7.3.4.3 Cas 3

Cet extrait met en exergue la complexité interactionnelle et matérielle de la réalisation de cette transition, ainsi que son caractère négocié et écologiquement ancré dans l’écologie du foyer. Regardons d’abord uniquement la dernière partie de cette longue séquence, celle où apparaît la particule structurante bon.

RAF – lundi, 09/05/05 : phase finale du repas du soir :

Cette version de l’extrait met en exergue l’occurrence non préférentielle d’une séquence question-réponse. La question est ici un procédé qui permet à l’enfant de proposer une autre trajectoire séquentielle avec une réponse et éventuellement un déplacement de l’attention sur autre chose que ce qui est demandé par les parents. A la question de Maguelone, posée à la cantonade, le père réplique en utilisant la particule bon suivie d’un vocatif nominal : il réagit ainsi au fait que la fillette n’agit pas de manière adéquate … mais pourquoi ? Albert gronde sa fille, réussissant à arrêter l’activité de celle-ci, qui finit par quitter le salon en se plaignant. D’où tire la particule bon sa force organisationnelle vis-à-vis de l’interaction ?

La séquence « action-réaction-évaluation » laisse trop de questions en suspens. Tel que nous l’avons déjà fait pour d’autres cas, nous avons élargi la portée de la séquence à analyser, ce qui nous emmène presque deux minutes en arrière. On verra ainsi que la longueur de la séquence dans laquelle s’insère la particule bon, en tant que particule structurante pour l’action, rend compte à nouveau de l’extensibilité temporelle des négociations parents-enfants dans la sphère domestique et familiale et du travail parental engagé.

RAF – Lundi 09/05/2005, 20:57 : Christine épluche un fruit, Maguelone est en chemise de nuit et Albert va et vient entre salon et cuisine, débarrassant. Thomas exhibe verbalement, corporellement et matériellement un travail de repassage effectué – pour la première fois- quelques heures plus tôt ; les deux parents le félicitent ({#5} et {#6}).

Ext. (i)

Albert va en cuisine et suit l’échange suivant entre Thomas, Christine et Maguelone :

[Accès à la note479]

[Accès à la note480]

On voit ici que, de manière tout à fait occasionnée, aux ls. 20-24 Maguelone recycle la modalité énonciative utilisée peu avant par son frère (ls. 5-9) : on retrouve les caractéristiques prosodiques et syntaxiques du tour de Thomas dans celui de Maguelone, bien que, contrairement au premier (qui réalise un downgrading, classique face à un compliment), le tour de la fillette sert à annoncer de manière quelque peu provocatrice (cf. notamment la manière dont elle articule parole et regards vers la mère, ls 20 et 25), une activité non prévue, et temporellement inadéquate, à ce moment de la soirée : regarder la télé. Malgré l’injonction de Christine (l. 26)481, et malgré l’orientation vers la mère pendant ce tour, Maguelone poursuit son action (dont la partie matérielle est d’ailleurs réalisée avant même d’en faire l’annonce). Or, allumer le poste ne suffit pas (différentes chaînes sont disponibles via la « box »). Ainsi, dès que le poste de télévision est allumé {#13} Maguelone se tourne vers l’appareil {#14}, puis vers la télécommande :

Ext. (ii)

Face à la persévérance de Maguelone, désormais entièrement engagée dans la manipulation technique et la sélection de diverses chaînes, Christine cherche à contrôler l’action de la fillette en annonçant le peu de temps restant avant l’activité suivante et finale de la journée (le coucher). Comme noté avant dans ce chapitre, le futur paraphrastique « on va faire X » est construit avec le pronom inclusif « on » : bien que Christine aille se coucher beaucoup plus tard que Maguelone, cette forme produit une atténuation face à la séparation de l’enfant d’avec le reste de la famille. Ici, de plus, la mère accompagne la fille au lit pour lire l’histoire, ce qu’elle lui annonce peu après. Le tour de la mère rend compte donc du fait que allumer la télévision et a fortiori choisir une chaîne avec la télécommande (ce qui n’est pas une manipulation banale pour Maguelone) ne trouvent pas leur place légitime dans le cours de l’action présente faute de temps disponible.

L’imminence du coucher configure, et est configuré à son tour, par l’injonction - elle aussi fortement atténuée – de la seconde partie du tour de Christine : ls. 44-45 la mère demande à Maguelone si elle ne veut pas « plutôt » aller se laver les dents, activité pertinente par excellence482 dans le cours des enchaînements préparatoires vers le coucher (après je te racont-). On peut supposer que le changement de ton, de volume et le léger glissement topical à partir de la l. 51 résultent du fait que Christine a entendu des bruits venant de la cuisine, bruits qui ne peuvent que concerner la présence active d’Albert : ainsi, le travail exhortatif et argumentatif de Christine vis-à-vis de Maguelone intègre désormais des activités traitées comme faites ou à faire entre père et fille.

