7.4.2.3 Les marqueurs discursifs comme transitions démonstratives. Eléments de description

A l’instar des travaux de Bruxelles et Traverso (2001, 2006) ou encore de Bruxelles, Greco et Mondada (2009) sur les marqueurs, ou petits mots du discours501, nous avons décrit le fonctionnement de l’élément bon 502, dans la mesure où, présent à des moments charnière et dans des situations interlocutives complexes, il permet d’aborder un certain nombre de situations organisationnelles à la maison, malgré son caractère plutôt microscopique. D’un point de vue prosodiques, ces bons de structuration503 sont caractérisés par une intonation descendante504, souvent par une prononciation appuyée et parfois par un allongement vocalique. Aussi, ne sont pas rares les cas de bons précédés et/ou suivis d’expirations aisément perceptibles, marquant un effort et/un agacement. D’un point de vue séquentiel, ce marqueur se situe après une pause relativement longue dans la production verbo-vocale, et est suivi d’une autre pause, relativement longue également :

En ce qui concerne l’action corporelle, gestuelle, etc. (non verbo-vocale), en revanche, elle se juxtapose à la production des marqueurs et n’est pas caractérisée par un balisage bi-pause de part et d’autre : l’énonciation du marqueur bon se juxtapose souvent à la manipulation d’objets en cours. A la lumière de ce qu’a abordé ce chapitre, on pourrait plus généralement ajouter (à la catégorie goffmanienne des exclamations, et plus précisément) au sous-groupe des transitions démonstratives (Goffman, 1987 : 109-111), les formes bon, bon (pause) allez/alors, bon + terme d’adresse, etc. Du moins telles qu’elles paraissent et fonctionnent dans les environnements séquentiels et actionnels décrits ici. En ce qui concerne cet aspect, soulignons aussi que la forme bon n’effectue pas en elle-même les opérations dont nous avons parlé505 : ce sont le plus souvent les structures (collocations, paires adjacentes, contenus propositionnels, déploiement et ordonnancement temporel) dans lesquelles entre cette forme qui les réalisent. La fonction propre de bon semble être d’indiquer que ce qui précède se conclut et que ce qui suit est la continuité du flux, tout en créant des nœuds, des marquages signifiants sur ce fil métaphorique. Contrairement à ben, ce qui accompagne bon « à droite » est généralement initiatif d’une transition, et non pas réactif506.

Notes
501.

Bouchard (2000), cité in Bruxelles et Traverso, (2001).

502.

Suivant l’exemple des auteurs que nous venons de citer, nous n’allons pas adosser a priori un choix terminologique à bon (choix de niveau syntaxique, pragmatique ou interactionnel) et allons rester sur la définition lâche de particule ou marqueur.

503.

Si l’on reprend la terminologie proposée par Roulet et al., (1985), de l’école de Genève, pour les marqueurs de structuration de la conversation (MSC), on pourrait appeler ces éléments MC(I)A – marqueurs de la structuration de l’(inter)action.

504.

Différent en cela de la version avec recto tono, plutôt marqueur du retour à une diégèse initiale, par exemple.

505.

Comme l’ont déjà fait Bruxelles et Traverso, (2001) à propos de la particule ben.

506.

Ce qui est toutefois le cas dans le cas 3, qui, justement ne présente pas une forme XXXX (pause) bon\ (pause) XXXX mais une forme = bon\ (pause) XXXX. Par ailleurs, une différence importante entre la particule bon et les connecteurs (tel que ben) est que si bon participe à la structuration du discours, il n’est pas relationnel au même plan qu’un connecteur pragmatique (au sens des éléments présupposant une certaine relation entre deux objets de type propositions, actes de langage, etc.) dans la mesure où bon présuppose qu’un certain objet du monde et de l’activité (un processus notamment) puisse être présenté d’une certaine manière (comme « terminé » notamment).