aaah… et puis souvent on reprend le collier après avoir couché les enfants, donc appeler…
(…) et le fait d’avoir des gamins, ça change complètement la donne aussi parce que (…) en gros, on a deux à trois heures le soir de… de… semi-liberté (rire), je dirais, et plein de choses à y mettre. et c’est vrai que du coup, si on a des conversations fleuves avec des gens au téléphone, on ne fait plus rien, rien, ce qui s’appelle rien…
Christine R., entretien du 28/12/2004 ’

Christine trie des documents, fait de la couture ou prépare des choses à manger (pour les jours suivants) ou lit, pour elle et/ou pour son travail, pendant la période qui suit le dîner et le coucher des enfants. Concernant la phase du coucher, Christine lit systématiquement, pendant un temps assez long306, une fois au lit. Son travail de bibliothécaire n’est pas sans relation avec cette pratique assidue et prenante, les lectures de Christine mettant souvent en lien plaisir personnel et demandes professionnelles (cf. l’expression « avancer sur la lecture »ci-dessous) :

‘C.R. : (…) en gros, y a deux moments privilégiés pour moi de lecture, y en en plein d’autres disséminés dans la journée mais les principaux, c’est les temps de transport et puis systématiquement une période relativement longue avant de dormir. c’est là que j’avance le plus dans la lecture parce que les transports, je vous ai expliqué que c’était un peu morcelé (…), y a souvent du monde. (…) mais le soir, il m’est très difficile de ne pas lire avant de dormir. c’est une activité de pré-endormissement…oui, c’est ça. je lis pas mal de choses, c’est-à-dire c’est pas deux pages pour m’endormir, c’est vraiment souvent un temps de lecture relativement long. et puis après je dors comme un loir (…) jusqu’à 6 heures plus tard.
Christine R., entretien du 28/12/2004 ’

Sur la base de cette synthèse à partir des entretiens, dans la section suivante nous décrirons les cinq phases principales d’activité de la journée, communes aux deux foyers observés, et également repérées par d’autres auteurs à propos d’autres familles à double-revenu. Les principales différences de fonctionnement et d’organisation entre les deux foyers observés seront également évoquées.

Notes
303.

Albert dort six heures par jour en moyenne sur la semaine (sachant que les week-ends le réveil se fait plutôt à 9 heures). Christine dort sûrement un peu plus (entre six heures et demi et sept heures), bien que cette information ne soit pas explicitée.

304.

Albert fait une connexion par la ligne téléphonique standard, se connecte sur le réseau de l’entreprise et accède à son « bureau » professionnel.

305.

Sauf s’il a quelque chose d’important à rendre, auquel cas la télévision restera éteinte.

306.

Contrairement au foyer PR, dont les membres du couple parental ont amené beaucoup d’ouvrages à leurs bureaux respectifs, et qui semblent dédier moins de temps à la lecture que les RAF, ces derniers semblent avoir l’ensemble de leurs livres à leur domicile. Christine, surtout, consacre la plupart du temps non dédié aux activités domestiques nécessaires, pour ainsi dire, à la lecture (ainsi qu’une partie du temps de partage familial, en faisant la lecture à ses enfants).