7.4.2.2 Les formulations d’actions : des pratiques exceptionnelles ?

En ethnométhodologie on assume généralement que, dans les contextes ordinaires, les membres sont engagés dans des activités où ils n’ont pas à produire une description exacte ni une catégorisation de leurs activités, à la différence des contextes formels (comme une plainte à la police, une demande d’aide à un travailleur social, etc.). Une connaissance est explicite lorsqu’elle est assertée ou rendue dans le langage par une forme propositionnelle déclarative. Or le langage employé dans une activité quotidienne serait rarement déclaratif, dans la mesure où le membre est en position de participant et n’est pas engagé dans l’activité de produire une description exacte de ce qui se passe. Lorsqu’on accomplit un acte de parole, on ne décrit pas en même temps l’acte qu’on accomplit (cf. Austin 1970). Lorsqu’un observateur, profane ou professionnel, demande à un interlocuteur de décrire ce qu’il fait en situation d’entretien (décrire c’est souvent répondre à une question), le membre est alors invité à produire ce que Garfinkel et Sacks appellent une « formulation ». Dans l’approche ethnométhodologique, la notion de formulation réfère à la manière dont les acteurs désignent et définissent des actions langagières :

We shall speak of conversationalist’s practices of saying-in-so-many-words-what-we-are doing as formulating (Heritage et Watson, 1979 : 124).’

De ce point de vue, l’organisation des activités dans le foyer se fait sur la base de pratiques typifiantes, catégorisantes, mesurantes mais aussi de pratiques de formulation. Les particpants en produisent de très nolmbresuses formulations temporelles et actionnelles, liées entre elles d’un point de vue catégoriel : c’est l’heure de faire telle chose, on fait telle et telle chose jusqu’à telle heure, etc500.

Dans les chapitres suivant nous verrons la place des marqueurs discursif dans l’expression du caractère transitionnel d’une situation.

Notes
500.

Tel que l’ont montré Wieder (1974), ou Wootton (1986) dans son travail sur les interactions adulte-enfant, la technique consistant à placer une règle dans des contextes séquentiels et situationnels récurrents contribue à la routinisation de l’action et des activités familiales (embody interactional practices and contribute to organize the flow of events : Wootton, 1986 : 161). C’est tout l’avantage de choisir l’étude des manières dont les acteurs invoquent les règles plutôt que l’étude du seul contenu de ces règles. C’est ce qui se passe également avec les formulations temporelles et actionnelles, avec leur panoplie de règles convoquées dans des contextes particuliers et récurrents.