7.4.2. Caractéristiques formelles de l’utilisation de la particule bon

Schegloff & Sacks (1973), dans leur article sur le travail mené par les interactants pour clore un échange téléphoniques, ont décrit en ces termes les pré-clôtures composées uniquement d’énoncés de type we-ell, « ok » ou so-oo présentant des contours prosodiques descendants :

‘(These) formats should properly be called ‘possible pre-closings’ because providing the relevance of the initiation of a closing section is only one of the uses they have. They occupy the floor of a speaker’s turn without using it to produce either a topically coherent utterance or the initiation of a new topic. Business seems to be to ‘pass’ give a free turn to a next. Utterances of the form “we-ell” operate as possible pre-closings when placed at the analyzable end of a topic.(Schegloff & Sacks, 1973 : 304-305).’

Le mouvement produit par ces formes est celui de la pré-clôture d’une activité ou phase d’activité, éventuellement suivi d’un mouvement de pré-ouverture d’une nouvelle activité ou phase d’activité. Les « pré- » analysé dans ce chapitre, en revanche, ne donnent que rarement lieu à des répliques, et ne fonctionnement donc pas comme des paires adjacentes standard. De plus, l’unité est l’activité ou la phase d’activité, et non la conversation, ou un thème particulier, s’agissant pour nous de considérer les unités organisationnelles particulières qui caractérisent les transitions entre unités. Cette différence réside notamment dans le fait que, dans le foyer, les participants se trouvent dans des contextes de multi-activité, dans un état pratiquement continu de parole naissante/latente (incipient) et pas exclusivement (ni même majoritairement) dans des interactions focalisées. Schegloff et Sacks (1973) ont souligné qu’il s’agit, dans leur article, de comprendre les clôtures du point de vue de la façon dont les participants mettent un terme à un certain état de parole et que, par conséquence, leur perspective

does not hold for members of a household in their living room, employees who share an office, passangers together in an automobile, etc.(ibid. : 324-325).’

Rappelons que Schegloff et Sacks (1973) pointent deux composants indispensables à l’accomplissement d’une clôture conversationnelle effective : l’échange terminatif qui, par l’utilisation d’une organisation en paires adjacentes, réalise collaborativement la mise en arrêt du fonctionnement des règles de transition et d’alternance des tours, d’une part, et, d’autre part, l’initiation proprement dite de la section qui légitime/assure (warrant) d’entreprendre la routine dont la partie finale clôturera effectivement la conversation (ibid. : 318). Le travail spécifique d’une section clôturante est d’arriver à un terme dans une conversation, offrant une unité dans laquelle l’échange terminatif peut avoir lieu. Dans le cadre d’une section clôturante, comprise comme une unité organisationnelle498, certains marqueurs peuvent fonctionner, à des frontières entre activités ou phases (perceptibles par les acteurs en tant que telles), comme première partie d’une paire adjacente : si le pré- est accepté, si à un premier ok, we-ell, etc. suit un autre de l’interlocuteur, par exemple, alors s’établit (plus que la possibilité, plus que la simple orientation vers la clôture), an actual first exchange of the closing section (ibid. 309).

Notre corpus montre que, à l’instar des conversations (bien qu’avec différentes ressources et procédés interactionnels, et donnant forme à des régularités d’un autre type), les activités sont elles aussi, organisées, structurées, segmentées de manière reconnaissable. Or, puisqu’il détermine nécessairement un point au cours du développement des activités, le marquage verbal du/sur le flux d’action implique souvent une fin d’activité X et parfois un début d’activité Y (ou un début de X’). La question de la directionnalité est liée à la dynamique ordinaire de l’expérience : si quelque chose se termine, notre expérience vécue nous dit que quelque chose d’autre suivra. Ce trait sémantique et séquentiel de « pré-séquence » est toutefois moins fort que celui qui implique qu’un marquage menace de clôture l’action en cours : le caractère clôturant semble donc premier, le caractère ouvrant, second. Le maillage et la récurrence des marquages donnent lieu, ensemble avec les autres procédés organisationnels, à des configurations routinières. Or, il serait difficile de comprendre ce maillage sans parler du marquage à deux points, c’est à dire de la segmentation des flux d’action, qui confère une durée. La segmentation est productrice de durées et est indissociable des projections d’activité dans le futur (par exemple lorsqu’une projection vers l’activité suivante implique une segmentation durative de l’activité en cours : « après celui-ci on éteint »). Ce sont les phénomènes que nous aborderons au chapitre suivant.

Notes
498.

Avec la notion de section les auteurs soulignent le fait qu’il s’agit d’unités « tendues vers » une clôture, à la fois reconnaissables comme unités par les acteurs, mais poreuses, non déterministes (susceptibles donc d’héberger des réouvertures topicales, des expansions, etc.).