Toutefois, la fillette ne réagit pas aux tentatives clôturantes de Christine et poursuite son cours d’action. Albert arrive alors dans la salon :

Ext. (iii)

On voit que le fait d’allumer la télévision a une incidence attentionnelle non seulement sur celui qui active l’appareil (Maguelone) mais aussi sur Thomas et en moindre mesure sur Christine. Malgré le mouvement désapprobateur de du père qui vient de les rejoindre le salon, Maguelone persévère remarquablement dans son non-alignement/non-obtempération, en particulier à travers la poursuite, voir la consolidation, de son engagement actionnel et corporel dans l’activité « regarder la télévision/activer-manipuler la télécommande » (par exemple lorsque, non satisfaite par le résultat obtenu, elle reprend la télécommande et active de nouvelles touches). Ceci réside probablement en partie sur le fait que, suite à la réponse humoristique fournie par Thomas (et par le fait qu’il se montre manifestement intéressé par ce qui passe à la télévision qu’elle vient d’allumer), Maguelone n’a plus l’obligation de répondre (ls. 64-67) et peut continuer son activité (à la fois satisfaite et amusée).

Voyons cela en détail. Le père met en œuvre de multiples stratégies : la sanction produite par l’évaluation interrogative du tour qu’est-ce que tu(elle) nous fais(t) là ? constitueun locuteur collectif, collectivement « lésé ». Du moins c’est ce trait qui est relevé par Thomas, lequel se joint à sa façon à la plainte parentale. De manière ironique et ludique (notamment par l’utilisation du terme argotique squatter) Thomas « dénonce » le fait que sa sœur cadette regarde et manipule d’elle-même la télévision (à une heure indue, occupant la place temporelle de visionnage d’autres membres « habilités », se couchant plus tard et regardant d’autres types d’émission également). Or, ls. 69-71, Maguelone non seulement poursuit son activité mais on voit aussi qu’elle sourit, l’air satisfaite, face à l’intervention de Thomas (qui d’ailleurs se retire du salon tout en portant de manière manifeste son attention vers l’écran, ce qui légitime la conduite de sa jeune sœur). Le tour de Thomas semble ainsi reconfigurer -et rendre moins efficace du point de vue performatif- le caractère sanctionnant du tour initial d’Albert, qui, de son coté, semble changer de stratégie : après un coup d’œil furtif aux objets environnants, et très vraisemblablement à la télécommande posée de l’autre coté de la table, le père déploie une nouvelle ligne d’action pour faire cesser l’activité de Maguelone, qui est désormais devenue une sorte de taquinerie ludique à l’intention des co-présents. Alors qu’elle continue à effectuer des manipulations avec la télécommande dont elle s’était saisie, le père s’empare de la seconde télécommande, éteint le poste de télévision, dissimule ce second artefact derrière son corps et, de manière située et opportuniste, se sert de la présence d’un petit objet (non identifié) posé sur la table pour détourner l’attention de Maguelone. Or, elle continue à manipuler la télécommande, visuellement et corporellement orientée vers l’écran de télévision (ls. 85-87)483. Pendant quelques instants Albert réussit à détourner la fillette de son activité, et même à stopper sa démarche vers le poste, en créant une sorte d’intrigue autour de l’objet à identifier.

Mais, in fine, Maguelone se réoriente vers la télécommande et vers « ses » commandes484. Dans cette partie de l’extrait Maguelone semble montrer qu’elle apprend à se servir de la télécommande, en exhibant une nouvelle capacité technique485. Nous avons dit que Albert détourne la fillette de son activité en créant une sorte d’intrigue autour d’un objet non-habituel mis que finalement Maguelone, tout en finissant la réponse au père, se tourne à nouveau vers la manipulation de la télécommande. Albert change alors à nouveau de stratégie, et met sa fille au courant du caractère (désormais) inutile de ses tentatives :

Ext. (iv)

