5.4.1.1 Routines, espace et matérialité

Hormis le sommeil, dans les deux foyers peu d’activités n’impliquent pas la mobilisation active d’objets ou d’artefacts. Concernant la relation entre activités outillées et espace, voici quelques réflexions générales tirées des entretiens.

Certaines activités sont décrites comme incluant l’utilisation/occupation de différents espaces du foyer, dans une relation d’ubiquité, en partie déterminée par les propriétés des artefacts ou objets supportant l’activité, et en partie déterminée par les contraintes et la qualité temporelles de l’activité en question : alors que « faire le ménage » peut impliquer, tout comme « faire le tour de la maison », l’ensemble du foyer, ou du moins une partie importante, les contraintes temporelles du tour de la maison, réalisé avant de quitter le foyer, imposent des restrictions sur l’engagement envers la tâche dont la nature ne peut être donc comparée avec faire le ménage (malgré des parcours dans l’espace qui pourraient paraître commensurables). Ceci est applicable aux pratiques chez les PR où, avec une logique analogue, il s’agit de ne pas quitter l’appartement, les week-ends par exemple, en laissant « du fouillis » (le gros du ménage étant fait par une employée extérieure au groupe familial).

Certaines activités sont décrites comme se déroulant en parallèle dans un espace unique (multi-fonctionnalité de certains espaces), ou de manière séquentielle (travailler à la table du salon, puis enlever les affaires de travail pour mettre la table et dîner). On pourrait parler respectivement de multi-activité synchronique et a-synchrone. En outre, d’autres activités sont réalisées dans des espaces/lieux spécifiques. Cette relation d’inclusion ou d’univocité est déterminée par : a) la configuration architecturale, par la culture architecturale, du foyer (la vaisselle se fait dans la cuisine car ce lieu est prévu pour cette fonction, mais aussi, dans la cuisine exiguë chez les RAF, sans table ni chaises, outre cuisiner ou faire la vaisselle, d’autres activités sont exclues) ; b) la décantation et matérialisation d’activités routinières dans des arrangements spécifiques du mobilier et des artefacts (lits, canapés, terminaux TICs, etc.), comme dans le cas du canapé-lit parental chez les PR, qu’ils déplient chaque soir et replient chaque matin et dont l’éventuel maintien en position lit durant la journée implique le rappel de normes parentales spécifiques vis-à-vis des enfants307.

Enfin, si chaque foyer compte certaines configurations et pratiques matérielles idiosyncrasiques, liées à des questions spatiales structurelles, d’autres configurations sont propres aux sédimentations et aux habitudes des membres, en lien à de activités particulières. Chez les RAF, par exemple, le repassage se fait toujours dans le salon et en réalisant une autre tâche, en parallèle, typiquement en regardant la télévision. Plus généralement, tel que le font remarquer des auteurs comme Bell et Dourish (2006), soulignons que les propriétés des espaces déterminent seulement en partie les activités qui peuvent s’y dérouler.

Notes
307.

On retrouve ici la notion de « régionalisation » de Giddens (1984) abordée dans l’état de la question.