6.4. De la routine comme norme éducative et comme dispositif temporel : une première approche

Parler en termes de routines, de patterns d’action, bref, déployer un répertoire discursif objectivant, relève certes d’un ajustement à la demande de la situation d’enquête mais met aussi en lumière le fait que, lorsque l’on demande à des acteurs de parler de leur vie quotidienne et de leurs activités domestiques, ceux-ci se montrent très compétents, maîtrisent des formes narratives et une descriptibilité particulière de l’action, et se constituent en organisateurs et en garants de la vie familiale. A travers les patterns d’action, les parents décrivent non pas le jonglage, parfois difficile (tel que le montrent les analyses vidéo), entre de multiples horizons temporels, sphères d’action, de participation et de sens, mais plutôt leur capacité à les configurer en faisceaux signifiants et compacts, leur capacité à réaliser, coordonner, synchroniser et contrôler des activités objectivées et stabilisées. En plus d’être les garants matériels et financiers de la maisonnée, les parents se donnent à voir comme les principaux éducateurs, organisateurs et norma(lisa)teurs378, en dépit du manque de temps et de l’affairement généralisé. Dans la section 6.4.3. du chapitre précédent, nous avons abordé le ton général des entretiens comme exhibition de normalité et d’intelligibilité vis-à-vis des enquêteurs, et avons pointé la portée normative « en creux » dont était porteuse la reconstruction post hoc des activités. Nous aborderons ici quelques (règles ou) maximes (explicites ou pas) relatives à l’organisation des activités et de leur(s) temporalité(s), telles qu’elles sont mobilisées lors des entretiens et qui jetteront une première lumière sur les questions éducatives, norma(lisa)trices et morales propres au foyer379.

Notes
378.

Nous traiterons davantage la question éducative et sa relation avec le travail parental dans le chapitre 8.

379.

Les participants s’expriment abondamment sur un certain nombre d’usages technologiques dont voici les règles ou maximes - autres que temporelles – qui les « régissent » : entre les membres du couple, et ce dans les deux foyers, le téléphone est utilisé pour des activités pratiques de coordination ou, dans les cas d’absence d’un des parents du foyer, pour des vérifications générales et pour donner des nouvelles courtes ; les appels téléphoniques passés auprès de personnes en dehors de la famille nucléaire poursuivent généralement des visées organisationnelles, chez les PR alors qu’ils poursuivent généralement des visées de sociabilité chez les RAF, et semblent plus rares.