A la ligne 112, Maguelone repère la télécommande utilisée par le père. Albert intervient alors à la fois verbalement, corporellement et matériellement pour que la fillette « laisse donc tranquille » la télécommande (objet clé de la séquence, qui n’est pourtant jamais évoqué au sens plein du point de vue référentiel) : l’énoncé du père est certes directif, la prononciation appuyée et le tour verbal articulé à un acte corporel sans équivoque (reprise de la télécommande des mains de Maguelone) mais, le fait d’utiliser un connecteur logique (donc), ainsi que la qualité de la voix (susurrée), rendent le ton général bienveillant, « emmené », ce qui dédramatise la confiscation de l’objet (ls. 113 à 115). Ensuite, et après que Christine l’ait fait en début de séquence, Albert ré-évoque le brossage de dents comme la prochaine activité pertinente, qualifiant le temps présent en tant que l’heure d’aller brosser les dents. Cette qualification caractérise et typifie un temps chronologique mais surtout une phase de la journée par rapport à ce qui a précédé et à ce qui a suivi et une activité pertinente. Nous voyons ici la différence entre typification descriptive telle que nous l’avons observée dans les entretiens, et typification performative, comme c’est le cas ici.

Aux ls. 117-119 Maguelone contre-attaque : elle semble avoir compris la « manipulation », à la fois technique et interactionnelle du père, et s’en va de l’autre coté de la table, tout en verbalisant (en grommelant presque) son action. Et saisit la seconde télécommande (l. 121). Alors, on observe un procédé parental souvent à l’œuvre : une passation de relais dans l’accomplissement du contrôle. Christine remplace Albert, qui, lui, avait déjà remplacé Christine peu avant. A la l. 122 la mère utilise une forme d’adresse souvent observée après une série de séquences injonctives échouées486, c’est à dire le prénom de l’enfant qui fonctionne ou est censé fonctionner comme injonction terminative suffisante dans ce type de contexte séquentiel. Or, la fillette n’obtempère toujours pas. Et le père qui est juste à ses cotés au moment où elle reprend la télécommande se plaint (en enchaînant sur le tour de sa femme) : la plainte paternelle est contrôlée mais nette, et qualifie cette fois-ci non pas le moment (comme étant celui où l’on fait telle chose plutôt que telle autre), mais le comportement de sa fille : un comportement qui « fatigue ». Aux ls. 126 et ss. la mère reformule le tour directif, interpellant à nouveau sa fille par son prénom puis lui ordonnant d’aller se laver les dents (comme on le voit, après une série cumulative d’échecs et de non-alignements, il n’y a plus de modalisations ni de mitigations dans les tours parentaux). Et ce au même temps que le père adresse à Maguelone un regard sanctionnant inéquivoque487.

Après une dernière manipulation sur la seconde télécommande, Maguelone obtempère et commence à quitter le salon, en silence. Mais l’écologie du foyer abonde en matériaux aguicheurs, en affordances détournantes, capables de modifier une trajectoire apparemment stabilisée, acquise à l’achèvement d’une transition, par ex. Surtout chez les enfants, comme le montre la suite et fin de l’extrait :

Ext. (v)

Maguelone, l. 140, pose une question à propos du dispositif d’enregistrement, question qui, d’un point de vue syntaxique, recycle et calque même celles posées avant par la mère puis par le père, à propos d’autres objets (celle du père, rappelons-le, initiant une séquence question-réponse avec la fillette, séquence dont la visée pratique était probablement la diversion). Construite de la même manière au plan linguistique, l’objet auquel réfère le pronom ça n’est toutefois pas disponible à la perception de tous les co-participants ici, ce qui demanderait qu’Albert se retourne ou pose une question réparatrice à son tour, pour savoir à quoi la fillette fait référence. Rien de tout cela n’a lieu : ce qui suit immédiatement la question de Maguelone n’est pas une seconde partie de paire question-réponse, mais une première partie de paire injonction-action. Néanmoins, on ne pourrait comprendre le fonctionnement de cette paire adjacente, sans lui restituer le contexte préalable des différents actes et tentatives de contrôle de l’action de la fillette par les parents.

Cette longue séquence de transition et de négociation sur la pertinence des activités et des orientations en cours montre un travail interactionnel qui attribue un caractère d’abord préférentiel, puis normatif et enfin impératif au coucher. Une variabilité que l’on ne pourrait pas expliquer sans la prise en compte de la dynamique et de la nature éminemment cumulative de ce type d’échange transitionnel au bout duquel apparaît le tour composé de la particule bon, suivie d’une pause et finalisée par le prénom de la fillette. Le bon par lequel le tour du père commence du tour d’Albert, prononcé sans laisser de place à un éventuel prolongement du tour de Maguelone, renforce ainsi le caractère directif (141-142) du terme d’adresse. Sous la forme du pronom (neutre) de la fillette le père réussi à attirer son attantion488.

