Conclusion

Epousant une logique de recherche traditionnelle en sciences sociales, nous avons d’abord dégagé des régularités dans l’organisation de la semaine et des journées en nous servant des entretiens comme de simples ressources informationnelles (représentation typologique avec les types d’activités et d’usages technologiques, et les cinq phases des journées, et représentation synoptique, avec une tentative de schématisation graphique). L’aperçu global de l’organisation des semaines et des journées dans les deux foyers observés pointe – au –delà de quelques différences, parfois importantes du point de vue de la répartition des tâches, par exemple - de nombreux points en commun. Et ce à la fois en ce qui concerne leur composition démographique, les agencements artefactuels, et les principales routines. En présentant une synthèse des entretiens nous avons souligné le caractère fortement descriptif des récits, qui suivent un ordre chronologique unidirectionnel et linéaire, et dont le ton général315 donne l’idée d’une organisation certes intensive, mais plutôt fluide. Ces récits permettent d’imaginer des parcours individuels (ego-acteur/organisateur et/ou ego-acteurs/bénéficiaire de l’organisation menée par alter, ego et alter étant les membres du couple) mais ne nous donnent pas les moyens analytiques pour aborder les pratiques collaboratives et collectives (ni pour comprendre l’engagement situé d’ego dans l’action).

Enfin, les informations obtenues des entretiens permettent d’avancer un panorama général des routines domestiques : les routines périodiques ou cycliques, associées à certaines moments de la journée (les tâches liées à l’hygiène, les repas, les communications distantes destinées à donner certaines informations, etc.) ; les routines séquentielles (les accomplissements routiniers de chaînes d’activités comme le déjeuner du matin s’articulant à regarder la télévision) ; les routines permanentes, c’est à dire les activités récurrentes qui ne sont pas liées à des moments déterminés de la journée, mais qui sont mises en œuvre en fonction d’opportunités perceptives et de la contingence des activités.

La surveillance et le contrôle des activités d’autrui, notamment des petits enfants, est une pratique omniprésente ; les routines « usages », c’est à dire les activités de coordination et de contrôle de l’usage des TICs. Ces routines, localisées autour d’un objet donné, revêtent volontiers un caractère périodique (on allume la télé le matin pour voir telle ou telle émission) et relèvent d’une conception normative de l’usage des artefacts.

Dans le chapitre suivant nous aborderons les entretiens non pas comme simples sources d’information, mais en tant qu’activités discursives productrices d’objets discursifs délimitant des actions discrètes, définissables, évaluables, susceptibles de réformulations dans l’interaction. Nous verrons en quoi ces catégories de sens commun (et les compétences pour les produire, transformer, reformuler, etc.) participent d’une certaine stabilisation des expériences domestiques et familiales en tant qu’expériences et que pratiques sociales. Nous passerons donc des routines comme sources d’infiormation pour l’analyste aux routines comme descriptions et comme typifications des participants.

Notes
315.

Ces aspects seront plus amplement traités dans le chapitre suivant.