7.4. Impulser l’action en parlant tout(e) seul(e) : un pavé dans la mare de l’attention mutuelle ?

S’aligner sur une orientation actionnelle collective (du moins celle asymétriquement instituée par les parents) n’est pas toujours synonyme, comme dans le cas que nous venons d’examiner, d’actions réciproques au sens de « concertées » (co-orientation et ajustements mutuels). Il semble donc que la notion interactionniste de co-orientation doive être articulée à la notion de Simmel de sociation. Celle-ci intègre l’aspect processuel-temporel et la dimension de l’action ; de ce point de vue, on peut dire que les mécanismes de sociation dans le foyer, le monde commun du domestique, se basent sur des disjonctions de cours d’action, autant que sur des conjonctions.

Comme le propose Lynch (2004), nous considérons ici l’importance de ce qu’il appelle un place-time, entièrement localisé dans et à travers des intuitions vernaculaires. Un place-time est toujours dépendant d’une compétence de reconnaissance locale (qui présuppose le fait que les autres le reconnaissent également) : un place-time particulier informe la reconnaissance d’une « question » posée, ou l’impression d’un locuteur sur le fait que son interlocuteur « n’écoutaient pas ». Dans la vie familiale, on assiste à une production constante de schémas interprétatifs reconnaissables, qui permettent d’influer sur la manière dont l’autre agira et sur la manière dont il interprétera les situations quotidiennes et les motivations de l’ensemble des membres, en particulier des parents. Projeter des activités collectives ou collectivement guidées repose sur le fait de « voir », d’interpréter une situation de manière partagée. S’attendre à, au sens de compter sur, l’application des principes de coopération et de pertinence est donc indissociable du travail interprétatif et interactionnel fait au quotidien. Ceci nous emmène vers l’analyse plus large des formes de coordination et d’interprétation à l’œuvre dans les contextes de leur occurrence : vers l’analyse de cadres qui organisent et rendent compte de la situation, qui servent de guides et de régulateurs de l’action, sans pour autant émerger de contextes classiquement collaboratifs ou coopératifs.