Du point de vue du redirectionnement – et du déplacement physique- de l’activité, le mouvement du père est efficace : Maguelone finit par se diriger vers la salle de bain. Mais du point de vue de la définition de la situation, les choses sont moins simples. Tout en se dirigeant vers l’espace d’activité visé par les différentes interventions parentales (la salle de bain) la fillette rend manifeste sa trajectoire en marquant bruyamment ses pas dans le couloir. Ceci lui permet d’exhiber son obtempération et, en même temps, contribue au façonnage d’une nouvelle posture de résistance, qui exploite des attentes et des normativités communicationnelles particulières : les préférences conversationnelles (Atkinson et Heritage, 1984)489. Maguelone se plain de ne même pas avoir le droit de poser des questions (ls. 147-149). De ce point de vue, le tour plaintif de Maguelone pourrait revendiquer le droit à faire ce que la mère et le père ont fait durant les dernières minutes. Mais, surtout, il justifie rétrospectivement son comportement, en atténuant la sanction paternelle et « dénonçant » implicitement le caractère non préférentiel de la réaction du père. Car à la place d’une réponse, il produit une ultime sommation, contrant un environnement potentiellement perturbateur et consolidant l’environnement normatif des mouvements préalables. La question de la fillette devient ainsi un énoncé susceptible de sanctions et et effectivement sanctionné par une « correction » de la trajectoire d’action et du focus d’attention, de la part du père. En effet l’intervention stoppe la trajectoire potentielle de la question. La question est non pertinente au plan conversationnel car problématique du point de vue de la moralité pratique des échanges ayant eu lieu jusque là, au plan actionnel, temporel et normatif490.

Le rire d’Albert (ls. 150 et 152), enfin, semble montrer un amusement vis-à-vis de l’utilisation métalinguistique et méta-pragmatique491 que fait Maguelone de savoirs et d’attentes normatives partagés à propos des pratiques de communication492. Soulignons également que le rire, qui fonctionne ici comme marqueur clôturant, rend compte d’un changement de perspective (Glenn, 2003)493 du père sur le comportement de Maguelone. Comme si, en quelque sorte, il s’alignait avec sa fille (et orientait aussi Christine vers cette nouvelle direction)494.

Nous n’avons pas trouvé autant d’occurrences des particules discursives structurantes chez les RAF que chez les PR. Une fois cette réserve faite, on peut néanmoins souligner que ce dernier extrait rend compte de l’opérativité de la particule bon, prise dans une forme partiellement différente à celles vues précédemment. Des pistes de recherches sont donc ouvertes, dans le but de systématiser et d’approfondir les connaissances sur l’utilisation de certains éléments du français oral et, plus largement, sur leur place au sein des dispositifs discursifs, interactionnels et cognitifs propres à l’organisation quotidienne de la vie domestique.

Dans la section suivante nous interrogerons la notion d’action réciproque ou de co-orientation, fondamentale en linguistique interactionnelle et en analyse conversationnelle à la lumière de certains éléments émergeant des résultats produits jusqu’ici.

Notes
479.

Il s’agit de la lettre « m » imprimée sur une des taies repassées par Thomas et qui appartient probablement à Maguelone.

480.

Pour comprendre la mise en scène de ce tremblotement, rappelons que Thomas est supporteur de l’équipe de football Paris Saint-Germain, rival traditionnel de L’Olympique de Marseille.

481.

Injonction, comme celles observées aussi chez Justine, insérée dans un tour multi-unités, aux objectifs pratiques et aux destinataires multiples, marqués par des changements dans les patterns intonatifs et les formes d’adresse.

482.

Et prononcée avec plus d’emphase et un volume légèrement plus élevé de la voix, que la partie initiale du tour.

483.

Il y a ici un nouveau recyclage langagier, cette fois-ci intégral, entre la question de Christine et celle de Albert, qui reprend le tour tel quel, bien que pour de bien diverses fins. Nous n’avons qu’une seule prise pour cette première journée d’enregistrements chez les RAF et n’avons donc malheureusement pas accès aux expressions du visage et aux orientations du regard de Christine ; néanmoins on peut penser que sa question ls. 70-71, concernant l’émission de télévision, soit marquée par le rire à cause du fait que Albert vient d’éteindre subrepticement le poste. Ce problème de la prise de vue unique (complémentée seulement partiellement par celle du couloir) ne nous permet pas de voir ce qui se passe à l’écran et décrire exactement les effets des manipulations des participants. Le son et les reflets des images télévisuelles sur les corps des participants fournissent néanmoins certains éléments.

484.

