Dans les sections précédentes nous avons abordé des pratiques et un certain répertoire langagiers qui contribuent à typifier, à objectiver et à conceptualiser des cours d’action en tant qu’activités particulières, avec leur ancrage spatio-temporel. Nous avons déjà évoqué le fait que dire le temps, c’est à dire évoquer un jour de la semaine, phase de la journée ou moment, déclenche des déductions chez l’interviewé à propos de la nature, de l’ordonnancement séquentiel et éventuellement de la durée des actions et activités ayant lieu habituellement ces jours, et dans ces phases ou moments. L’exemple suivant, que nous avons déjà traité mais seulement en partie, l’illustre bien :
‘J.R. : le temps (où) Arthur dort Chloé elle aime bien, elle vient, c’est aussi un moment à elle donc c’est sympa, sans son petit frère. Simon, lui, il rentre, il joue à l’ordinateur (continue description du mercredi après-midi de Simon)Aux questions des enquêteurs de type et le soir (comment ça se passe) ?, ou et le week-end ?, les interviewés fournissent des actions qui évoquent la succession, ces labels temporels chapotant ainsi un ensemble d’actions, de tâches et de gestes qui relèvent de connaissances de sens commun et que l’on place aisément dans la plage temporelle définie dans la question de l’enquêteur, par le fil conducteur de l’entretien, etc.
Toutefois, la manière dont les interviewés disent le temps de l’action, associant une activité ou tâche routinière avec un moment de la journée, apparaît parfois trop condensé aux yeux de l’enquêteur : dans l’exemple suivant, après le tour de Christine donc on allume [la radio] en se levant et on éteint en partant. donc (…) en général y’a toujours la radio (…), I.F. demande des précisions sur les activités du matin :
Christine R., entretien du 28/12/2004
Projetant probablement un changement topical de la part de Christine vers les activités se déroulant après le départ du foyer (le petit-déjeuner avait été traité quelques tours avant, et l’énoncé à propos de la radio évoque un déploiement temporel complet, avec bornes gauche et droite), l’enquêteur « rebondit » : cherchant à creuser la description de la matinée avant que le déroulement chronologique du récit ne rende ce point caduque, il produit un tour métapragmatique qui invite à détailler la description d’une phase particulière de la matinée (« ce qui est fait le matin »), en particulier avant la préparation du petit-déjeuner déjà décrite par l’interviewée (avec l’expression adverbiale quand vous vous levez, vous… qui fonctionne comme embrayeur et comme localisateur temporel)366. Malgré ce type de vérification ou de recherche d’expansion descriptive, le fait de suivre l’ordre chronologique allant du lundi vers le week-end, ordonne fortement l’interaction et les enchaînements thématiques et suffit très souvent à marquer un repère temporel signifiant à partir duquel décrire des activités. De plus, des connaissances d’arrière-plan concernant la rythmicité des différents jours de la semaine est souvent mobilisée par l’intervieweur comme stimuli pour la description, comme dans le cas suivant :
‘ T.T. : le matin, j’imagine que vous avez des horaires un peu différents.S’associent dans cet exemple des repères temporels, des connaissances récemment acquises sur les routines de la famille (via l’entretien préalable avec le conjoint)367 et des raisonnements de sens commun.
La référence à Mme Murphy est intéressante car il s'agit d’un euphémisme, il est traité comme non partagé et est donc expliqué, et enfin est mentionné comme une activité extrêmement routinière et banale mais qui est généralement non mentionnée, voire tabou. Merci à L. Mondada d'avoir attiré mon attention sur point.
On pourrait voire cette intervention de l’intervieweur comme une occurrence elliptique de « dire l’action (aller à/emmener à) école ».