7.3.1. Pratiques de verbalisation de l’action

Un des premiers phénomènes que l’on remarque on observant les données vidéo est le grand nombre de vocalisations et de verbalisations/commentaires d’action, notamment chez les adultes. Dans un état de parole ouvert (Goffman, 1987 : 144), pendant qu’ils vaquent à leurs occupations, et/ou qu’ils se déplacent d’un lieu à un autre du logement, les participants produisent de nombreux énoncés généralement perceptibles par les co-présents400 mais qui ne semblent adressés à personne en particulier. Ce phénomène fait écho à ce que Goffman appelle blurtings 401 (Goffman, 1978) et plus particulièrement au sous-groupe soliloque402 . Nous verrons dans cette section plusieurs exemples de marquage des flux de l’action et des flux matériels dans le foyer, marquages typiques de cet espace où l’état de parole est latent, toujours potentiellement ouvert. La conversation comme format d’action verbale focalisée conjointe est loin d’être le format d’interaction prépondérant à la maison, où souvent les habitants co-présents vaquent chacun à ses occupations, les cadres de participation pouvant changer à tout moment et une interaction focalisée s’initier. L’état de parole ouvert implique donc la possibilité de scander publiquement le déploiement de sa propre activité et de publiciser ainsi leur propre engagement et disponibilité vis-à-vis des autres.

Notes
400.

Engagés dans leurs propres activités, ce qui donne lieu à un contexte d’activités éparpillées.

401.

Bien que de nombreuses exclamations et imprécations (les deux autres sous-groupes identifiés par Goffman, 1987) aient été observées de notre corpus, de type zut y a plus de lait ! (adulte seul face au frigo ouvert), elles ne seront donc pas traitées ici en priorité.

402.

Les blurtings ont pour effet de réclamer – pour un temps limité - l’attention de toute personne présente dans la situation comme si nos propres soucis devaient aussi être les leurs (Goffman, 1987 : 130) ; l’auteur distingue au sein du soliloque (self talk) les imprécations, et parmi eux, les exclamations semi-lexicales (oups ! par exemple). Le soliloque stricto sensu comprend lui les commentaires ou jugements de nos propres activités, les marquages de ruptures dans ce que nous faisons, etc. (Goffman, 1987 : 86).