Alors que, pour éteindre la télévision au moyen de la télécommande, l’adulte déploie des mouvements fluides, rapides, en utilisant une seule main et sans regarder l’écran (tout en orientant son regard sur un autre objet, ce qui lui permet, juste après la « dissimulation » de la télécommande derrière son corps, de saisir l’objet en question et de faire ensuite diversion auprès de Maguelone), la fillette se place frontalement par rapport à l’écran, entièrement engagée dans l’activité, le regard tourné vers l’écran (ou à défaut vers la/les télécommande/s), la télécommande prise dans les deux mains et pointée vers la télévision. Ces différentes de coordination sensori-motrice sont, plus fondamentalement, des prestances et des hexis corporelles différentes, qui rendent compte de l’étroite relation entre compétences techniques, degré d’appropriation des artefacts et type d’engagement vis-à-vis de l’action et de la matérialité dans le foyer (cour d’action plus ou moins focalisés, multi-activité, etc.).

485.

Nous remercions L. Mondada d’avoir pointé cet aspect de la séquence.

486.

Où les enfants ne s’alignent pas sur les demandes et/ou injonctions parentales et ce à plusieurs reprises, créant une dynamique cumulative et relativement tendue de l’activité de contrôle.

487.

Comme l’a montré M H Goodwin (2006), le contact visuel semble un élément essentiel pour les parents dans les séquences directives.

488.

Comme déjà vu dans ce chapitre, l’utilisation du prénom de l’enfant engage la responsabilité individuelle de l’enfant dans le cadre d’une négociation et renforce le mouvement directif parental suite à des tentatives sur lesquelles l’enfant ne s’est pas aligné. Ce dernier aspect est tout particulièrement présent dans les cas où le prénom, prononcé de manière particulière, constitue la seule unité du tour.

489.

Selon ces auteurs la notion de préférence (et ses termes corrélatifs préférentiel-non préférentiel) concerne le fait que certains choix entre des cours d’action non-équivalents se font de manière routinière, donnant lieu à une classification (au sens de hiérarchisation) institué. Le terme ne fait pas référence à des formats de préférence subjective mais à des attentes normatives ordinaires socialement observées.

490.

Dans la perspective des motifs de l’action de Schütz (1967), la fillette questionne l’intervention d’Albert dans la mesure où elle modifie le motif-en-vue-de(in-order-to motives) de sa question. Réflexivement, le motif-parce-que(because motive) de l’opposition du père face au tour de la fillette (qui en ferait une énième dilation à laquelle, sur la base des expériences passées, il est souhaitable de mettre fin) est transformé et se voit « affaibli ». Schütz nous dit qu’un motif peut être saisi rétrospectivement par l’acteur lui-même s’il devient son propre observateur. Ce que l’on voit dans les foyers, ce sont des acteurs observateurs de leur propre action et de celle d’autrui, mais aussi des acteurs observateurs des interprétations et des observations d’autrui. En famille, il ne s’agit pas seulement de guider pratiquement l’action des enfants mais aussi de guider leur interprétation (il s’agit de tel ou tel type d’action, de moment, etc. ?) pour une progressive autonomisation de l’action elle-même. Et dans cette dynamique quotidienne, se déploient de multiples apprentissages, mais aussi de multiples jeux, de langage et de perception notamment. Avec des données comme les nôtres on accède à la dimension socialisatrice et non pas fondamentalement individuelle des trajectoires pratiques et cognitives de l’action. Comme le montrent les extraits analysés dans ce chapitre, et notamment les derniers où est à l’œuvre un travail méta-organisationnel, les contraintes de cohérence qui pèsent sur tout projet d’action sont en grande mesure des contraintes temporelles, qui elles-mêmes contribuent à l’interprétabilité de l’action « sous une description ».

491.

Dans une situation où plusieurs cadres peuvent avoir potentiellement lieu, la métacommunication établit une nouvelle disponibilité de cadres de telle sorte que des activités substantiellement différentes peuvent avoir lieu (cf. les notions de frame policy et cross-frame proposées par Fatigante, Fasulo et Pontecorvo 2004 : 60).

492.

Avec Jefferson (1987) on sait que le rire fait de l’élément conversationnel ou action auquel il s’oriente un laughable et, par là même, il contient une invitation au rire auprès de l’autre partie, ici Christine.

493.

Cet auteur décrit le rire comme un des principaux frame markers opérant le passage, du moins entre adultes, vers du ludique (shifting into playfulness, Glenn, 2003 : 28)

494.

On voit tout l’intérêt, tel que le proposent Ochs & Schieffelin (1984), ou Pontecorvo & Fasulo (1997), par ex., à ne pas considérer le statut de novice des enfants au sens de ce qui leur manque, mais plutôt comme le résultat de transactions constantes entre les compétences par eux revendiquées, leur habilité à les déployer verbalement et ce que les membres de la famille sont susceptibles, prêts ou capables de leur reconnaître.